Richard Fortus est "l'un des nôtres" et c'est pour cela que cette interview exclusive a eu lieu! En effet, si le guitariste de Guns N'Roses mène grand train et s'éclate à remplir les stades du monde entier sur la tournée "Not In This Lifetime" (tout simplement la 4ème tournée la plus lucrative de tous les temps!), Fortus n'en demeure pas moins un fervent passionné de matos, au point de nous avoir accordé cette interview en dehors de tout planning promo (le groupe ne faisait aucune interview) en nous donnant rendez-vous à 1h00 du matin dans le palace où il logeait après un excellent concert de GN'R à Bordeaux le 26 juin dernier, le tout sans regarder sa montre. Une opportunité qui ne se refuse évidemment pas avec ce guitariste de haut vol qui en plus d'officier dans Guns N'Roses depuis 2002 a également évolué aux côtés de Rihanna ou bien encore au sein de Thin Lizzy, The Dead Daisies et The Psychedelic Furs pour ne citer qu'eux !

Crédits photo : Katarina Benzova

Bonsoir Richard et merci de nous accorder cette interview en pleine nuit malgré la fatigue que tu dois ressentir après avoir donné un show de plus de 3h30. Tu es un guitariste accompli avec une palette musicale très large, à l'aise aussi bien dans le blues, le classic-rock et le hard-rock tout comme dans des registres plus modernes comme le shred et tu possèdes également une très  bonne technique de fingerpicking. Quel est ton background en tant que guitariste ?

Richard Fortus : En grandissant j'ai été tout d'abord attiré par l'art-rock et la fusion. J'aimais King Crimson, Genesis, Yes, Mahavishnu Orchestra et Jeff Beck. Puis j'ai ensuite découvert The Clash et tout a changé pour moi ! Soudainement, il ne s'agissait plus de savoir vraiment jouer, bien au contraire! Il s'agissait de servir les chansons et de jouer avec beaucoup d'attitude au lieu de se concentrer sur de la branlette de manche. Dans les années 80, j'écoutais surtout les vieux groupes comme Thin Lizzy ou David Bowie alors que les jeunes de mon âge écoutaient massivement Poison et Def Leppard et ce n'était vraiment pas mon truc. J'ai toujours été influencé par les groupes plus anciens et également par le punk-rock que j'ai donc découvert un peu plus tard. Je dirais que c'est ça qui a façonné les bases de mon jeu.  

Il y a beaucoup de jams entre toi et Slash lors de vos concerts et pour en avoir vu plusieurs  sur cette tournée "Not In This Lifetime", je sais que vous improvisez beaucoup. Par exemple, ton solo sur la jam de "Rocket Queen" ce soir à Bordeaux était joué principalement au médiator et était différent de celui de la semaine dernière au Download Festival de Paris (ndlr : Brétigny Sur Orge dirons les plus pointilleux) où tu l'as quasiment joué intégralement en fingerpicking...

Effectivement, c'est différent tous les soirs et c'est ce que je préfère dans le fait de jouer dans ce groupe, c'est ce qu'il y a de plus amusant dans Guns N'Roses ! Le concert de ce soir à Bordeaux était d'ailleurs particulièrement bon du côté des improvisations, nous avons vraiment très bien joué ensemble avec Slash ce soir, en réagissant bien à ce que faisait l'autre. C'est fun d'improviser tous les soirs lors de ces jams et il faut reconnaitre que si cela marche parfois très bien, cela fonctionne évidemment beaucoup moins bien à d'autres moments. Ce soir à Bordeaux faisait partie de ces super concerts où nous sommes engagés dans une véritable conversation avec Slash. C'est comme si nous nous répondions à nos différents licks, toujours de manière fluide, facile et évidente. C'est vraiment cool lorsque cela se déroule ainsi et ce n'est pas toujours le cas, crois moi, mais ça fait partie du jeu lorsque tu souhaites improviser soir après soir ! 

