Ah, cette interview ! Monsieur Zorg Effects, si votre "fabriquage" (oui, nous aussi on aime bien inventer des mots !) se rapporte à votre ramage, on ne peut qu'inviter ceux qui ne vous connaissent pas encore à aller découvrir vos pédales aux noms tout aussi originaux que leur concepteur, comme la Love Philter, Jour de Fet, Glorious Basstar et la Zorglonde, dernière née il y a tout juste deux mois dont le doux nom sonne comme celui de l'épouse d’un roi Franc…

Peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours professionnel jusqu'à la naissance de Zorg Effects ?    
Gabriel, 36 ans, hybride Gascon/Cht’i. Ours amis des tout petits, des tristes et des gens ayant un gros chagrin, tournant le bouton tout rond depuis 1986. Guitariste depuis l’âge de la mort de Kurt Cobain, avec une formation amateur en jazz, sound painting et musiques improvisées. Aujourd’hui après avoir respectivement joué dans un goupe de funk, un groupe de prog rock, un collectif de soundpainting et des ateliers d’impros libre et free jazz, je joue dans une espèce de truc musico-dessiné avec du rock et des impros stupides.

La genèse de Zorg Effects est la réunion de plusieurs faits. Le 18 juin 2014, le général de Gaulle m’appelle, et je décide de partir en congé sabbatique, car après dix ans passés à travailler dans une société de services en informatique je m’ennuyais profondément. 

Trois ans avant ça, mon groupe de rock prog est dissout et l’utilisation d’un Lexicon MPXG2 m’apparaît de moins en moins en adéquation avec la musique que je fais à cette époque là, à savoir improvisée et stupide. Or, avec un rack, on ne peut pas mettre les doigts dans les boutons et ces machines restent trop sages quand il s’agit d’auto-osciller, de bitcrusher ou de filtrer avec beaucoup trop de résonance. 

En 2013 à Jazz in Marciac je vois Serge Lazarévitch se pointer dans un bar pour jouer, à pied, avec sa gratte sur le dos, son Fender Junior et ses pédales dans les mains. Quelques semaines plus tard, je vends tous mes racks.

Dix ans avant de croiser Serge, je reçois un papier sur lequel il est écrit que je suis maintenant diplômé ingénieur en électronique, spécialité capteurs et océanographie. L’année suivante, je reçois un autre papier écrit « DEA d’imagerie médicale ».

Mais donc après avoir vendu mes racks, je me cherche quelques pédales, tombe sur quelques plans, et je commence à prototyper mes propres distos et filtres parce que c’est quand même moins cher et plus rigolo. J’y passe tout mon congé sabbatique d’où il en sort 8 pédales. Alors je décide d’en faire profiter d’autres : Zorg Effects était née.

Quelles sont tes influences musicales ?  
Vers 8 ans, en 1988 donc, alors qu’on est encore à fond sur Henry Dès, mon frère de deux ans mon cadet ramène de la bibliothèque du village une cassette verte avec une épée un serpent et une tête de mort. On l’enfourne dans notre mini lecteur de cassettes et on prend une grande claque de Mötely Crüe dans la figure. Mon père entendant ce bazar du diable décide de nous mettre Made In Japan de Deep Purple, et 90125 de Yes sur cassette. J’ai usé toutes ces cassettes à mort. Ensuite un pote m’a alimenté en Metallica, Gun’s and Roses et j’écoute en boucle “In Utero“ dans un lecteur CD tout neuf pendant toute une semaine où j’ai les oreillons.  
Mais ça c’était il y a longtemps. Plus tard je suis devenu adepte de Bumblefoot, Zappa, Radiohead, Pearl Jam, The Mars Volta, Primus, John Zorn… Le seul artiste dont j’ai acheté intégralement la discographie est Mike Keneally. Maintenant je traîne principalement dans les concerts de jazz, rock et musiques improvisées à Toulouse, de préférence dans des caves qui puent, des bars trop petits et des squats.

Quelle a été la première pédale que tu as utilisée et dans quel contexte ?  
Une AB box pour passer d’une guitare à une autre rapidement sans les débrancher. Mais ça compte pas vraiment… La vraie première pédale que j’ai eue était une Boss Fuzz Wha dont le bypass était pas du tout bypass et qui générait un bruit blanc extraordinaire. Je ne l’ai pas gardée longtemps.

Et celle que tu as fabriquée ?    
J’en ai fabriqué deux en même temps : un clone de Zen Drive, assez sympa. Puis un clone de compresseur célèbre à deux boutons, qui marchait mais qui était bruyant et ne faisait pas du tout ce que je voulais. Suite à cette déconvenue j’ai passé presque deux ans à fomenter un plan de conquête du monde compresseur, et PAF! l’Oppressor est née.

