Chez les Venice May, on sait exactement ce que l'on veut. Deux ingénieurs du son plus tard, le duo franco-ukrainien décide de tout réenregistrer chez eux, sans traces du moindre synthé. La touche finale sera confiée au biélorusse Alexey Stetsyuk qui saura transcender leur travail, tout en respectant leur volonté. Enfin, Illusion is Inevitable peut sortir, et Vincent et Natalia têtes hautes garder ! Il y a de la magie dans ce premier album car si l'atmosphère prédominante peut sembler dark, elle n'a rien ni de lourd ni d'oppressant. Il faut dire que la voix de Natalia est sublime, pure et envoûtante, tout droit venue de Kiev, région qui, personnellement, me transporte loin dans l'imaginaire... Et il se trouve qu'elle l'illustre pleinement. La rondeur des guitares - ou devrais-je dire de la Les Paul - de Vincent s'entrelace avec elle, puissante et élégante. Venice May nous offre un rock mélodique, aux notes très légèrement teintées de folklore ukrainien, qu'on a très envie de découvrir sur scène maintenant !

Peut-être est-ce cliché –tant pis, j’assume– mais, étant une grande amatrice de Bram Stoker, quand j’ai su que tu étais originaire de Kiev Natalia, mon imaginaire m’a immédiatement emmenée aux Carpates et plongée dans cette atmosphère gothique… Comme moi, y voyez-vous tous les deux un lien évident avec votre musique, ou suis-je total à côté de la plaque ?!
Natalia : Salut Maritta ! Effectivement je suis ukrainienne. Je suis née à Kiev et j’ai donc grandi avec une atmosphère musicale très différente de celle qu’on peut trouver en France, d’autant plus que j’ai chanté enfant dans une chorale de chant folklorique. Même si le côté “dark“ de notre musique ne vient pas nécessairement de mes origines, il est certain que nos compos, et en particulier mes plans de chant, sont influencés par le folklore ukrainien.

Vous dites ne pas aimer citer d’influences, alors selon vous, quels seraient les mots les plus appropriés pour parler d’Illusion is Inevitable qui donneraient l’envie de vous écouter ?
Vincent : Si on devait se limiter à quelques mots : mélodie, mélancolie et intensité.
En utilisant de vraies phrases et des références : on aime le rock tel qu’il était dans les 90s avec les premiers Radiohead, les Smashing, REM ou A Perfect Circle. D’autres styles nous ont influencés comme le Trip-hop de Portishead ou de Massive Attack, le métal alternatif de Tool ou Opeth et le Post-Rock de Red Sparowes ou Maybeshewill. Notre musique est donc un mix de tout ça.

Qui fait quoi ? Comment s’organise votre travail de compo et d’écriture ?
Natalia : Je m’occupe des plans de chant / textes et de la majorité des pianos et Vincent de la majorité des guitares, mais tout le reste (basse, batterie, structuration, arrangement, production), on le fait à deux. C’est donc compliqué de définir des rôles précis pour chacun de nous. On est clairement une espèce de songwriter à deux têtes.
Vincent : Dans la majorité des cas, les compos partent d’un plan de guitare ou de piano et on fonctionne ensuite par itération. On rajoute chacun des éléments en fonction de ce que l’autre a fait avant. Ça fonctionne comme ça pour beaucoup de groupes, la différence pour nous c’est qu’on est que deux.

Après avoir essayé de bosser avec deux ingés son, vous avez finalement décidé de tout faire dans votre appartement parisien, hormis les batteries. Comment se sont articulées toutes les phases d’enregistrement ?
Vincent : On a effectivement mis beaucoup de temps pour enregistrer ce premier album parce qu’on a perdu beaucoup de temps avec des ingés son qui ne nous convenaient pas. On n’y connaissait absolument rien en prise de son et mix, on a donc choisi des gens sur les conseils de connaissances, pas en utilisant nos oreilles (encore peu expérimentées à ce stade) et on n’a pas eu la chance de tomber sur les bonnes personnes tout de suite. Notre musique étant hyper riche niveau arrangement (on a régulièrement 100 à 150 pistes par mix), il nous fallait quelqu’un de très bon techniquement pour faire sonner le tout. D’autre part, nous avions besoin de quelqu’un capable de faire ce qu’on lui demande sans chercher à rajouter sa “touche personnelle“.
Avec les deux premiers ingés son, même les prises n’allaient pas. On s’est donc décidés à tout enregistrer nous-mêmes. On a acheté un Torpedo Reload de chez Two Notes et on a passé deux semaines à tout réenregistrer. Natalia s’est trouvé un système pour enregistrer le chant toute seule. Les basses ont été enregistrées en DI et réampées avec une B7K ultra de chez Darkglass. Enfin, le piano a été enregistré avec notre Nord Stage en direct dans la carte son.

