Difficile pour Manu Livertout de passer inaperçu : guitare sept ou huit cordes, musculature imposante, crâne rasé et chapeau léopard. Mais cela serait trop facile de cataloguer Manu dans la catégorie des guitaristes sans groove ni finesse. Il suffit de voir ses albums ou les plans qu'il propose chaque mois dans Guitare Live pour s'apercevoir que Manu reste un guitariste très polyvalent !

Depuis la sortie de ton premier album Indian Acrobatik en 1998, il semblerait que Manu Livertout ait changé du tout au tout. Que ça soit dans ton look, dans ton jeu ou dans le style que tu abordes. Peux-tu nous raconter ce qui s'est passé de 1998 à maintenant ?
Et bien je pense que la réponse est simple : dix ans ! J’ai vécu pas mal de choses pendant ce laps de temps. Que ce soit personnellement ou musicalement, j’ai beaucoup évolué. Mon premier album Indian Acrobatik était une sorte de carte de visite, il est très technique. Puis, pour le second, j’ai été signé par le label Furtive Records. C’était alors un tournant dans mon approche musicale. Nous avons ainsi décidé, avec les autres musiciens, de nous faire plaisir et de nous amuser, d’où le nom Autoparody. Tout y passe, que ce soient des instrumentaux néoclassiques, expérimentaux ou des morceaux chantés allant du rap à la Rage Against The Machine en passant par le death ! Le dernier album, The Bounder, est donc le premier album réellement abouti, ayant une ligne directrice entre les morceaux, des refrains accrocheurs et des rythmiques bien développées. Le prochain évoluera dans la même direction.

Dans le dernier album en date, The Bounder, le fait d'alterner morceaux chantés et instrumentaux n'est-il pas trop déroutant pour l'auditeur ?
Je trouve dommage que ceci puisse dérouter certaines personnes. Ce système a pratiquement toujours existé, que ce soit chez Jeff Beck, Santana, Satriani, Vai… Tous ont eu des albums mi-chantés / mi-instrumentaux. Mon prochain album sera en revanche complètement instrumental.

The Bounder est un album de heavy pur jus, comme le jouait Dimebag Darrel. Le morceau « Dimebag » a-t-il été écrit peu de temps après sa tragique et brutale disparition (le 8 décembre 2004) ou était-ce une envie en rapport avec tes influences ?
En effet, ce morceau est un hommage à Dimebag, mais je l’ai écrit juste avant sa mort. Il se trouve que tout correspondait pour le lui dédier : une rythmique bien heavy et lourde, un refrain assez nostalgique… Sa mort m’a profondément touché. Je me souviens avoir appris ça un matin en venant donner des cours au Music Academy International (M.A.I.). Je croise Kermheat qui m’apprend la nouvelle. Je ne pouvais pas le croire, il a fallu qu’il me montre la news sur Internet ! Tout ceci montre jusqu'à quel point la musique peut engendrer le fanatisme, ce qui ne devrait jamais arriver.

Quels sont tes projets musicaux actuels ?
J’ai pas mal de projets en dehors de mon groupe MLB (Manu Livertout Band). Tout d’abord Boy Damon T dont l’album sortira le 4 mars 2009. Le groupe est composé de Guillaume Bideau (Mnemic, One-Way Mirror), également chanteur dans mon projet, d’Amen Vianna, très bon guitariste togolais, de Jean Bisello à la basse et de Boy Damon T à la batterie. Ensuite le groupe Bloody Mary, trio hard-rock où je suis à la basse et co-compositeur, avec Pierre Fargetton (chant et guitares) et Damien Billy à la batterie. L’album We Rock You Suck sortira début 2009 et sera distribué par Season Of Mist. J’effectue aussi quelques remplacements de temps en temps. Par ailleurs, j’enregistre en février mon prochain album qui devrait voir le jour fin 2009.

On a pu constater lors du Salon de la musique, et particulièrement durant l'atelier que tu as animé avec Pascal Vigné, que tu n'étais pas qu'un metalleux...
En effet, j’ai toujours été très ouvert, que ce soit dans l’écoute ou dans la pratique de la musique. Lors de mes débuts, j’ai beaucoup pratiqué le jazz pour m’améliorer surtout harmoniquement, ainsi que du funk pour les rythmiques. Aujourd’hui, je ne joue pratiquement que du rock et du metal, mais il m’arrive d’avoir des concerts dans d’autres styles, comme le duo acoustique que je fais avec Pascal, ou alors avec le groupe Boy Damon T, qui est un mélange de hip-hop, rock et funk. Un teaser de l’album est en ligne sur le myspace du groupe (www.myspace.com/boydamont).

