Bluebird Guitars aura été mon coup de cœur du Musikmesse ! Exposées sur un stand plutôt décalé en déco pour le Hall 3 (têtes de mort rivalisant avec des posters de jolies filles peu vêtues mais superbement tatouées présentant les créations), ses guitares n’auront visiblement laissé personne indifférent. Si, soyons honnête, on n’aime pas tout d’un point de vue esthétique, elles n’en demeurent pas moins de la belle ouvrage, dans la veine de la traditionnelle lutherie italienne dont nous parle Rob Bluebird le concepteur, oui mais pas que…

Peux-tu m'en dire plus sur ton cursus et le chemin qui t’ont mené jusqu'à la naissance des guitares actuelles ?
Rob Bluebird : Eh bien, je suppose que parfois les idées sont là, dans l’air. Certaines aboutissent, d'autres pas. Je dirais que j’ai simplement vu l'idée d'une nouvelle ligne de guitares comme ça, entre " Le Diable et le bleu profond de l’Océan " et un jour, j'ai conçu ma première Lone Star et j’ai commencé à jouer avec dans mon groupe (Bluebird et Skoko). Peu de temps après le premier concert, les gens sont venus me voir à propos de cette nouvelle guitare, et encore et encore jusqu’au jour où j'ai décidé de démarrer ma propre entreprise. J'ai rencontré mon jeune partenaire, Gian Maria Camponeschi, qui travaillait dans un magasin de réparation de guitares. Nous avons discuté et nous nous sommes retrouvés à travailler ensemble sur ce beau projet (enfin, pour nous tout d'abord !). Certes, nous n’étions pas les premiers et il y avait déjà de nombreuses fabriques de guitares dans le monde, mais si nous avions dû penser à ça, nous n’aurions jamais rien fait. L’histoire dit souvent que si on fait quelque chose avec amour et passion on peut réussir.

Qui fabrique et comment sont conçues tes guitares ?
Rob Bluebird : Comme je l’ai dit, Bluebird Guitars est une marque artisanale et ceux qui coupent le bois brut, donnent la bonne forme, les couleurs, décident de ce qu'il faut utiliser sur chaque guitare, font parfois des erreurs et le sale boulot, c’est juste Gian Maria et moi ! Gian Maria a étudié comme luthier au Conservatoire de Santa Cecilia à Rome et en plus, c’est un excellent bassiste et contrebassiste. Nous avons quelques jeunes gens qui nous aident, mais c'est surtout nous deux. Nous y prenons beaucoup de plaisir, même à parler fort quand nous coupons le bois !

Nous avons décidé de créer une ligne de guitares 100% artisanales, sans couleurs toxiques, aucune nitro, pas de plastique, pour respecter au maximum l’environnement. Nous avons choisi également d'utiliser différents types de bois à la place de l'aulne habituel. En fait, nous utilisons le teck, le tamarin, le manguier, l’acajou et le palissandre indonésien parfois. Nous n'utilisons que des couleurs naturelles, c'est pourquoi chaque guitare est différente l'une de l'autre. Nous utilisons les micros Seymour Duncan, mais uniquement ceux qui proviennent des mains précieuses de Maricela Juarez, " Madame Custom Shop " chez Seymour Duncan. Nous avons fait aussi beaucoup d'expériences et demandé à tous les musiciens que nous connaissons de tester nos guitares.

Es-tu plutôt dans le strict respect de la tradition en matière de guitares artisanales ou laisses-tu une large part à l'innovation, notamment en technologie et sur le plan acoustique ?
RB : J'ai beaucoup de respect pour l'ancienne école italienne de luthiers, tous ces gars qui sont allés aux États-Unis et sont revenus au début du XIXè siècle pour créer de grandes guitares. Je pense à D'Angelico, D'Aquisto, Sellas, Stradivari et tous les autres qui ont vraiment développé de nouveaux concepts pour la guitare. Mais nous essayons aussi de ne pas penser à eux quand nous commençons de nouveaux modèles, un peu comme un enfant qui est parfaitement conscient de l’héritage dont il dispose, mais qui garde l'esprit ouvert, même si ce qu’il fait n’a aucune signification pour quelqu’un d’autre que lui.

Tu te partages entre l'Europe (Rome) et l’Indonésie. La philosophie et la culture de ces deux pays si différents ont-elles une influence notable sur la façon dont tu construis tes guitares ?
RB : C'est une bonne question. Certes, après 20 ans de vie en Indochine, j'ai acquis un peu de leur philosophie et de leur culture en moi, mais ça a plus à voir avec la façon de vivre que réellement sur la fabrication d'une guitare. Je collabore avec quelques grands artisans Indo, nous partageons des idées, de l'expérience et notre culture autour d’une tasse de thé ou de café. J'ai appris qu'il y a des étapes à franchir et qu’entre chacune il faut attendre, réfléchir, regarder, attendre encore jusqu'à voir enfin la forme dans le morceau de bois. Regarde nos modèles, tu peux voir que nous ne les avons pas planifiés autour d'une table, nous avons examiné le bois brut et cela même avant que nous ne coupions le premier échantillon pour chacun. J'ai étudié à l'école des Arts et je me souviens avoir appris que Michel-Ange disait de ses sculptures : la statue est déjà à l'intérieur de ce bloc de marbre, il suffit de la trouver. En tous cas, ce que je pense de cela, c’est que je vois une longue attente où la patience est la chose principale. Si tu es pressé, mieux vaut changer de pays.

Cela signifie que je savais que nous devions attendre le bon moment pour montrer au monde nos modèles (et qu’un long moment restait encore à venir) si nous voulions avoir les bonnes guitares à montrer au Musikmesse et il semble que les gens les ont appréciées. Les commentaires les plus fréquents portaient sur l'originalité de notre travail. Pour tout cela et bien plus encore, nous voulons les remercier.

Tu étais exposant au Musikmesse à Francfort et tu seras également au Holy Grail Guitar Show à Berlin en automne prochain. C’est important pour toi de rassembler le savoir-faire des différents pays pour l'image de la lutherie à travers le monde ?
RB : Il est important d'avoir un regard sur ce que les autres font, mais je préfère quand même laisser mon esprit aussi « vierge » que possible en essayant de ne pas copier d'autres fabrications. Ce que nous faisons ici chez Bluebird Guitars tente de revaloriser la tradition des luthiers italiens : construire nos pièces une par une par des mains italiennes.

Nous respectons le travail énorme que ceux qui sont venus avant nous ont fait -et aussi ce que les autres font de nos jours- Nous faisons des d'erreurs qui nous aident à trouver des solutions parfois importantes et inattendues. Au Musikmesse, nous avons été très fiers que des gens de chez Fender nous rendent visite et essaient nos guitares. Ce n’était pas rien pour nous et nous les remercions vraiment pour ça !
 
Pas d'autres questions, je te laisse le mot de la fin !
RB : Une dernière chose importante : nous créons nos guitares avec un "must", chaque pièce est unique, nous choisissons le bois et tout le matériel, mais surtout, nous le faisons en suivant notre MOJO. Le Mojo est la seule chose à suivre et si tu ne l’as pas, ça va être plus dur que dur.
Donc, Trust your Mojo, Sista Eugénie ! Et je te remercie !
 
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Bluebird Guitars : Coup de cœur au Musikmesse !