L'inimitable Ted Horowitz, alias Popa Chubby, est du genre productif ! Le bluesman originaire du Bronx aime en effet battre le fer lorsqu'il est encore chaud, si bien qu'un an à peine après la sortie de "The Catfish" (2016), le voilà qui remet déjà le couvert avec "Two Dogs" (2017). A l'heure où vous lisez ces lignes, Popa Chubby effectue une tournée française conséquente du 25 janvier au 03 février avec des escales à Colmar, Toul, Lyon, Reims, Nice, Le Havre, Saint Nazaire, Chelles et un retour au Bataclan de Paris programmé le 31 janvier. Nous avons profité d'un passage de Popa Chubby au showroom Woodbrass Deluxe un peu avant Noel pour parler avec lui de son nouvel album ainsi que de ses guitares et amplis fétiches !

Bonjour Ted ! Pour commencer l'interview, je voulais revenir avec toi sur les débuts de ta carrière qui remontent à plus de 25 ans en arrière. Tu n'étais pas si jeune lorsque tu as commencé n'est-ce pas ?
Popa Chubby : C'était il y a un bail ! J'ai effectivement crée mon propre groupe à l'âge de 30 ans, ce qui n'est pas très jeune il est vrai, mais j'ai eu une autre carrière avant cela dans laquelle j'ai accompagné tout un tas de musiciens différents , dès l'âge de 18 ans. J'étais donc déjà dans les parages avant de commencer cette aventure personnelle. J'ai joué pour tellement de gens divers et variés qu'au bout d'un moment, il était temps pour moi de tracer ma propre voie !

Je te demandais cela car je m’interrogeais quant à savoir si tu avais commencé la guitare sur le tard mais ce n'est visiblement pas le cas...
Je n'ai pas commencé très tôt non plus à vrai dire car je me suis seulement mis à la guitare à l'âge de 16 ans. Cependant, j'étais déjà professionnel à 18 ans, avant de démarrer Popa Chubby à 30 ans donc, au jour de l'an 1990. J'étais d'ailleurs déjà venu en France avant ça, ma première venue chez vous remonte à 1986.

"Two Dogs" est ton nouvel album et le moins que l'on puisse dire est que tu ne t'arrêtes jamais, si bien qu'on en perd le compte. A combien d'album en es-tu ?
"Two Dogs" est mon 38ème album en l'espace de 27 ans ! J'en ai mis en boite quelques uns effectivement (rires) !

Comment parviens-tu à rester inspiré après tant d'albums ?
Honnêtement, je suis parfois usé et fatigué mais l'inspiration continue de me venir, c'est quelque chose qui n'a pas de finalité. La musique est une forme artistique qui tend vers l'infini. Il n'y a jamais de fin et je m'imprègne de cette énergie autant que je peux.   

"Two Dogs" est un album résolument varié avec des influences très diverses allant aussi bien du blues jusqu'au rock en passant par la soul ou le funk...
Tous mes albums ont tendance à aller dans toutes ces directions tout simplement parce que j'écoute tout un tas de musiques différentes. Mon style est vaste et "Two Dogs" ne déroge clairement pas à la règle.

Lorsque l'on se penche sur les paroles du titre éponyme "Two Dogs", le propos semble être politique et évoque le sentiment de division que l'on peut connaitre dans le monde et notamment aux Etats Unis en ce moment n'est-ce pas ?
Absolument! "Two Dogs" est une vieille fable américaine, certains disent qu'il s'agit d'une fable des amérindiens. Cela parle du bien et du mal qui se trouve en chacun de nous. Il y a deux chiens en chacun de nous. Celui que tu nourris est celui qui reste en vie et celui que tu affames est celui qui meurt. En d'autres termes, il s'agit ici de nourrir le positif et d’affamer le négatif.

Beaucoup de gens perçoivent le blues comme un style de musique où le musicien doit être triste, déprimé ou mélancolique. Le genre "ma femme m'a trompé"...

Cela fait clairement partie intégrante du blues, même si ce style ne se résume pas uniquement à cela.

