IR, la technologie de demain ?

Publié le 26/07/2019 par Alexandre Criado
Salut copain gratteur, c'est l'été, la période des diplômes est passée, celle de la fête de la musique aussi, et tu vas goûter un repos bien mérité sur les plages à faire du Oasis sur une folk pourrie, alors que pour d'autres le temps est venu de remplir le carnet d'intermittence avec toutes les dates de bal-festival-mariage. Non mais vous croyiez que j'allais vous laisser tranquille ? Allez, un p'tit dossier de vulgarisation à bûcher pendant les vacances pour pouvoir se la péter au studio ou sur les forums à la rentrée, coquinou.

Mais c'est quoi ? 

C'est vrai, quoi. Tout le monde en parle, des IR, certains emploient même le terme de convolution, et ce que tu as vaguement compris, c'est qu'il s'agit de petits fichiers audio que tu intègres dans ton simulateur de haut-parleurs, et oh, dis-donc, ça sonne, joie, paix et amour. Mais à part ça, sois honnête, t'as aucune idée du pourquoi du comment !

Déjà, d'où part-on ?

Alors pour revenir aux bases, depuis l'invention de la musique amplifiée, on a toujours tenté de reproduire électroniquement des phénomènes physiques, dans un but purement pratique mais aussi parfois créatif. Les effets dits de spatialisation (Réverbe et Delay) ont été les premiers concernés, puis dans les années 80 les guitaristes ont commencé à se dire que le gros 100 watts avec son double 4x12 c'était lourd, cher et pas pratique, donc si on pouvait obtenir le même rendu au casque ou à la sono, ben ça serait peut-être pas si mal !

Les premières tentatives ont bien entendu relevé de l'électronique analogique. Un Palmer ou un A/DA Microcab tentent de reproduire le comportement d'un HP guitare à l'aide d'égalisations et/ou de transformateurs audio. C'était simple, et ça reste suffisamment efficace pour que des guitaristes les utilisent encore (Phil Collen, Viggo Lofstad...). Bien entendu le son manque de punch et de spatialisation, mais dans des styles musicaux où un son dense, propre et "in your face" est requis, un poil de réverbe derrière et ça le fait.

Des transformateurs, quelques filtres de fréquences, et basta.

Le numérique a bien entendu changé la donne et toutes les possibilités données notamment aux réverbes se sont naturellement offertes à la simulation de HP. Nous sommes entrés dans l'ère de la simulation ALGORITHMIQUE. Le principe est simple en théorie : définir une ou des fonctions mathématiques qui correspondent à la réponse du HP et de son environnement. 

Tu noteras copain, j'ai dit simple en théorie (et moi j'aime bien le thé au riz), parce qu'en pratique, la réponse d'un haut-parleur ne correspond pas à UN algorithme mais à une foultitude en fonction des fréquences concernées, de l'environnement, de la taille du baffle, du déplacement de la membrane... bref tu comprendras que le réalisme d'une simulation algorithmique, comme pour les réverbes, dépend directement de la puissance de calcul du processeur et de la profondeur de l'investigation faite par les équipes de développement pour aller analyser toujours plus loin et plus précisément l'évènement naturel. Autant dire qu'en restant dans le domaine du raisonnable, on se heurte vite à des limites. J'ai ouï dire que Benjamin NoiseGates, à côté du trésor des templiers, a trouvé la formule universelle de l'algorithme de saint Grinebaque XII, mais c'est sans doute une légende.

La source de toute la magie... et des complications

Convolution Revolution

Du coup à la fin des années 90 - début 2000, est arrivée une idée neuve : plutôt que de chercher à recréer un comportement naturel, pourquoi ne pas aller le chercher à la source ? 

(Allergiques aux maths, sautez ce paragraphe, bande de cancres, allez directement au coin sans passer par la case départ.)

L'idée de base se rapporte à l'opération multipliant deux fonctions mathématiques 'f' et 'g', f*g étant appelé le produit de convolution.

