Ton nouvel album solo marque le début d'une nouvelle aventure pour toi : ton propre label (Zeta Nemesis). Qu'est-ce qui t'a conduit à créer ton label et quelle est sa vocation ?
Stéphan Forté : En fait ça faisait un moment que ça trottait dans ma tête. J'ai toujours travaillé avec des labels depuis les tout débuts d'Adagio en 2001, et me suis vite rendu compte que le format des labels traditionnels n'était plus vraiment adapté au marché d'aujourd'hui, en tout cas pour les artistes n'étant pas prioritaires chez une major ou un très gros indé. Les petits et moyens indés aujourd'hui sont obligés de se rémunérer sur tous les fronts, et d'aller piocher un peu dans le disque, dans le merch, dans les tournées, le publishing, le management etc. C'est ce qu'on appelle des deals à 360°, et au final l'artiste ne recoupe jamais son avance, seul le label génère du revenu. Ma réflexion a donc été qu'il était temps pour moi de prendre les rennes à mon tour, à 360°, et donc de me servir de mon expérience, et de mon argent pour investir dans ma carrière.
Je ne voyais donc pas l'intérêt par exemple, de donner une part considérable à un distributeur pour que mes CD soient dans les bacs, alors j'ai décidé de ne le proposer que sur quelques plateformes de vente en ligne, principalement Amazon.com et le store de mon site qui a été complètement optimisé. Amazon me permet de ne pas avoir à gérer mon stock, et rend mon disque disponible à n'importe qui dans le monde entier, avec un délai de livraison hyper rapide, et un service après-vente hyper réactif en cas de problème... Tout ça pour un pourcentage quasi identique à celui que me prendrait un distributeur traditionnel. Voilà en gros quelles étaient mes intentions en montant Zeta Nemesis.
Enigma Opera Black arrive trois ans après tes débuts "solo". Qu'est-ce que tu retiens de l'expérience de The Shadows Compendium qui a pu te servir ce coup-ci ?
S. F. : J'ai vraiment adoré l'expérience, le fait de pouvoir m'exprimer sans compromis aucun et de laisser mes idées évoluer sans me poser de questions. La plus grosse frustration est de monter sur scène le plus souvent sans mes potes, et de jouer seul avec des bandes sans pouvoir partager ces moments précieux avec eux, mais c'est une autre forme de plaisir. On est seul avec sa guitare, et complètement déconnecté du monde réel le temps d'une chanson, jusqu'à ce que celle-ci se termine, et qu'on réalise que des gens sont là devant nous et nous écoutent (rires). Puis ça m'a aussi donné plus de temps pour travailler jouer mon instrument plus en profondeur; le fait de devoir travailler des morceaux instrumentaux me permet de partager plus de choses avec ma guitare, de mieux la connaitre.
Immanquablement, les gens vont comparer les deux disques. Alors autant le faire à leur place (rires). Comment les perçois-tu ?
S. F. : Je dirais que Shadows est plus structuré comme un album de guitare, alors qu'Enigma est complètement barré. C'est vraiment comme si j'avais pu écrire tout ce que j'avais au plus profond de moi, sur un livre vide, sans avoir à me soucier de la forme, juste en laissant les idées évoluer au gré des pages. Au final ça donne quelque chose d'inhabituel, mais de complètement sincère. Il y a aussi beaucoup plus de riffs sur cet album et plus d'utilisation des effets afin de créer des textures sonores. Sur Shadows, il était quasiment inconcevable pour moi de laisser une rythmique sans faire un solo dessus (rires). Là, le but était vraiment de plonger l'auditeur dans un univers parallèle, et donc de travailler sur l'ambiance générale.
S. F. : Meshuggah fait carrément partie de mes influences. Sur tous les instruments j'aime le registre grave. Par exemple, sur un piano, un LA 0 avec la pédale de sustain enclenchée me fait toujours autant tripper. J'adore des compositeurs comme Krzysztof Penderecki ou George Crumb justement pour leur utilisation du registre grave de l'instrument, je trouve ça absolument énorme.
Marty Friedman apparaît en guest sur Zeta Nemesis. Comment s'est passée cette collaboration ?
S. F. : Nous avons tourné ensemble pendant trois semaines dans toute l'Europe l'an dernier pour le Guitar Universe tour, et forcément avons eu l'occasion de mieux nous connaitre. Nous nous étions déjà rencontrés il y a quelques années et avions jammé un peu ensemble, mais c'est vraiment sur cette tournée qu'on est devenus potes. Donc quand j'ai commencé à écrire Enigma, je lui ai demandé si ça le branchait de venir faire un solo, et il m'a envoyé ce super solo dans les semaines qui suivaient.
Comment se passent généralement les collaborations ? Tu t’adaptes à chaque musicien ou c'est plutôt la musique qui dicte l'action ?
S. F. : Je réfléchis à quelle partie pourrait être intéressante pour quels invités et leur envoie la partie où ils doivent faire leur solo. Par exemple, pour Marco Sfogli, j'ai pensé à quelque chose de plutôt progressif, pour Andy James, quelque chose de plus metal, etc....
Stéphan Forté - Enigma Opera Black
Zeta Nemesis
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