Et c’est en Biélorussie que vous avez trouvé Alexey Stetsyuk (Grave Town Production) pour le mix. Comment l’avez-vous rencontré, et qu’est-ce qui a fait la différence avec lui ?
Natalia : On commençait à désespérer après l’échec avec le deuxième gars et un bon ami nous a parlé d’un ingé son en Biélorussie, un vrai “magicien“ du mix qui fait surtout du métal, mais qui est capable de tout mixer, d’après lui. On lui a donc envoyé un morceau pour tester et bingo. Enfin notre morceau sonnait comme on le voulait depuis des années.

Côté guitares, amplis, effets, quel matériel a été utilisé ? Tu m’as confié Vincent –je cite- “avoir du mal avec la production à la mode actuellement et en particulier l'omniprésence des synthétiseurs“. C’est le moment de développer la question, et quelques trucs et astuces sont les bienvenus ici !


Vincent : Toutes les guitares ont été enregistrées sur mon Diezel Einstein et 99 % avec ma Les Paul standard de 1980. On a fait pas mal de prises avec une SG, une Télé ou une Strat mais y’a rien à faire, c’est le son de la Les Paul qui collait le mieux, que ce soit pour les rythmiques ou les leads. On a juste gardé quelques riffs enregistrés avec la Telecaster, mais ils se comptent sur les doigts d’une main. Niveau effets, j’utilise beaucoup de Strymon (Timeline, Mobius et Bigsky).


Natalia : En ce qui concerne les synthés, on y est devenus allergiques tous les deux au fil des années, à mesure qu’ils prenaient de plus en plus la place des guitares dans le rock et la pop. C’est une question de goût bien entendu, mais pour nous, cela correspond à un appauvrissement musical. Avec un synthé, les gens font du son, mais j’ai souvent l’impression qu’ils oublient la recherche mélodique ou rythmique.
Vincent : Avec une guitare et quelques effets, je pense que tu peux sortir des sons beaucoup plus intéressants et originaux qu’avec un synthé qui, au mieux, va te faire sonner comme tout le monde aujourd’hui ou, au pire, comme Emile et Image.

Pour la scène, vous êtes accompagnés de musiciens. Voulez-vous bien nous les présenter ? Vous avez l’air de savoir exactement ce que vous voulez… Ont-ils le loisir de s’exprimer et de proposer des choses pour le live ?
Natalia : On a eu la chance de rencontrer Jérémie (Batterie) et Sly (Basse) il y a quelques années. Ils se connaissent depuis longtemps et jouent déjà ensemble dans un autre groupe ce qui est une bonne chose parce qu’on a conscience que ce n’est pas évident de trouver sa place dans un groupe constitué et dirigé par un couple.
Vincent : Jérémie est un excellent batteur et heureusement, parce que nos patterns ne sont pas évidents. On aime beaucoup les batteries assez recherchées et il nous fallait donc quelqu’un vraiment à l’aise techniquement.
Natalia : Sly joue donc les basses et on aime beaucoup son côté geek de son, car il est très important pour nous d’avoir un bon son de basse bien chiadé.
Vincent : Les deux nous donnent aussi leur avis sur les structures des morceaux par exemple et on en a modifié certaines en les suivant.
Natalia : C’est intéressant d’avoir des oreilles un peu extérieures vu qu’on fait pratiquement tout de A à Z juste tous les deux.


Quels sont les actus et projets ? Vous vous concentrez essentiellement sur la promo de l’album sorti en septembre. Quand pourrons-nous vous apprécier en concert ?
Natalia : On s’est effectivement concentrés sur la promo de l’album ces 3 derniers mois. On cherche activement des dates pour début 2019 et on va pouvoir donner des news à ce sujet très prochainement !

De qui, de quoi auriez-vous besoin pour le bon développement de votre duo ? A quelles difficultés majeures faites-vous face ?
Vincent : La principale difficulté, c’est que les gens n’écoutent la musique et n’ouvrent les mails que des groupes et des gens qu’ils connaissent déjà. Etrangement, c’est principalement vrai en France. On a eu beaucoup plus de retours des gens qu’on a sollicités dans les pays anglo-saxons qui donnent l’impression d’être un peu plus curieux qu’en France.
Natalia : Autrement, ce dont nous aurions besoin pour passer à la vitesse supérieure, c’est d’un label et d’un tourneur !


Pas de question, la voie est libre pour dire ce que vous voulez ! Comment dit-on LIBRE en ukrainien d’ailleurs ?

Natalia : ВIЛЬНИЙ (vilnyi) :)
Vincent : Merci pour l’échange Maritta !


Dates de concerts :
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[Scène Ouverte] Venice May - Illusion is Inevitable