Le retour de Renaud Hantson avec Satan Jokers est aussi inattendu qu’excitant. Le batteur touche à tout revient en 2009 avec un line-up flambant neuf qui met notamment en avant les qualités de Pascal Mulot à la basse. Vingt ans d’absence du groupe valaient bien un long entretien avec le sieur Hantson qui nous livre notamment ses impressions sur ses différents projets.

Satan Jokers a été mis entre parenthèses pendant vingt-trois ans. Peux-tu revenir sur ce que tu as fait durant toutes ces années ?
Renaud Hantson : J'ai sorti huit albums en solo dont le dernier est sorti en octobre 2008. J'ai participé aux trois plus gros opéras-rock français (Starmania, La Légende de Jimmy, Notre Dame de Paris), à un wagon d'albums et produit de nombreux groupes. J'ai monté en 2002 une école de chant et de batterie qui marche plutôt très bien sans médiatisation excessive. Furious Zoo est depuis 2005 le projet parallèle à ma carrière solo, c'est du big rock. J'avais envie d'un projet parfait pour jouer en club et avoir un contact direct et une proximité avec le public. Le Furioso IV sorti en décembre 2008 est très certainement le meilleur album du groupe.

Pourquoi l'envie de rejouer avec le groupe est revenue précisément à ce moment-là ?
Renaud Hantson : La reformation s’est réellement décidée avec Pascal Mulot qui souhaitait donner un concert hommage à Laurent Bernat avec qui il était proche. Initialement, nous devions uniquement répondre présents à la demande d’un organisateur de festival pour être tête d’affiche. Je lui ai demandé de me suivre en studio chez Olivier Spitzer, guitariste rythmique de la nouvelle formation, chez qui j’écrivais de nouvelles chansons. Ils m’ont proposé, à la différence de Furious Zoo où les textes sont en anglais, d’écrire en français cette fois et, dès que j’ai trouvé les mots de « Voodoo », la première composition en studio, nous savions que ce qui pouvait être un nouveau Satan Jokers était en marche.

Le Satan Jokers des années 2000 a-t-il les mêmes intentions que celui des années 80 ? Lesquelles ?
Renaud Hantson : Si vingt-trois ans nous séparent du line-up de 1982 à 1986, ce n’est un secret pour personne, j’en étais le créateur et le principal décisionnaire sur tous les plans. Je n’étais pas prêt à l’époque à lâcher mes baguettes et à passer devant au chant. Je reprends l’histoire avec plus de recul, d’expérience, tout comme les musiciens qui m’entourent. Cela sera ma vision très exacte de ce que le groupe aurait toujours dû être et, étrangement, il a toujours déclenché des vives réactions, qu’elles soient positives ou négatives. Je crains que ce ne soit encore le cas aujourd’hui, même si comme dans le passé les possibles critiques des détracteurs du nom Satan Jokers viendront en général de gens qui n’auront pas écouté ! Je sais bien que le Satan Jokers d’aujourd’hui ne cherche pas à révolutionner le genre mais répond en tout cas à une espèce de vide que ressentent certains fans d’un metal mélodique connoté eighties. En tout cas, c’est dans cet état d’esprit-là pour ma part que je conçois le « SJ 2009 ».

Comment ont été motivés tes choix pour les musiciens composant le nouveau line-up ?
Renaud Hantson : Olivier Spitzer (ex-Stators, Rebel…) est un excellent partenaire d’écriture et de travail en studio, il a très envie de refaire de la scène et a pour les guitares une immense panoplie de sons très actuels ou parfois très roots. C’est un peu notre Malcom Young ! Pour la section rythmique, il y a donc Pascal Mulot à la basse et j’avais une hésitation sur le choix du batteur live. L’enregistrement studio a un peu fait office d’audition. Notre choix s’est porté sur Marc Varez (ex-Vulcain) qui est arrivé le plus préparé sur l’enregistrement. J’ai proposé aux autres Michaël Zurita comme deuxième guitariste, transfert des groupes Big Ben, Taï Phong et Gogol Ier, parce que je souhaitais un genre de Steve Vai / Zakk Wylde made in France à la guitare solo et que je trouve intéressant que la nouvelle formation soit un quintet avec deux guitaristes et non pas un quatuor.

As-tu pensé sortir l'album sous un autre nom que Satan Jokers ?
Renaud Hantson : Nous avons fait l’album en pensant dès la première chanson que nous étions en train d’enregistrer ce que Satan Jokers doit être aujourd’hui ou ce qu’il aurait pu être si à l’époque nous avions tous eu l’expérience que nous avons aujourd’hui. On ne refait pas l’histoire mais on peut la reprendre quelques années après.

Pascal Mulot à la basse est comme à son habitude époustouflant. Que peux-tu nous dire sur son jeu ?
Renaud Hantson : Comme Laurent Bernat, Pascal est un bassiste exceptionnel et a même sûrement poussé encore plus loin cette notion de « bass hero » même si sur l’album il n’en rajoute pas dans l’esbroufe inutile ou la technicité. Je pense qu’il a été parfois dépassé par la rapidité à laquelle j’ai mené à terme ce qui aurait pu ne rester qu’un projet car, une fois que j’ai décidé de créer un nouveau line-up et d’enregistrer un album de nouvelles chansons, tout s’est fait sur une période très courte de trois ou quatre mois. Il a le même genre d’humour très trente-cinquième degré que Laurent, ce qui évidemment me plaît bien.