Dans le contexte audio et pour schématiser :

Si 'f' est notre son de base, 'g' le paramètre à modéliser (HP, réverbe) et 'h' le son final, alors puisqu'en produit de convolution f*g=h, on peut trouver g=h/f

Donc, il suffit que 'f' soit un paramètre connu (par exemple un bruit rose*) et que l'on puisse enregistrer le rendu final 'h' (donc le bruit rose passé au travers du HP) pour ensuite faire une petite opération numérique qui nous donnera 'g', que l'on appelle l'empreinte ou réponse impulsionnelle.

(Allez reviens petit potache, c'est fini, t'auras juste à faire signer un mot par tes parents)

Pour faire dans les métaphores, la différence entre modélisation algorithmique et modélisation par convolution est la même que celle entre un dessin et une photo : le dessin recrée tout avec une fidélité forcément limitée mais une compréhension de chaque trait, la photo est une reproduction parfaite à l'instant T mais qui ne contient que les informations visibles. 

D'abord appliqué aux réverbes, le principe de convolution a très vite intéressé les guitaristes bien entendu, et de nos jours l'écrasante majorité des simulateurs de HP l'utilise. On notera même des machines comme le Kemper Profiler qui poussent jusqu'à donner la possibilité de prendre l'empreinte de l'ampli entier ! 

Prendre l'empreinte de sa chaine complète et la mettre dans une boite, pourquoi pas ?

Le poids de l'empreinte

Tu as donc compris le système : si on veut prendre la réponse impulsionnelle de, mettons, un cab Mesa 4x12 avec des Vintage 30 le tout pris avec un SM57, on installe tout ça, on envoie un bruit rose dedans, on enregistre ce qui sort du SM57, et à l'aide du logiciel qui va bien, on "divise" le fichier audio résultant par le bruit rose, afin d'extraire le fichier audio qui sera notre IR. Ce fichier pourra ensuite être chargé sur une machine ou un plug-in qui fera l'opération de convolution entre l'empreinte et le signal qu'on lui présente, et le tour est joué !

Après si tu as bien suivi, c'est à ce moment que tu commences à comprendre le principal "défaut" de la convolution.

Si on revient sur notre métaphore de la photo, et que je te dis "quand même, j'aimerais voir ce que ça donne cette photo sous un autre angle", qu'est-ce que tu peux me proposer comme solution ? 

Rien, bien entendu, ta photo n'étant qu'un instantané à une position et un contexte donné ! Eh bien pour les IR c'est la même chose. Dans l'exemple ci-dessus, si je veux tester une autre position du micro par rapport au baffle, je me retrouve à devoir bouger mon micro... et reprendre une empreinte. 

Du coup les machines et plugs fonctionnant avec de la convolution sont beaucoup moins exigeantes que celles à algorithme, par contre elles vont avoir besoin de stocker plusieurs dizaines, plusieurs centaines de fichiers ! Alors certes un fichier d'IR n'est pas très gros, mais quand même.

Pour exemple, j'ai acquis il y a quelque temps les packs d'IR de chez Redwirez, le dossier d'un seul Cab avec plusieurs micros et positionnements différents fait quelque chose comme 700 fichiers ! On a aussi l'exemple de Two notes qui ont choisi d'encapsuler dans des fichiers propriétaires l'ensemble des IR concernant un baffle prises à un moment donné.

Exemple de dossier comprenant les différentes positions de micro pour un baffle et un micro

Toute la magie de ce concept réside dans la communauté. Si je prends (encore !) l'exemple de nos français de Two notes, ils mettent à la disposition de tous le logiciel permettant à ceux qui sont correctement équipés de créer leurs propres IR en toute simplicité. Le résultat, c'est que nombre de studios, de producteurs, voire d'utilisateurs lambda, alimentent une bibliothèque de réponses impulsionnelles qui s'agrandit chaque jour, leur boutique affichant à ce jour pas moins de 316 baffles différents ! 