Tout à fait. Je voulais justement mettre en lumière le fait qu'il y a aussi beaucoup d'humour dans le blues et ta chanson "Preexisting Conditions" en est un parfait exemple car elle traite d'un sujet on ne peut plus sérieux mais avec beaucoup d'humour justement !
Tu as parfaitement raison, il y a toujours eu beaucoup d'humour et un côté narrateur d'histoire dans le blues et c'est clairement un angle que j'utilise dans ma musique. "Preexisting Conditions" est une chanson qui aborde un sujet très sérieux, tout particulièrement pour les américains. Cela parle du fait de ne pas avoir droit à une assurance maladie dû à des

conditions préexistantes. C'est une interpellation à notre président actuel pour lui dire : "Qu'est-ce que tu vas faire au sujet de cette putain de situation ?". C'est un problème gravissime car plein de gens n'ont pas le droit d'être couverts par l'assurance maladie au prétexte que leurs problèmes de santé seraient des conséquences de conditions préexistantes et ils meurent à cause de cela car ils n'ont pas l'argent pour se soigner. C'est ce qui se passe actuellement aux Etats-Unis. C'est pourquoi je chante : "I got rockin' pneumonia and the boogie woogie flu", "my knees don't work like they used to do", "I'm moving slow, my brain says yes, my back says no", "Im gonna die, preexisting conditions". Il s'agit donc d'un sujet vraiment très sérieux que j'ai effectivement abordé avec une pointe d'humour dans la chanson car l'humour est un très bon moyen pour faire passer des messages et faire réfléchir les gens. Frank Zappa était un expert en la matière.

Zappa a d'ailleurs sorti un album s'intitulant "Does Humor Belongs In Music ?" (ndlr : est-ce que l'humour a sa place en musique ?). Personnellement je pense que oui !
Moi aussi très clairement !

J'évoquais la diversité de "Two Dogs". Tu as également utilisé une palette de sons de guitare assez large. Il y a des sons vraiment clean et d'autres beaucoup plus sales.
Absolument. Je suis allé sur beaucoup de terrains différents à la guitare sur cet album. J'ai utilisé pas mal de guitares différentes et pour moi la guitare doit toujours servir la chanson. Je joue mes solos en réponse aux paroles et à la musique. J'essaie donc de construire mes solos en fonction de ce qui les précède car pour moi un solo doit accentuer quelque chose qui s'est produit avant. A mon sens, le refrain est la déclaration de la chanson et le solo doit suivre dans son sillage. Le refrain dit de quoi parle la chanson, je proclame "I'm gonna die, preexisting conditions" et le solo suit en accentuant ce sentiment et cette déclaration ! Je démarre généralement un solo en fonction des paroles et du chant qu'il y a juste avant et à partir de là je développe et construit le reste du solo de manière crescendo. C'est mon but lorsque je joue un solo. Je ne veux pas tomber dans la technique pour le fait d'être technique. Je veux être dans la technique qui sert la chanson.

Qu'as-tu utilisé comme guitares sur cet album ?
Il y a beaucoup de Stratocaster, de Telecaster et de guitares équipées de micros P-90 dessus. Il y a aussi quelques Gibson, des guitares acoustiques, beaucoup de choses différentes. Mais globalement, il est clair que l'on peut dire que j'ai un gros penchant pour les guitares à micros simples !

Tu as une grande collection de guitares. Peux-tu nous parler de certaines de tes favorites ?
C'est une question très difficile ça ! Je peux essayer de donner une sorte de top 10 ! Pour commencer, j'ai pas mal de vieilles Gibson. La plus vieille que je possède est une Gibson ES-5 de 1949. C'était le top de la gamme Gibson à l'époque, cette guitare est équipée de trois micros P-90 et elle a six potentiomètres. C'est une guitare géniale, elle a un très gros corps creux et elle est magnifique! La qualité de fabrication de Gibson entre les années 30 et les années 50 était phénoménale. Ils avaient les meilleurs luthiers du monde à l'époque. J'ai également des veilles Les Paul : ma Black Beauty de 1956 ou ma Goldtop de 1953 qui sont toutes deux excellentes. J'ai deux TV Special de 1956 et une Les Paul Special de 1955. J'ai également une ES-335 de 1963 qui est une guitare très recherchée car c'est le modèle qui a été utilisé par Eric Clapton pour jouer le solo de "Crossroads". Une guitare remarquable! J'ai également une autre ES-335 de 1959. Ça c'était pour les Gibson.