Il paraît que tu as déjà de nombreux titres de prêts pour le prochain disque de Satan Jokers. On n'attendra donc pas vingt-trois ans (rires) ? A quoi ressemblent-ils ?

Renaud Hantson : J’ai déjà en effet sept titres prêts pour le prochain Satan Jokers qui devrait sortir assez rapidement courant 2010, des chansons qui montreront que le SJ 2009 n’est qu’un « premier avertissement », une première « carte de visite » car ce que nous préparons déjà pour le prochain album est beaucoup plus abouti et finira de prouver que je ne fais pas tout ça par hasard. Ça a de plus en plus un sens profond pour moi.

On vous compare souvent à Trust. La grande différence est que Satan Jokers n'a pas cette dimension « d'engagement ». Ça te dirait parfois ou est-ce que pour toi musique et idéaux sont deux choses bien distinctes ?
Renaud Hantson : Je n’ai pas souvenir qu’on nous compare souvent à Trust, nous étions juste leurs plus proches prétendants certainement avec Warning car avec des scores moins importants nous étions quand même à peu près les seuls à avoir fait des chiffres de vente dignes de ce nom. Etait-ce le fait d’être sur des multinationales ? C’est également possible… Bernie Bonvoisin a été le premier à montrer qu'il est possible de faire des textes français sur du hard rock et a effectivement bénéficié d'un contexte politico-social qui à l'époque a sûrement aidé le succès de Trust. Satan Jokers n'a en effet jamais eu la même vocation dans l'engagement. Il y a des textes plus vindicatifs que dans le passé sur le nouvel album comme « U.S.A. (Union Sacrée des Assassins) », « Mouroir », « Silicone Baby », « Combat », « Professionnelle », « Indien de Demain » ou « Ma Guitare » mais il est vrai que je suis plus intéressé par les mélodies et la consonance ou la violence de certains mots que par leur contexte politique ou les idéaux qu’ils peuvent véhiculer. J'adore les films de la nouvelle carrière de réalisateur de Bernie avec un faible pour Les Grandes Bouches mais je n'ai pas vu Trust en concert depuis pas mal d’années et n’ai pas encore entendu leur dernier album.

Avec le recul, quel regard portes-tu sur les trois premiers albums de Satan Jokers ?
Renaud Hantson : Ils étaient en avance pour l’époque et beaucoup considèrent que Laurent Bernant et moi avons inventé la fusion metal, ce qui est très flatteur, mais la production sonore, la naïveté de nos mélanges techniques alliant jazz rock et metal et globalement le manque d’étoffe et de maturité vocale me font penser que les albums n’ont pas toujours bien vieilli. Je trouve presque que le Best Of Live que j’ai produit en 2005 reflète mieux le côté novateur que nous pouvions avoir, surtout quand on sait que le résultat provient d’enregistrements cassettes ou huit pistes !

Tu as toujours eu le besoin de diversifier ta carrière. A ce titre, vers quoi t'orientes-tu pour le reste de 2009 ?
Renaud Hantson : Je me laisse porter par la dynamique de chacun des projets mais il est clair que Satan Jokers ayant été mon premier rêve musical, je vais lui donner une priorité dans les mois à venir sans pour autant oublier que le grand public me connaît pour ma carrière solo et que je m’éclate dans des petits clubs avec Furious Zoo.

Quels sont les guitaristes qui t'impressionnent le plus dans la scène française ?
Renaud Hantson : Thibault Abrial avec qui j’avais fait le premier Furioso en 1992 reste pour moi un des guitaristes les plus exceptionnels de l’Hexagone ; Mike Zurita le soliste de la nouvelle formation de Satan Jokers est pour moi de cette trempe. J’ai été assez impressionné également un soir dans un club par l’autre soliste de Snake Eye, groupe dans lequel Mike a d’ailleurs joué. Je chante un titre sur l’album d’un guitariste nommé KB et l’ai aidé à trouver un label, son album doit sortir dans les jours qui viennent. Je n’ai pas l’impression non plus de perdre au change dans le changement de line-up que j’effectue en ce moment pour Furious Zoo en ayant rencontré Philippe Kalfon qui va gravement faire parler de lui et avec qui je commence également tranquillement l’écriture de nouvelles chansons pour un Furioso V !

Qu'est-ce qui rend un guitariste intéressant à tes yeux ?

Renaud Hantson : Son feeling, son toucher, sa palette de sons, sa rigueur dans la mise en place mais bien entendu également sa dextérité et sa vitesse pour certains plans un peu frimes car j’aime bien les « guitar heroes » !

Tu mènes Furious Zoo de front. Quelles sont les différences créatives entre les deux groupes ?
Renaud Hantson : Comme je l’ai dit, Furious Zoo fait du big rock destiné aux clubs et à une proximité maximale avec le public, Satan Jokers du heavy metal destiné à être joué très puissamment avec cinq fortes personnalités mais également avec le poids du lourd héritage que nous avons laissé dans les années 80, qu’il soit positif ou négatif d’ailleurs. C’est donc un vrai travail que de montrer aujourd’hui ma vision d’un groupe que j’ai créé puis stoppé il y a plus de vingt ans. Ce sont donc, même si le chanteur est le même, deux façons d’aborder la musique très différentes. Le mieux pour savoir ce que je fais ou découvrir des différences entre chacun de mes projets est encore de se rendre sur Internet, sur MySpace :
www.myspace.com/satanjokers
www.myspace.com/furiouszoo


Satan Jokers – SJ2009
www.myspace.com/satanjokers
Satan Jokers après vingt ans d'absence