Crédits photo : Katarina Benzova

Même du point de vue du public, ces improvisations sur "Rocket Queen", "Knockin' On Heaven's Door" et "Wish You Were Here" font partie des moments forts de vos concerts alors que traditionnellement ces moments peuvent être une bonne excuse pour aller aux toilettes, manger un sandwich ou commander à boire. Mais ce n'est clairement pas le cas sur cette tournée car l'alchimie que tu as avec Slash est indéniable !

J'adore jouer avec Slash et j'ai beaucoup de chance de pouvoir l'écouter soir après soir. C'est vraiment cool car il joue de manière différente tous les soirs. Il ne joue jamais ses solos de la même manière et c'est quelque chose qui m'inspire énormément. Ce que l'on fait ensemble sur "Wish You Were Here" par exemple change tout le temps. Slash ne se répète jamais pendant ce titre. Evidemment, il y a certains thèmes que nous jouons à l'identique tous les soirs, il y a des solos d' "Appetite For Destruction" (1987) qu'il se doit de jouer à l'identique comme ceux de l'album, mais il y a tellement de moments différents concert après concert et c'est tellement grisant de le voir jouer et de nous nourrir l'un de l'autre. Nous nous poussons mutuellement et j'adore ça !

Quand avez-vous commencé à développer ces longues jams ensemble ? 

Dès la phase de répétition avant même que nous n'ayons donné le moindre concert et je peux t'assurer qu'à ce moment là, ces jams étaient beaucoup plus longues encore (rires) ! Surtout parce qu’ Axl (Rose) ne participait pas au début des répétitions et lorsqu'il ne s'agit que du groupe, forcément les parties instrumentales s'allongent à l'infini (rires)!


Crédits photos : Katarina Benzova

Tu faisais déjà partie du line-up "Chinese Democracy" (ndlr : après Axl Rose et Dizzy Reed, Richard Fortus est le membre de Guns N'Roses qui a passé le plus de temps dans la formation depuis son arrivée en 2002) mais ton rôle était davantage assigné à celui d'un guitariste rythmique avec selon les époques Buckethead, Ron Thal, Robin Finck ou DJ Ashba qui se partageaient la majorité des solos. Maintenant que Slash est de retour dans le groupe, avec sa légende et son style inimitable, le paradoxe est que ton rôle s'est étendu et que tu es mis plus en avant que dans le passé en te chargeant notamment des solos les plus techniques des titres de "Chinese Democracy" (2008), le solo plus bruitiste et chaotique de "Black Hole Sun", évidemment ceux qu'Izzy Stradlin faisait comme sur "Nightrain" et ces nombreuses jams avec Slash que l'on vient d'évoquer. Comment vois-tu l'évolution de ton rôle au sein de GN'R ?  

La raison principale qui explique l'évolution de mon rôle est le fait qu'il n'y a plus que deux guitaristes au sein de Guns N'Roses alors qu'auparavant j'ai toujours évolué dans des formations à trois guitaristes dans le groupe. Dans la formule que nous avions précédemment, il se passait beaucoup de choses dirons-nous, et je n'ai pas particulièrement d'ego quant à ce genre de choses. Il fallait bien que quelqu'un s'occupe de remplir l'espace et assurer les arrières pendant que les autres se mettaient en avant, mais il est clair que notre tandem actuel est tellement meilleur en comparaison et l'expérience est beaucoup plus plaisante! Une chose que j'adore à propos du groupe actuel est que chaque musicien écoute vraiment ce que font ses partenaires. Je suppose d'ailleurs que c'est une nécessité lorsque tu changes à ce point la manière de jouer soir après soir. Axl sait par exemple parfaitement attendre le bon moment pendant nos improvisations pour revenir sur scène. Il va toujours attendre que nos phrases, que notre conversation soit terminée avant de revenir sur le devant de la scène et il sait parfaitement à quel moment le faire. C'est vraiment très rare à ce niveau de jouer avec des gens qui prêtent attention à ce que tout le reste du groupe joue et qui voient les choses en grand, dans leur globalité. Par exemple lorsque Slash se lance dans un long solo, nous écoutons et nous nous adaptons à ce qu'il joue. S'il est en plein crescendo, nous aussi, nous allons nous mettre à jouer crescendo. Nous adaptons notre jeu rythmique à la façon dont il joue son solo.  

