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Source : LesInrocks.com
Disque du jour (06/12/2004) : Un plantureux coffret, With the lights out, survole la carrière de Nirvana. Pas un best of du groupe mais un best of du rock...
D’abord, dissipons le malentendu : en dépit de ce que tend à faire croire le recto du coffret With the Lights out, Nirvana n’est pas un groupe de metal. J’ai essayé de faire tenir des magnets dessus, ça ne marche pas. Après s’être amusé un peu, on peut ouvrir le triptyque et plonger en apnée dans ces abysses tourmentés, qui recèlent rien de moins qu’une discographie parallèle de Nirvana.
Coffret de trois CD, un DVD et un gros livret, With the Lights out n’est pas un best-of géant. Il y a bien des versions de Smells Like Teen Spirit (trois), mais il y a surtout des demos, des enregistrements de jeunesse, des titres inédits, quelques reprises et des images rares. Un beau coffret de Noël, qui sent un peu le sapin, mais pas trop.
Le déroulé chronologique permet de se poser cette cruciale question : en 1985, que fallait-il attendre du petit Kurt Cobain, dont le premier groupe s’appelait Fecal Matter et dont la pochette de la cassette demo représentait un étron survolé de mouches ?
On n’a jamais eu l’occasion d’écouter Fecal Matter, mais les débuts de Nirvana sont illustrés ici par une reprise acnéique de Led Zeppelin (Heartbreaker), pendant la boum à Raymond (dans l’Etat de Washington) en 1987. La première moitié du premier disque ressemble à une compile de demos de Jesus Lizard : certes efficace, mais jamais renversant.
Il faut moins d’un an à Nirvana pour sonner comme Nirvana. Plus encore que sur les demos de 1988, c’est sur les premières images du DVD que l’on assiste à la mise en place du génie de Nirvana. Le groupe est en répète chez la mère de Krist Novoselic. Kurt Cobain chante le nez contre un mur. Mais à travers le chant éraillé et les larsens élastiques de Kurt Cobain, Nirvana est en train de faire de la dissonnance une nouvelle norme.
Le deuxième CD s’ouvre par des demos poignantes (dont une version de Where Did You Sleep Last Night qui dépasse celle du MTV Unplugged). Documentant parfaitement l’époque du bulldozer supersonique Nevermind, le deuxième CD s’achève sur la version officielle de Smells Like Teen Spirit, le truc le plus énorme qui soit arrivé au rock des années 90. On pensait être au sommet, et on attaque le troisième disque à la même altitude : deux versions de Rape Me (l’une en demo acoustique, l’autre avec bébé qui pleure) belles à vomir.
A l’époque de In Utero, Nirvana devient plus sombre, plus extrême, plus metal. Nous sommes en 1993 et Nirvana joue une reprise émouvante et badine de Jacques Brel dans un studio de Rio de Janeiro. Sur le troisième CD, l’aventure se termine par une grosse poignée de demos acoustiques, dont trois de 1994. Quand on se concentre sur l’écriture en phase terminale de Kurt Cobain, notamment sur le magnifique Do re mi, on se dit que ce gars ultrasensible et trop lucide aurait pu chanter ces chansons cinquante ans plus tôt. Il se serait alors appelé Son House ou Hank Williams.