Le concept très fort de Fear Of A Blank Planet, le plus gros succès de Porcupine Tree à ce jour, a laissé des traces qui se retrouvent sur The Incident, le dixième album des Anglais toujours emmenés par le loquace Steven Wilson. Des influences de Rush, de Tool ou encore de Meshuggah viennent doper un disque aussi prog' que noir qui ne sonne en (presque) rien comme une redite des précédents opus. Avec un sens mélodique un peu moins affûté, The Incident ne fait sans doute pas partie des essentiels de la discographie du groupe mais son remarquable travail sonore mérite tout de même qu’on s’y penche ainsi que sur la tournée à suivre qui passera le 13 octobre par l'Olympia.

Nous sommes actuellement au Air Studios à Londres qui n’est pas seulement l’endroit que tu as choisi pour nous présenter The Incident mais également un des studios utilisés pour l’enregistrement de l’album. Qu’avez-vous enregistré ici ?
Steven Wilson :
Les instruments acoustiques : la batterie, les guitares, le piano et un peu d’orgue Hammond. C’est un endroit pratique pour le groupe à plein d’égards. Nous n’avons pas besoin de nous déplacer trop loin pour nous y rendre. Il y a un parking (rires). Et puis c’est un endroit rempli d’histoire. Il n’est pas très ancien mais George Martin en est le propriétaire et avant il y avait un Air Studio ailleurs ce qui fait que le nom est très reconnu.

Après une écoute, The Incident semble très différent de Fear Of Blank Planet…
Steven Wilson :
(me coupant) C’est une bonne chose !

Oui… Et je trouve que cela se matérialise particulièrement lors de la dernière piste, « I Drive The Hearse », qui n’aurait pas pu être plus différente de « Sleep Together ». Celle-ci était un morceau quasi industriel montant en intensité alors qu’ici nous avons droit à une chanson calme presque apaisante après cinquante minutes de musique très éprouvantes…
Steven Wilson :
C’est juste, sauf que « I Drive The Hearse » n’est pas le dernier morceau de l’album, c’est juste le dernier morceau de ceux que je vous ai fait entendre aujourd’hui car je ne voulais pas charger l’écoute avec les quatre autres morceaux qui feront bien partie du disque. J’espère avoir fait un album différent. Je trouve qu’il y a un sentiment très « post-Insurgentes » car pas mal d’éléments de mon disque solo se sont frayé un chemin au sein de The Incident. Fear Of A Blank Planet était très porté sur les paroles alors que The Incident a une approche plus classique. Le concept de Fear Of A Blank Planet était tellement fort que par moments la musique devait passer au second plan, presque. Cela avait ses avantages et ses inconvénients. The Incident est porté par la musique et jamais par les paroles. La cohésion du tout est ainsi plus forte, à mon sens. Le disque est-il meilleur ? Je ne sais pas, tout ce que je peux affirmer est qu’il est différent.

Je sais qu’au moment où tu finis un album il y a toujours des chansons dont tu te sens plus proches. Quelles sont celles de The Incident ?
Steven Wilson :
Il s’agit plutôt de moments sporadiques. J’adore le couplet de « Drawing The Line », le solo au milieu de « Time Flies », la fin en fondu de « I Drive The Hearse », etc. Ce sont davantage des détails éparpillés çà et là qui me contentent. Il y a d’autres détails dont je ne suis pas très satisfait. Pour les chansons dans leur ensemble, je suis encore trop proche de ce disque pour avoir un véritable avis objectif. J’ai beaucoup de mal à l’écouter actuellement car j’ai déjà dû me le passer des centaines de fois.