Et comme je le disais, avec Slash vous possédez  une superbe alchimie. Vous vous répondez à merveille lorsque tu pars sur un gros solo épique sur "Knockin' On Heaven's Door" et qu'il te répond avec des petits phrases subtiles sur son manche 12 cordes ou quand sur "Rocket Queen" tu débutes avec un gros solo et Slash enchaine un solo à la talkbox pendant que tu assures une partie funk derrière...

Cette partie funk est un exemple parfait de ce que nous faisons en fonction de ce qu'il joue. Nous cherchons vraiment à l'accompagner de la meilleure des manières possible sur ce passage. Il y a tellement de groupes aujourd'hui où les musiciens se contentent de jouer leurs parties sans se soucier du reste et cela n'est vraiment pas bon comme approche. 

Il est rare de voir des groupes de votre calibre donner des concerts de 3h30 avec une setlist qui évolue au fil de la tournée et comme nous le disions une inclinaison à l'improvisation, un peu à la manière d'un jamband en quelque sorte. Au début de la tournée en 2016, vos concerts duraient plutôt 2h30, comment les choses ont-elles évolué vers un temps de jeu aussi rallongé ? 

C'est vrai que nous fonctionnons un peu comme un jamband d'une certaine manière, même si nous ne sommes probablement pas aussi sinueux et beaucoup plus directs dans notre propos. Les concerts étaient effectivement moins longs au départ et nous n'avons cessé de rajouter des chansons au point d'en arriver, au dernier concert de l'année 2017 au Forum d'Inglewood (Los Angeles), où nous avons carrément joué 4 heures sur scène ! Nous avions joué absolument tous les titres que nous pouvions jouer ce soir là, tous ceux qui ont été traités lors de nos répétitions et nos différents soundcheck ont été interprétés lors de ce concert !

Crédits photo : Katarina Benzova

Le paradoxe est que vous jouez de très longs concerts en ayant assez peu d'albums finalement. A quand de la nouvelle musique ? 

Nous avons plus que hâte de pouvoir enregistrer de nouvelles chansons. Tout le monde dans le groupe est enthousiaste à cette idée et nous allons dans cette direction. Nous avons tous envie de créer de la nouvelle musique ensemble, c'est le projet en tout cas et nous sommes impatients de le réaliser!

La setlist présente la particularité sympathique  de voir Slash et Duff interpréter des titres de "Chinese Democracy", une époque où ils ne faisaient plus partie du groupe, et vous jouez également "Slither", un titre de leur groupe Velvet Revolver, sans compter bien sûr toutes les reprises et différents clins d'œil à Soundgarden, AC/DC, The Who, The Allman Brothers Band, Pink Floyd, Derek And The Dominos, Glen Campbell, Led Zeppelin etc... 

Oui, tout s'est fait naturellement, de manière très cool. C'est sympa pour Slash et Duff de jouer des titres de "Chinese Democracy" et nous prenons plaisir à jouer "Slither" et également "Shadow Of Your Love" que nous avons rajouté depuis peu à la setlist. Pour les reprises, nous avons commencé à jouer la chanson de Glenn Campbell après sa mort, idem pour "Black Hole Sun" suite à la perte de Chris Cornell et "Melissa" après le décès de Gregg Allman. Ces reprises sous forme d'hommage sont aussi venues très naturellement. Généralement, il s'agissait de l'un d'entre nous qui en jouait un bout lors des balances et les autres venaient se greffer dessus. Mais nous avons parfaitement conscience que la majorité des gens ne connaissent pas certains titres lorsque nous nous produisons en stade. Lorsque Slash fait comme ce soir un léger clin d'œil à Led Zep en jouant un petit bout de "The Rain Song" à la fin de "Knockin' On Heaven's Door", peu de gens le remarquent. Je ne parle même pas du titre de Glen Campbell, "Wichita Lineman" qui semble totalement inconnu au bataillon en Europe. Mais nous prenons du plaisir à jouer toutes ces références extérieures et c'est le principal ! 