Quant aux Fender mec,  j'en ai tellement ! Les deux Telecaster que je préfère sont une de 1966 avec sa touche palissandre que j'ai d'ailleurs utilisée dans l'album sur le titre "Cayophus Dupree" et l'autre date de 1971 et possède une touche érable. J'ai énormément de Stratocaster, tellement qu'il serait trop long d'en parler. Mais je ne prends qu'une seule guitare avec moi en tournée, je n'ai même pas de backup. Une seule guitare, rien d'autre, car je n'ai jamais cassé de corde de ma vie ! Je prends toujours ma Fender Stratocaster de 1966 en tournée, c'est ma guitare principale depuis une éternité et c'est tout simplement la meilleure guitare au monde !

Niveau ampli, quelles sont tes préférences ?
J'aime utiliser des petits amplis en studio. J'aime vraiment beaucoup le Fender Princeton Reverb. C'est sans aucun doute l'ampli que je préfère pour enregistrer en studio. Il n'y a qu'un haut-parleur de 10" et il doit avoir une puissance d'environ 18 watts. C'est amplement suffisant en studio et cet ampli est incroyable ! J'utilise également des petits combos Marshall de la gamme Handwired avec un seul haut-parleur 12" et d'une puissance de 18W (ndlr : sans doute le 1974x). Je les adore aussi. J'ai également recours à quelques Fender Tweed et à quelques amplis Gibson. Mais mon ampli principal en studio est assurément le Princeton Reverb. Je pousse beaucoup le volume de mes amplis pour obtenir ces super sons et en studio il vaut mieux le faire avec des amplis de faible puissance, ça sonne tout simplement mieux dans cet environnement ! Pas la peine de prendre une tête 100W pour la pousser en studio, c'est absolument dispensable même si j'ai

bien sûr recours à des amplis beaucoup plus puissants en live. Lorsque je suis en tournée aux Etats-Unis, j'utilise un Fender Vibrolux Reverb et un Fender Deluxe Reverb Blackface, des amplis excellents ! En Europe j'utilise un Fender Twin Reverb '65 reissue avec un Marshall JCM 900. 

Il est amusant de te voir opter pour un ampli connoté "hi gain" comme le JCM 900 en Europe...
Oui mais il possède deux canaux. Je n'utilise pas le deuxième, je reste sur le canal classique avec le volume assez fort !

Quelles sont tes pédales ?
J'utilise le delay analogique de JHS qui bénéficie d'une fonction tap tempo ainsi que quelques contrôles additionnels de modulation que j'apprécie tout particulièrement. J'ai également recours à une Tube Screamer de Maxon, la OD-9 qui est la meilleure Tube Screamer du marché à mon sens. J'ai également une réplique du fameux Klon Centaur. 

Lorsque je fais mes concerts dédiés à Jimi Hendrix, j'utilise bien sur un Uni-Vibe ainsi qu'un Octaver et ma Wah-Wah n'est autre que la Jimi Hendrix Anniversary de Dunlop. J'ai une configuration très simple niveau pédales. J'en utilise quatre et deux de plus lorsque je joue les Hendrix show !

Tu joues sur des combos à l'exception de la tête Marshall. Une préférence particulière niveau baffle et haut-parleur ?
J'utilise le baffle qui va avec la tête d'ampli Marshall. J'aime le son des haut-parleurs Celestion avec les Marshall. Les Celestion que je préfère sont sans aucun doute les G12H. J'ai même un G12H dans mon Deluxe Reverb, j'aime vraiment ce haut-parleur car il durcit le son!

Tu joueras au Bataclan le 31 janvier 2018, une salle dans laquelle tu t'es souvent produit dans le passé mais où tu n'as pas encore remis les pieds depuis les attentats du 13 novembre 2015, toi qui a écrit le titre "Blues For Charlie" en hommage à Charlie Hebdo suite à l'attentat du 7 janvier 2015. Comment te sens-tu à l'approche de ce concert ?
Cela va être un bon concert. Je suis revenu plusieurs fois à Paris depuis les différentes attaques terroristes, au Trianon et à l'Olympia par exemple, mais effectivement je ne suis pas encore revenu au Bataclan. Je vais évidemment honorer la mémoire des victimes, ne pas oublier cette tragédie et dans le même temps cette soirée nous permettra d'aller de l'avant grâce à la musique et de passer du bon temps. Je crois énormément dans le pouvoir réparateur et guérisseur de la musique et c'est de cela qu'il s'agira au Bataclan.

Popa Chubby, le bluesman de New York