Quelle est la particularité, la valeur ajoutée de tes fabrications   
Le gain va souvent jusque 1000 ou plus. Les filtres filtrent trop quand ils sont à fond. Les octavers sont carrés. Le volume de sortie maximum peut faire saturer le canal clair de mon Bogner Shiva, tout en générant le moins de bruit possible. Je trouve les boutons tone frustrants. Tous les réglages d’aigus sont à l’envers. Je peux faire du sur-mesure, surtout si vous voulez une led et des boutons roses sur votre pédale.
Mais surtout, j’ai tout pensé en DIY. Pour les bricoleurs, les plans des pédales sont à peu près tous dispos et je vends mes pédales en kit (complet, PCB+composants, PCB+Boite, PCB seul) pour ceux qui savent manier le fer à souder.

Avant tout, ton travail tente de toucher quel public ? Musiciens amateurs, confirmés ou pro ?  
Il semblerait que mon travail cherche à toucher surtout les musiciens qui aiment quand il y a plein de réglages qui vont loin. Qu’ils soient pro ou amateurs, du moment qu’avoir plus d’un bouton ne leur fait pas peur, c’est bon ! Même si j’avoue qu’une pédale à zéro potard tourne dans ma tête depuis quelques mois...

Le guitariste lambda est souvent freiné par le prix des produits élaborés par les artisans. Que pourrais-tu dire pour défendre le coût de fabrication de tes produits?
L’avantage d’une pédale pensée pour être montée en DIY, c’est que dans 30 ans, quand ta pédale aura 70000 heures de vol et que les condos seront bien fatigués, ou bien si tu l’alimentes en 24v ou 18v par accident au lieu de 9v, tu pourras réparer tout ça très facilement et cette pédale te tiendra toute ta vie (enfin moyennant que tu l’aimes toute ta vie, mais l’amour c’est compliqué et c’est pas mon boulot...).

Quelle est ton actu et/ou tes projets à court et moyen terme ?  
Il y a la Zorglonde, un trémolo analogique typé vintage qui est sorti début juin 2017 et qui est déjà allé hacher la guitare de Dorian avec les Headbangers en première partie d’Ibrahim Maalouf à Marciac le 31 juillet dernier. 
Il y a deux heures de ça, je viens tout juste de finir deux modules pour des synthés modulaires euroracks : un filtre à états variables et un VCA/Crossfader. Il vont certainement faire l’objet d’un financement participatif à l’automne.  
Ensuite il faut que je sorte rapidement des pédales qui permettent d’interfacer des micros statiques ou dynamiques en XLR avec des pédales. Il y a quelques saxophonistes et trompettistes qui attendant ça avec impatience ici.  
Pour les bassistes je voudrais essayer de mettre la Glorious Basstar sur un petit format avec juste 4 potentiomètres au lieu de 8.
Une fois que j’aurai fini tout ça, on devrait être à peu prêt en 2018 et, si j’ai le temps, je voudrais travailler sur une pédale synthé, à partir d’un vieux et génial synthé des années 80…

Puis surtout pour les parisiens, je serai exposant au Festival de la Guitare de Puteaux, le dernier week end de septembre !

Quels sont les problèmes majeurs que tu as rencontrés ou que tu rencontres encore depuis le lancement de ton activité ?  
Mes journées sont vraiment beaucoup trop courtes pour tout ce que je voudrais faire. Je passe un temps fou à chercher mon rouleau de scotch et mes réglets qui sont jamais là, rangés où il faut. Le fromage coûte de plus en plus cher et il fait moche à chaque fois que je vais en montagne. L’ été on se fait littéralement bouffer par les moustiques à Toulouse et le kernel Linux 4.10 fait de la merde avec ma carte son alors que le kernel 4.4, lui, marche très bien. 

Penses-tu que d’une manière générale la presse et les pouvoirs publics s'intéressent suffisamment à l'artisanat ?    
C’est une question que j’ai jamais creusée… 

Le mot de la fin, ton message à la communauté de Gcom ?    
Inscrivez vous à la newsletter de Zorg Effects ! La seule newsletter qui vous emmerde pas vu que j’en écris jamais. A défaut il y a un Facebook et un Twitter sur lesquels je poste des informations cruciales sur l’économie et la philosophie grecque post-médiévale. 

Si vous êtes de passage sur Toulouse vous pouvez venir boire une tasse de thé et essayer quelques pédales si je suis dans le coin, il suffit de me contacter via le formulaire de mon site… 

Et eviv Bulgroz!!!

En savoir et en voir plus sur les produits Zorg Effects :

Sur le Topic Pro Zorg Effects dans le Forum  
Sur son site Internet  
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Cette rubrique est destinée à mieux faire connaître les artisans présents en Topic Pro dans nos forums. Si vous souhaitez plus d'infos sur ce service pour être vous aussi présenté en [Pleins Feux sur], écrivez à Caroline à l’adresse caroline[@]guitariste.com (retirez les crochets).

 

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