Je voulais m'attarder sur la voix d'Axl Rose. Il a évidemment un chant risqué, une voix très haut perchée et il donne donc des concerts de 3h30, ce qui ne facilite en rien la tâche et je trouve qu'il s'en sort globalement plutôt bien. A-t-il une préparation particulière ?

Axl prend effectivement des risques. Il n'est pas facile de chanter dans ce registre tous les soirs, et il a évidemment parfois des soirs sans. Mais il est très discipliné avec sa voix, il l'échauffe pendant une heure avant le concert et il la refroidit pendant 40 minutes après le concert. Il effectue ce rituel avant et après tous nos concerts.

Crédits photo : Katarina Benzova

Comme je le disais, il se met vraiment des bâtons dans les roues en jouant tous les soirs des titres difficiles comme "This I Love" et "Coma" par exemple...

Oh que oui ! "This I Love" est très difficile à chanter et pour "Coma" c'est assez drôle, car il y a cette très longue partie de chant à la fin de la chanson qui est éprouvante niveau respiration et Axl se dit toujours une fois la chanson terminée : "pourquoi est-ce que je m'inflige cela ?" (rires).   

Guns N'Roses a un son très ouvert avec beaucoup d'espace pour vos deux sons de guitare respectifs si bien  que l'on entend parfaitement qui joue quoi tant il est aisé de vous dissocier dans le mix. Avez-vous travaillé à vous placer d'une manière particulière l'un et l'autre dans le spectre sonore ?  

Slash a un son de guitare vraiment unique et très particulier et mon objectif est de le compléter. Je m'assure d'établir mon son de guitare autour de celui de Slash afin que chaque son conserve son propre caractère et son propre espace.

Crédits photo : Katarina Benzova

Slash est évidemment connu pour utiliser des Les Paul, équipées de micro Seymour Duncan Alnico 2 Pro, branchées dans des Marshall pour un rendu avec beaucoup de medium. Quelle est donc ta recette pour compléter le son de Slash ? 

Les guitares Gretsch fonctionnent vraiment bien autour du son de Slash. Elles ont un son plus clair, plus cristallin, tout en ayant un grave plus tendu et plus pêchu. Slash occupe massivement la plage medium, je fais donc en sorte d'occuper davantage les graves et les aigus. J'utilise en ce moment quasi exclusivement des guitares Gretsch et des guitares du luthier Leo Scala. 

Tes guitares fabriquées par Leo Scala sont d'ailleurs splendides, à l'image de la Burst que tu joues sur "Knockin' On Heaven's Door" et "Wish You Were Here" ou cette sorte de Les Paul Junior montée en Filter'Tron avec laquelle tu as débuté le show ce soir...

Elles sont superbes et cette Junior dont tu parles est une putain de guitare ! J'ai posté il y a quelques temps sur Instagram un commentaire expliquant pourquoi j'ai toujours considéré les Les Paul Junior comme de meilleures guitares que les Les Paul Special. Dans ma théorie tout à fait personnelle, tout d'abord tu n'as qu'un seul micro sur une Junior et du coup il n'y a pas d'ajout de vibration magnétique sur les cordes liées à un micro manche. Je pense aussi que la différence de montage du P90 entre les deux modèles fait une différence notable. Sur une Les Paul Junior, le format Dog Ear est vissé directement dans le corps de la guitare contrairement au format Soap Bar de la Special. Leo Scala est tombé sur ma publication et m'a contacté pour me dire qu'il avait très envie de me construire une Junior , qu'il avait bien lu ce que j'avais écrit et qu'il pourrait améliorer cela ! Leo et moi sommes tous les deux d'énormes fans du son de Malcom Young et nous discutions de la raison pour laquelle ses Gretsch Jet sonnaient aussi bien : elles sont chambrées avec un son très ouvert. Cette Junior faite par Leo Scala est donc une sorte d'hybride entre une Les Paul Junior et une Gretsch Jet. C'est une Junior Jet en fait (ndlr : le nom officiel de la guitare est une Supertonic)!