Cet album semble très travaillé d’un point de vue sonore et cela est sûrement plus apparent encore sur le mix 5.1. Il ya constamment des effets et des bruitages qui contribuent à une ambiance très sinistre. Je pense parler au nom de tous les journalistes qui étaient présents pour dire que l’écoute nous a retournés. Dans cette optique, dirais-tu que The Incident est le disque le plus expérimental de Porcupine Tree à ce jour ?
Steven Wilson :
Je pense que mon album solo l’était encore plus mais il est clair que certains éléments que j’ai pu apprendre durant l’enregistrement de celui-ci se retrouvent ici. Insurgentes est construit autour du travail sonore, des détails, des bizarreries et des textures. Le mix surround est assez irréel. Néanmoins il y a des similitudes entre les deux approches, oui. Le titre le plus expérimental est à mon sens « Bonnie The Cat » que tu découvriras plus tard.

L’album est très chargé vocalement avec des multiples pistes qui se chevauchent par endroits. Néanmoins pour la première fois depuis Signify il n’y a aucun autre musicien impliqué dans l’enregistrement à part les quatre membres du groupe (même pas John Wesley). Cela a dû être assez compliqué pour toi en tant que producteur…
Steven Wilson :
Je pense que cela aurait été encore plus difficile avec des invités (rires) ! J’enregistre toujours le chant chez moi dans mon studio. Cela m’est donc plutôt facile d’expérimenter avec les canons, les harmonies et les couches de chant dont tu parles. Parfois j’obtiens des résultats franchement mauvais mais quand on est seul on n’a pas honte d’essayer des trucs ! Si j’étais avec le reste du groupe, je m’autocensurerais davantage et peut-être que dans le lot il y aurait des idées intéressantes que je n’utiliserais pas. En tout cas depuis que je suis devenu fan de Brian Wilson, des Beach Boys et de Crosby Stills Nash au moment de faire Stupid Dream, je suis obsédé par les arrangements vocaux complexes. C’est devenu indissociable du style de Porcupine Tree.

Les titres de Fear Of A Blank Planet avaient été « testés » en concert des mois à l’avance. Rétrospectivement, était-ce une bonne démarche pour toi ? Pourquoi ne pas avoir renouvelé l’expérience ?
Steven Wilson :
Car nous n’avons pas eu le temps. Nous aurions pu le faire mais alors le disque ne serait sorti qu’en 2010. Or, il y avait déjà eu suffisamment d’attente entre Fear Of A Blank Planet et celui-ci. J’avais beaucoup aimé cette démarche car cela avait grandement facilité l’enregistrement. Nous étions très familiers avec la musique. Je ne sais pas si l’album a été amélioré par ce passage sur scène. Pour The Incident, je pense que si nous l’avions joué sur scène, le passage en studio aurait été plus simple, également vu qu’il s’agit d’un disque très porté sur les compositions. C’est difficile de savoir si les albums auraient été différents vu qu’il n’y a pas de bas de comparaison. Ce qui est sûr : j’ai apprécié l’idée et si l’occasion se représente à l’avenir, nous le referons avec joie. Pour les fans, je crois que c’était un super moment que de découvrir soixante minutes de nouvelles compositions. Lorsque j’ai vu Radiohead le faire pour les titres d’In Rainbows – c’est d’ailleurs là que j’ai eu l’idée – j’avais énormément aimé.

Le fait d’avoir joué les titres vous avait permis d’évincer « Cheating The Polygraph » de l’album…
Steven Wilson :
Tout à fait. Et nous avons en retour écrit une autre chanson, plus forte, « Way Out Of Here ». Tu as raison de pointer du doigt ce phénomène car pour The Incident nous nous serions peut-être aperçus qu’un titre ne convenait pas bien, qu’il n’était pas suffisamment bon ou qu’il avait besoin d’être retravaillé. Mais maintenant, cela n’a plus d’importance car l’album est définitif !

En octobre, Porcupine Tree joue pour la seconde fois à l’Olympia. Mais cette fois-ci vous avez Robert Fripp en première partie ! Peut-on imaginer qu’il vous rejoigne sur scène pour un ou plusieurs morceaux ?
Steven Wilson :
Nous avons déjà joué plusieurs shows avec Robert notamment au Japon, aux Etats-Unis et en Angleterre mais nous n’avons encore jamais joué avec lui sur scène. J’aimerais pouvoir le faire et je ne dis pas que cela soit impossible à court terme…


Porcupine Tree – The Incident
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