D'où vient cette habitude de jouer sur des guitares sept cordes ?
La sept cordes est un instrument très versatile. Il permet de faire des rythmiques très lourdes tout en ayant accès aux aigües d’une six cordes. Avec un peu de travail, pratiquement tous les morceaux en drop sont réalisables dessus, donc inutile d’avoir trente-six guitares dès qu’on a un répertoire un peu metal. Je me souviens l’avoir découvert au début grâce au Passion And Warfare de Steve Vai, comme beaucoup de monde a l’époque, puis sont arrivés des groupes comme Korn, évidemment, ou 24-7 Spyz, assez méconnu en France et qui pourtant offre une fusion remarquable ! D’ailleurs, leur dernier album a été produit par Ron Thal.

Comment as-tu débuté la guitare ? Es-tu autodidacte ou as-tu commencé avec un prof ?
J’ai eu la chance de tout de suite prendre des cours avec un professeur qui m’a fait apprendre le solfège, l’harmonie et l’improvisation directement, ce qui est la faille de beaucoup de guitaristes de nos jours, notamment à cause de la diffusion des tablatures. Je ne suis pas contre cela, mais l’intérêt de travailler un morceau ne réside pas seulement dans le côté technique, mais aussi dans l’analyse harmonique, dans le rythme, que ce soit pour la rythmique ou pour les solos, etc. J’ai passé beaucoup de temps aussi à repiquer à l’oreille, ce qui est pour moi le meilleur moyen de pratiquer !
Je suis ensuite entré au CMCN (ex-M.A.I.) à 16 ans et je suis devenu prof après mon année d’étude. Une école comme celle-là est énorme, non seulement pour apprendre mais aussi pour rencontrer des gens.

Maintenant que tu es arrivé à un haut niveau technique, penses-tu que tu as pris la bonne voie pour ton apprentissage de la guitare ? Si c'était à refaire...?
Je pense en effet que j’ai pris la bonne voie. Le seul problème que j’ai rencontré est le matos. C’est si facile de pratiquer avec tous les logiciels actuels ! A l’époque, j’avais juste un quatre pistes analogique et une boîte à rythmes (rires), donc il fallait que j’enregistre toutes les rythmiques pour travailler l’impro (maintenant il suffit d’un séquenceur…), que j’écoute cent fois un plan pour le repiquer car je ne pouvais pas le ralentir… et aujourd’hui les informations sont partout sur Internet !
Je suis donc resté deux ans enfermé à bosser, et je ne suis pratiquement pas sorti le soir (rires). Je m’endormais en pensant aux plans, aux arpèges… Je devais faire mes douze heures par jour sinon je n’étais pas content ! Ce serait à refaire maintenant, j’en aurais davantage profité (rires) !

Peux-tu nous dire ce que tu penses de Pascal Vigné, cet étrange guitariste qui a rejoint depuis peu la secte des guitaristes chauves (dont tu fais partie) ?
Nous sommes amis avec Pascal depuis pas mal de temps. Il a fait le M.A.I. et était déjà très doué à l’époque. On s’est retrouvé pour faire de la muscu (rires) ! Il a ensuite participé à l’enregistrement de mon album The Bounder pour les prises de gratte, et on a monté un duo acoustique. On a peu de temps pour jouer ensemble mais ça nous fait toujours plaisir. L’acoustique est un instrument très différent de l’électrique ! Tu es obligé de l’aborder différemment et ça nous donne pas mal de fil à retordre !

Pour terminer, quels sont tes albums favoris ?
Toujours très dure comme question ! En voici quelques-uns qui m’ont beaucoup influencé : Passion and Warfare (Steve Vai), Santana 3, Surfing With The Alien (Joe Satriani), la compile bleue des Beatles, There and Back (Jeff Beck), Pornografitti (Extreme), Far Beyond Driven (Pantera), Are You Experienced (Jimi Hendrix) et Fair Warning (Van Halen).

Le site de Manu Livertout :
http://emmanuel.livertout.free.fr/
Manu Livertout, le metal à sept ou huit cordes