Son corps est plus épais que celui d'une Junior traditionnelle, elle est chambrée, elle a un chevalet wraparound et elle possède un micro Filter'Tron attaché à la guitare avec le même format qu'un P90 vissé directement dans le corps (ndlr : depuis l'interview, c'est d'ailleurs un P90 qui équipe actuellement la guitare). C'est un corps en acajou avec une table érable mais cette dernière est très mince et touche seulement le corps dans quelques endroits clés car comme mes autres guitares de Leo Scala, celle-ci est également "ventilée" (ndlr : Les guitares de Leo Scala sont "vented" en plus d'être "chambered". Le corps est creusé et la table est en jonction avec le corps sur quelques endroits seulement) avec un corps creusé, même si plus épais. Le dos de la guitare est en metal, recouvert d'une peau de cerf et ce dos en metal est vissé, si bien que tu peux l'enlever si tu en as envie pour ventiler également l'arrière de la guitare. C'est une guitare incroyable et complètement dingue mais elle sonne tellement bien !

Cette fabrication "ventilée" sur corps "chambré" a évidemment l'intérêt d'alléger considérablement le poids de la guitare, ce qui est sans doute très appréciable pour un guitariste comme toi qui joue 3h30 sur scène. Mais quel impact cela a-t-il sur le son ?

Tout l'intérêt de la démarche concerne le son justement ! Je n'ai absolument aucun problème à avoir une véritable Les Paul bien lourde sur mes épaules. Certaines de mes guitares ne sont d'ailleurs pas chambrées comme la White Custom que je joue sur "Black Hole Sun" et certaines autres chansons et que j'aime également beaucoup. La guitare rouge, toujours de Leo Scala, qui ressemble à une Les Paul, est intégralement faite de frêne des marais, celle-ci est partiellement chambrée et a un son vraiment unique, vraiment très rocailleux avec des basses très précises. Toutes les guitares de Leo Scala sont géniales et elles ont toutes ce mojo si particulier qu'ont les vieilles guitares.

La guitare réalisée par les français de Wild Custom

Je n'avais jamais eu la sensation, avant de jouer les guitares de Leo,  d'avoir le feeling d'une guitare vintage sur un instrument neuf. Le look donne l'impression que la guitare a été beaucoup utilisée, et je ne sais pas comment mettre des mots la-dessus,  mais ce n'est pas seulement une question de finition, même la manière dont la guitare résonne donne l'impression d'avoir affaire à un instrument vintage. C'est le seul fabricant de guitare qui m'a donné l'impression de te livrer une vieille pièce de bois avec plus de réponse et de vibration que lorsqu'il te donne un instrument neuf. Même si c'est un luthier basé en Californie, je ne pourrais pas assez vous le recommander! En parlant de ça d'ailleurs, je suis justement allé chercher aujourd'hui même une guitare faite par les français de Wild Custom. Vraiment une très bonne guitare elle aussi !

J'aimerais également te parler de ta guitare James Trussart, même si tu ne l'utilises pas sur cette tournée, sur laquelle le micro simple en chevalet est inversé. 

