Comme annoncé dans le précédent numéro, voici un entretien exclusif avec Wayne Coyne à propos de ce qui sera peut-être le meilleur album de 2009, Embryonic. Connu pour ses excès artistiques en tous genres (concerts géants de radiocassettes en drive-in, quadruple album à écouter en simultané, clip nudiste, etc.), Coyne fait partie de ces musiciens fascinants autant par leurs productions musicales que par la teneur de leurs propos sur celles-ci. C’est donc dans les loges du Parc des Princes avant de jouer la première partie de Coldplay que nous avons mis la main sur un bonhomme davantage préoccupé par les fans à déguiser pour le concert du soir que par l’enjeu d’un set face à cinquante mille personnes venues pour Chris Martin…

Embryonic semble réagir fortement au son de At War With The Mystics et se rapproche davantage de The Soft Bulletin
Wayne Coyne : Je ne sais pas trop. Nous ne saurions pas exactement à quoi réagir en fait ! Nous faisons des albums « au petit bonheur la chance » et quand ça marche nous ne savons jamais vraiment pourquoi ou comment… Jamais au cours de notre carrière nous n’avons considéré que nous étions ancrés dans tel ou tel style. Je sais qu’à l’écoute de The Soft Bulletin on peut croire que nous savions exactement ce que nous faisions or je peux t’assurer que ce n’était pas le cas. Nous avions des morceaux avec une sensibilité proche qui ont réussi à s’imbriquer merveilleusement bien, mais un peu par hasard…

La plupart des disques se mettent en place comme ça, en fait, non ? Ma remarque initiale relevait plus d’un constat à l’arrivée que d’une critique de votre mode de fonctionnement…

Wayne Coyne : Oui exactement. Il ne faut pas tomber dans le piège du « son » : établir un son pour son groupe et ne jamais le changer. Après les groupes tombent dans une sorte d’absurdité et justifient des albums médiocres en disant « de toute façon, c’est notre style ». C’est un peu ridicule (rires). Quand j’écoute aujourd’hui The Soft Bulletin ou Yoshimi Battles The Pink Robots, je suis sur le cul. « Qui a fait ces disques ? Ils sont putain de bons (rires) ! » Et pourtant rien, absolument rien, n’était planifié. La seule fois où nous avons vraiment planifié quelque chose est pour Zaireeka. Nous ne voulions pas faire le genre de rock joué sur Clouds Taste Metallic. Sur le moyen terme, cette philosophie nous a sans doute amenés à The Soft Bulletin.

Il faut dire qu’à l’époque Ronald James, votre guitariste qui participait énormément à la création de votre son, est parti. Il fallait bien le remplacer d’une manière ou d’une autre. Vous aviez donc choisi de changer votre son…

Wayne Coyne : Exactement. C’était un type bizarre et c’était presque libératoire qu’il parte. Nous nous sentions alors libres de faire la musique que nous entendions dans nos têtes. Il ne fallait plus passer tout par son filtre de heavy rock basé sur la guitare. Mais ne vous méprenez pas, j’aime aussi ces disques, en particulier Transmissions From The Satellite Heart qui pour moi est un sans-faute. Steven et Ronald y jouent de manière incroyable dessus et ce n’est même pas Dave Fridmann qui a produit le disque !

Et Embryonic, dans tout ça (rires) ?
Wayne Coyne : Ah oui, c’est vrai (rires). Nous ne voulions pas qu’il sonne exactement comme The Soft Bulletin ou Yoshimi Battles The Pink Robots car il aurait largement pu.

Vous avez, depuis The Soft Bulletin, sorti vos albums en 5.1 et vous faites partie des rares groupes qui utilisent pleinement ce format et du coup vos albums ainsi mixés sont totalement différents de la version stéréo. A quoi est-ce dû ?

Wayne Coyne : Pour The Soft Bulletin ou Yoshimi Battles The Pink Robots, le format était tout nouveau donc c’était excitant. Et puis je crois que notre manière de mixer un album est bizarre aux yeux de la plupart des gens. En plus, les gens en général s’en foutent du 5.1. Des mecs bizarres comme toi et moi adorent ça mais c’est tout. Pourtant c’est génial car on peut mettre une tonne d’idées en plus. Beaucoup de groupes se contentent d’adapter leur mix stéréo au 5.1 mais sur The Soft Bulletin nous avons plein de textures supplémentaires dans les haut parleurs de derrière. Parfois c’est un travail énorme. Pour At War With The Mystics, nous réalisions le mix 5.1 pendant l’enregistrement de l’album et ça a failli nous tuer tellement il y avait de boulot car il faut savoir qu’au moins huit titres supplémentaires avaient été faits… Nous passions notre temps à mixer !

Parlons un peu des concerts que vous faites en première partie de Coldplay. Que faut-il faire pour plaire au public de ce groupe qui, à 99%, n’en a sûrement rien à faire des deux groupes de première partie ?
Wayne Coyne : Il faut que nous jouions pour nous-mêmes. Steven Drodz et moi parlions de cela l’autre soir. Nous avons déjà fait des premières parties dans des stades avec notamment les Red Hot Chili Peppers. Tu as raison : nous sommes dans la position de « l’ennemi », le groupe qui retarde encore un peu plus la communion des fans de Coldplay avec Chris Martin (rires). Pourtant, pour nous, il est déjà très agréable de jouer uniquement pour nous. Même lorsque le public est là uniquement pour nous et met une ambiance de folie – comme lors de notre dernier passage à l’Electric Picnic en Irlande – nous jouons principalement pour nous. De toute manière nous sommes assez blindés par rapport à tout type de réaction… Le seul gros regret quand nous jouons avant Coldplay est que nous ne pouvons pas mettre un volume aussi élevé que nous voudrions. Lors du dernier concert nous chantions un de nos titres et le public chantait une chanson de Coldplay en retour (rires). C’était spécial. En tout cas les mecs de Coldplay sont géniaux et ce sont eux directement qui nous ont invité pour faire leur première partie en Europe. Merci à eux.

The Flaming Lips est reconnu pour ses qualités de groupe de scène. A chaque nouvelle tournée, est-ce que vous vous posez pour vous demander ce que vous pourrez faire de nouveau ?
Wayne Coyne : Nous espérons toujours trouver quelque chose de nouveau par hasard. Un peu comme pour nos albums en fait. Nous voulons toujours des éléments théâtraux, grandiloquents et que personne d’autre ne ferait jamais à part nous. Evidemment nous n’avons pas tout inventé. Le jeu de lumières et de fumée a sûrement été fait par Pink Floyd en premier. Mais dans tout ce que nous faisons, nous essayons de tout faire à notre sauce. J’espère que ça vous plaira et que nous vous verrons nombreux lors de notre passage en France en tête d’affiche, certainement au printemps prochain.

Warner Bros.
www.flaminglips.com 
The Flaming Lips, avant de rentrer sur scène...