J'en profite pour appuyer un peu sur la partie "pédagogique" de la chose, deux points :

 - Le premier est que l'on peut parfois constater, à micro égal, position égale, baffle égal, deux IR prises à des endroits différents par des studios différents ne vont pas sonner à l'identique. On y découvre donc le manque de régularité du matériel audio, l'influence des pièces, du volume de prise, la marge d'erreur des placements, l'influence du matériel de prise (préamplis micros...)
 - Le second point : il est TRÈS facile de se perdre et de passer des dizaines d'heures à essayer tout ce qui est disponible, essayer de tout mélanger, de refaire tous les réglages... pour au final s'apercevoir que le son que l'on cherche est celui de la première IR qu'on avait essayée.  Eduquez vos oreilles à leurs propres affinités, apprenez à reconnaître le caractère des haut-parleurs, des micros, afin d'affiner vos recherches en amont selon ce que vous aimez et votre objectif ! Perso, dans tout mon barda d'achats chez Redwirez et Two notes, je dois bien admettre que je me sers à tout casser de 5-6 baffles et reviens toujours sur les mêmes réglages. 

Charge-moi tout ça dans le coffre !

Du coup, occupons-nous un peu de choses concrètes, le concept étant bien compris, ta première démarche en tant qu'utilisateur final va être de choisir avec QUOI tu vas charger tes IR et les appliquer sur ton son.

La première option, la plus "évidente", est le plug-in. NadIR, MixIR, Wall of Sound, la plupart de ceux qui ne sont QUE des hôtes à réponses impulsionnelles sont gratuits, et la plupart des plug-ins de simulation d'ampli intègrent la fonction. On notera que le principe de convolution étant universel, il est tout à fait possible d'utiliser des IR de baffles via des hôtes à priori destinés aux réverbes, comme le Steinberg Reverence. Et vice et versa. 

Deux plug-ins aux philosophies différentes, NadIR simple et universel, Wall Of Sound complet et pointu

La seconde option, que privilégieront bien entendu ceux qui font du live, est l'hôte matériel. De la petite pédale à pas cher comme la Mooer Radar, au vaisseau amiral Torpedo Studio, il en existe à toutes les tailles et à tous les prix !

 

 

Comme je le disais plus haut, ce qui fait l'essentiel de la qualité du rendu en convolution, c'est l'IR elle-même. L'hôte, ne fait qu'effectuer l'opération de convolution, les éventuels calculs algorithmiques des fonctions complémentaires (égalisation etc.) et la conversion analogique/numérique. Le hardware joue quand même un rôle et toutes les conversions A/N N/A, les buffers, les étages analogiques, ne se valent évidemment pas.... Mais bon.

De ce fait, le choix entre un hôte ou un autre se fera quand même pas mal sur des questions de fonctionnalités.

Au niveau des hôtes matériels par exemple, les plus petits ne peuvent souvent charger qu'une IR, voire deux, à la fois, et ne proposent aucun réglage instantané. Certaines grosses machines se voient doter d'un interfaçage USB, d'une loadbox, d'un boitier de direct, et j'en passe... 

Une des machines les plus complètes et pointues à ce jour

 

Dernières nouveautés en date, chez Revv et Suhr, des amplis tout lampe avec Loadbox et hôte à IR intégrés ! Bientôt, les baffles ne seront plus qu'un souvenir ? (Débat polémique dans 3...2...1...)

Bref ...

Tu l'auras compris copain, avec l'arrivée des réponses impulsionnelles notre vie de gratteur a littéralement changé, on peut avoir maintenant tous les baffles d'un studio pro chez nous, ou aller en live avec juste un pedalboard et avoir un son de qualité peu importe le volume !

Le tout reste, comme d'habitude, de ne pas se noyer dans l'offre pléthorique, de connaître son besoin et ses envies, pour passer plus de temps à jouer qu'à faire des tests ou des réglages. Je ne le dirai jamais assez !

Sur ce, bonnes et guitaristiques vacances à tous ! 

*BRUIT ROSE : son aléatoire composé d'ondes d'une amplitude égale sur l'ensemble des fréquences. Pour les plus vieux d'entre nous, c'est le "SCHHHHH" des télés à tube cathodique

 

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