C'est pour avoir moins d'aigus et plus de graves sur la position et c'est la raison pour laquelle Jimi Hendrix sonnait si bien (rires) ! (ndlr : vu qu'il jouait sur des guitares de droitier inversées). L'autre intérêt d'utiliser ce genre d'instrument inversé, et c'est le cas sur cette guitare, est que la tension des cordes est mieux répartie selon nos besoins, à savoir qu'il y en a un peu moins dans les aigus là où tu as envie de faire des bends et qu'il y a en a plus sur les graves où tu veux avoir des cordes plus tendues pour pouvoir bien les attaquer. Je connais James depuis des lustres et je joue sur ses guitares depuis une vingtaine d'années. J'adore son travail même s'il est vrai que je n'en utilise plus en ce moment. Pour cette guitare en particulier, j'avais approché James un peu avant que je ne commence à jouer avec The Dead Daisies et je voulais que la Strat soit ma guitare principale pour ce groupe car j'écoutais beaucoup Ritchie Blackmore et Tommy Bolin à l'époque. J'étais à fond sur le son Strat combiné avec un Treble Boost et cette guitare de James Trussard est donc devenue ma guitare principale au moment où je jouais avec The Dead Daisies. 

Trace Davis de Voodoo Amps t'as fabriqué un ampli signature : le R4 Single. Peux-tu m'en dire davantage sur cet ampli ?

Trace est le meilleur ! J'utilise effectivement un ampli signature qu'il m'a fabriqué. Tous les baffles Voodoo Amps que tu vois sur scène sont là pour la décoration, ce ne sont pas de vrais baffles, aucun d'eux n'est repiqué, mais j'utilise aussi des baffles Voodoo Amps. Nous plaçons simplement tous nos baffles à l'arrière de la scène où ils sont repiqués par des micros. Pour revenir à la genèse de cet ampli signature Voodoo,  j'ai acheté quelques amplis à Mick Mars à un moment où tout était au point mort chez Motley Crue. Il était en plein divorce et sortait d'une opération du dos. Il ne se portait pas au mieux en clair (ndlr : c'était en 2002 lorsque Richard a intégré Guns N'Roses). Je suis allé chez lui pour jouer sur différents amplis qu'il essayait de vendre. Puis je me suis branché sur cet ampli qui m'a estomaqué ! Le genre d'ampli au son aussi unique que magique ! Je n'arrivais pas à en croire mes oreilles! C'était un vieux Marshall 100W de 1973 à 4 entrées, modifié par José Arredondo. J'avais déjà joué sur pas mal de Marshall modifiés par José mais celui-ci avait quelque chose en plus, à peine branché tu plaquais un accord et le son était juste incroyable ! Cela reste à ce jour le meilleur Marshall qu'il m'ait été donné d'entendre et de jouer et je peux te dire que j'en possède pas mal ! J'ai regardé Mick et j'ai regardé mon guitar-tech qui était également présent et Mick a tout de suite compris à mon expression que j'étais tombé amoureux de cet ampli et m'a dit : "oui je sais, c'est mon ampli n°1, celui avec lequel j'ai enregistré tous les albums de Motley Crue". Je lui ai dit que je pouvais clairement l'imaginer et il m'a alors répondu : "je n'en ai plus besoin tu sais, je peux te le vendre, tu n'abuses pas de moi en faisant cela, tu m'aides au contraire". Je lui ai donc acheté et je m'en suis servi comme ampli principal sur scène pendant quelques années. J'ai alors acheté un autre Marshall de 1973, fabriqué le même mois, pour tenter d'en trouver un qui soit le plus proche possible afin de soulager un peu l'autre et d'en avoir un second avec le même son. Je l'ai ensuite fait modifier par Trace exactement de la même manière que ce que José avait fait avec le premier, mais il ne sonnait pas pareil. Nous avons alors réalisé que la seule manière d'obtenir le même son, serait de partir de zéro et de le cloner de A à Z. C'est donc ce qu'a fait Trace en clonant absolument tout, du moindre condensateur, des potards jusqu'aux transformateurs. Recréer ce Marshall de 73 a été un projet qui s'est étalé sur pas moins de 16 années jusqu'à ce que nous arrivions au point où la réplique, le R4Single, soit même un poil meilleur que l'original !

 

Tu utilises également des amplis Supro n'est-ce pas ?

Oui,  je joue sur le Black Magick. Mon signal va vers ces deux amplis monocanaux en même temps. Je ne passe pas de l'un à l'autre, mon son est un mélange des deux. Pour plus de puissance, j'enclenche mon Schaffer Replica Tower de SoloDallas et pour obtenir mon son clair, je baisse le potard de volume sur ma guitare. Avec Slash, nous sommes d'ailleurs en permanence en train de jouer du potard de volume sur scène. 

Tu utilises une marque de micro assez peu connue, les micros Arcane. Peux-tu nous en parler ?

Effectivement, c'est Arcane qui me fabrique aussi bien les Filter'Tron qui équipent mes Gretsch et autres, mes humbuckers et mes single coil. Ces micros sont les meilleurs sur lesquels je suis tombé. Si tu prends par exemple mes Scala  rouge ou blanche, les modèles ressemblant respectivement à une Les Paul et à une ES-335, elles sont équipées d'humbucker Arcane avec aimant Alnico 8. Il s'agit d'un aimant très puissant, mais ces micros ont très peu de bobinage. Il ne s'agit donc pas de micros à haut niveau de sortie à proprement parler, si tu les mesures ils auront un niveau de sortie faible, mais ils ont néanmoins un super son avec beaucoup de patate ! J'ai connu Arcane par le biais de James Trussart d'ailleurs car Arcane lui fabrique des micros. Rob Timmons, le fondateur d'Arcane, était en fait l'assistant de Tom Holmes et quand la compagnie de ce dernier a fait faillite, il a crée Arcane. 

Crédits photos : Katarina Benzova

Ces micros Arcane sont-ils disponibles dans le monde entier ?

J'adore Rob mais c'est un très mauvais homme d'affaire ! Tu dois aller taper à sa porte et c'est ainsi que tu obtiendras ses micros. Il ne répond même pas au téléphone.  C'est très frustrant et Trace Davis est un peu du même genre à vrai dire. Il était censé faire une production à grande échelle de ses amplis Voodoo, mais il a rencontré pas mal d'obstacles qui semblent avoir eu raison de ce projet. Il y a cet autre mec qui est un très bon ami à moi depuis que nous sommes gamins qui a conçu plein d'amplis pour Magnatone et des amplis guitare pour Ampeg (ndlr : il s'agit très certainement d'Obeid Kahn, dont nous avions également parlé avec Rich Robinson). C'est tout simplement un des meilleurs concepteurs d'ampli à mon sens, il a sa propre marque aujourd'hui qui s'appelle Kahn Amps. Il fait des amplis géniaux, il a très clairement conçu beaucoup des meilleurs amplis que je possède et je peux te dire que ma collection est indécente! C'en est ridicule tellement j'en ai !

Encore plus que ta collection de guitare ?

Pratiquement! J'ai tellement d'amplis vintage, cela en est grotesque !

Je voulais évoquer avec toi un détail qui n'en est peut être pas un. Vous utilisez tous des retours In-Ear sur scène et c'est une première pour Slash et Duff. Aussi bon Slash soit-il, j'ai le sentiment qu'il n'a jamais été aussi bon. Penses-tu que ces retours en oreillette, avec lesquels Slash s'entend sans doute mieux, jouent un rôle ? 

Je suis parfaitement d'accord, Slash n'a jamais été aussi bon qu'aujourd'hui. Je ne sais pas si les In-Ear ont quelque chose à voir là dedans, mais je sais pour sûr que d'avoir des retours In-Ear te force à mieux jouer car tu ne peux pas te permettre d'être approximatif. C'est comme si tu étais scruté au microscope. Nous entendons tous les moindres détails à la perfection avec ce système. Il n'y a absolument rien qui passe à la trappe. Cela t'oblige à donner le meilleur de toi même, mais je n'en ai jamais parlé avec lui et tu me fais réfléchir à la question maintenant. Je pense que je vais lui en toucher un mot demain. Il n'y a aucun son sur notre scène car nos baffles sont à l'arrière comme je le disais, tout est dans nos retours In-Ear et en façade, et il est clair que lorsque tu joues en face d'un ampli et d'un baffle avec un volume sonore énorme, tu as toujours l'impression de bien sonner ! C'est hyper flatteur et tu peux t'en sortir en faisant beaucoup d'erreurs. Mais lorsque tu entends directement dans ta tête les moindres détails jusqu'au frottement du médiator sur les cordes, cela te force à jouer avec plus de précision et à mieux jouer de manière générale. 

Quel genre de volume avez-vous dans vos oreillettes d'ailleurs ? 

Le volume n'est pas forcément très bas. Ce n'est pas super fort non plus. Mais en ce qui me concerne cela fait tellement d'années que j'utilise des In-Ear que j'y suis parfaitement habitué.  Je pense que la dernière tournée que j'ai faite sans système In-Ear était lorsque je jouais dans Thin Lizzy. Le groupe n'en utilisait pas, nous avions le son qui sortait des baffles sur scène et c'était tellement fun (rires) ! Il n'y a rien de comparable avec le fait de faire face au son d'un ampli poussé fort et de sentir bouger les haut-parleurs!

Sur cette tournée, il y a un concert qui a dû être très particulier à tes yeux, celui de St Louis donné le 27 juillet 2017. Tu es originaire de la ville et Guns N'Roses n'y avait plus joué depuis le 2 juillet 1991 suite à la fameuse émeute (ndlr : qui avait éclaté après une sortie de scène d'Axl, révolté contre un spectateur qui l'interpelait et le prenait en photo pendant tout le show et une sécurité qu'il jugea trop mollassonne. Axl avait stoppé net le concert au bout d'1h25). Comment était-ce  ?

C'était très spécial. Je n'étais pas au concert de St Louis en 1991. Je jouais ce soir là avec mon tout premier groupe dans un club de la ville et il y a eu tout un paquet de gens qui ont justement afflué du concert de Guns N'Roses vers le nôtre et qui ont commencé à raconter tout ce qui s'était passé plus tôt dans la soirée. Je n'étais donc pas présent dans la foule au fameux concert de 1991 mais celui de 2017 fut vraiment très spécial à mes yeux, car bien que cela faisait plus de 15 ans que je jouais dans Guns N'Roses, je n'avais encore jamais pu le faire dans ma ville natale ! C'était génial comme concert ! En parlant de St Louis, il y avait ce soir à Bordeaux un mec au premier rang qui portait le t-shirt "St Louis Sucks" qu'Axl portait dans le passé,  je possède d'ailleurs ce fameux t-shirt ! Lorsque j'ai déménagé de Los Angeles pour revenir habiter à St Louis, notre crew m'a fait parvenir tout mon matériel là bas. J'ouvre la première boite et qu'est ce que je trouve au dessus de la pile ? Ce tshirt "St Louis Sucks" (rires) ! C'était une bonne blague de leur part ! Mais ce concert était vraiment important aussi bien pour moi que pour le groupe et ce fut d'ailleurs un très bon concert. Il faut savoir qu'il y avait encore des gens qui ne voulaient pas venir en protestation de ce qui s'était passé en 1991, même après toutes ces années. 

Bien que tu aies mentionné votre projet de faire de la nouvelle musique ensemble, étant donné que Slash sort un nouvel album solo et part en tournée pour le défendre, on peut penser que Guns N'Roses va être inactif quelques temps après la tournée asiatique de cet automne. Quels sont tes projets ?

Je vais produire le nouvel album des Psychedelic Furs pendant ce temps. C'est un groupe dont j'ai fait partie dans le passé et je vais produire leur nouvel album !  

 

Remerciements spéciaux à Richard Fortus pour avoir fait en sorte que cette interview puisse avoir lieu et pour nous avoir fourni des photos de son matériel ainsi qu'à Katarina Benzova, la photographe officielle de Guns N'Roses pour nous avoir laissé utiliser gracieusement ses photos.

Interview de Richard Fortus (Guns N'Roses)

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