La "crise" du disque a pu s'expliquer par plusieurs phénomènes.
La banalisation du Compact Disc
Le consommateur achète son disque en fonction du prix, naturellement ,mais aussi en fonction de la qualité du bien proposé.
En effet, la qualité de la musique enregistrée va se distinguer sous deux axes :
- Un axe verticale où la qualité sera considérée au premier degré avec la qualité sonore du produit, la durabilité… Cet axe n’est pas à prendre en considération car il y a une constante amélioration de la qualité sonore, de la durabilité… sans pour autant que l’Industrie du disque voit ses ventes repartir à la hausse.
- Un axe horizontale où la qualité sera au seconde sens du terme. Il s’agît de l’adéquation entre les goûts des consommateurs et les genres de musique proposés. Lorsque la musique produite par les artistes suit avec les goûts de la majorité des consommateurs, les ventes décolent. À l’inverse, lorsque les consommateurs se lassent d’un genre musical, les ventes diminuent.
La majorité des consommateurs doit certainement se lasser des produits musicaux proposés par les majors. J'avais lu quelque part que Patrick Zelnik (Président de Naïve et président de l'Union des producteurs français indépendants) trouvait que ce qui était proposé au consommateur par les maisons de disques était généralement décevant, voir de médiocre qualité ("Pour qu'un album soit vraiment rentable, il faut pouvoir en extraire trois singles. On peut donc être sûr que trois titres auront été peaufinés, mais, souvent, le reste du CD n'est que du remplissage"). A savoir : la société Naïve voit son chiffre d'affaires en nette augmentation d'année en année, grâce à un positionnement sur le développement à long terme de nouveaux talents. Il avait aussi ajouté que « La véritable cause de la crise, n'est pas la piraterie. La piraterie est à la fois une cause et une conséquence. C'est une cause parce que c'est une concurrence déloyale et illégale, c'est une conséquence parce que, si les jeunes se tournent vers la consommation gratuite de musique, c'est qu'ils ont une frustration par rapport à l'offre "légitime". Mais il faut surtout accuser la concentration, qui a pour effet immédiat l'appauvrissement de l'offre et la banalisation du produit. La standardisation du disque, l'application de techniques marketing de grande consommation uniformes ont fait du disque un produit industriel plus que culturel. On a oublié que le consommateur de disques n'est pas un consommateur comme les autres. C'est quelqu'un qui aime découvrir, c'est quelqu'un qui n'aime pas se faire avoir. »
L’appauvrissement du catalogue viendrait de la politique à court terme des majors où les dirigeants sont en général nommés pour trois ans. Ils sont obligés de penser « profits immédiats » au détriment de la qualité du produit.
Évolution des supports
Le développement de la radio et la première crise
Les années 20 voient la radio se développer très rapidement aux Etats-Unis (entre 1922 et 1929, le nombre de récepteurs de radio passe ainsi de 50000 à 10 millions).
Dès 1922, la diffusion de musique gratuite à la radio est perçue comme une menace par l’industrie phonographique. Cette crainte est accentuée par la baisse des ventes de phonogrammes. On estime ainsi que le chiffre d’affaires de l’industrie passe de 106 millions de dollars en 1921 à 6 millions de dollars en 1933. D’autres facteurs seront avancés pour justifier cette crise comme le crach boursier de 1929 ou l’engouement pour le cinéma parlant ou encore la baisse de la qualité de l’offre.
L’Industrie du disque connaîtra une restructuration : rachat des deux firmes dominantes dans la production musicale physique (Victor et Columbia) par deux grands acteurs de la radio C.B.S (Columbia Broadcasting System) et la R.C.A (Radio Corporation of America) en 1938. La radio n’est plus seulement concurrente de la musique enregistrée mais devient aussi un outil de promotion pour les artistes.
La seconde crise du Disque à la fin des années 1970
L’année 1979 marque un réveil brutal pour l’Industrie du Disque. Les ventes de disques chutent de 11% aux USA et de 20% en Angleterre. Plusieurs raisons peuvent être invoquées pour expliquer cette décroissance. Selon Frith (Frith, S., 1988, Music for Pleasure, Polity Press, Cambridge), la situation ressemble à celle de la fin des années 30 (cf. Le développement de la radio et la première crise de l’industrie du disque) : le contexte économique est défavorable, avec le choc pétrolier notamment, et de nouveaux loisirs, comme le magnétoscope ou les jeux vidéos, concurrencent la consommation musicale. De plus, la baisse de la qualité de l’offre explique aussi en partie cette tendance des ventes. Pourtant à l’époque déjà, les industriels avançaient d’autres explications : les copies de disques sur cassettes vierges sont responsables de la baisse des ventes observée (En 1980 C.B.S. a d’ailleurs étayée cette thèse en publiant une étude sur la crise du disque et les copies illégales). Suite à cela, la R.I.A.A (Recording Industry Association of America), l’association interprofessionnelle qui défend les intérêts de l'industrie du disque, lance alors une campagne de lutte contre la copie intitulée « Home Taping Is Killing Music » traduit par « les copies sur K7 tuent la musique ». Cette lutte contribue au reversement d’un montant perçu sur les ventes de supports vierges. Néanmoins, cette thèse avancée par C.B.S fût cassée par une étude du Copyright Royalty Tribunal en prouvant que les utilisateurs de cassettes audio étaient également les plus gros acheteurs de disques.
Enfin, cette crise peut aussi s’expliquer par les stratégies de promotion et de distribution des maisons de disque pendant : forte inflation des dépenses marketing qui réduisent au maximum les profits engendrés par les maisons de disque.
Jusqu’en 1983, les ventes de disques vont connaître un déclin. En effet, à cette date vient le Compact Disc, qui constitue une amélioration qualitative (au niveau sonore : aucun craquement et un son limpide) et une sécurité plus accrue (les premiers graveurs de CD sont apparus au grand public qu’en 1995 et coutaient très cher) par rapport au disque vinyle. Le chiffre d’affaires du disque repart à la hausse avec un profit par CD vendu beaucoup plus important qu’un vinyle.
Enfin , l’arrivée de la chaîne musicale MTV (Music Television) et l’arrivée du baladeur Walkman inventé par Sony au début des années 80 donne également un regain d’intérêt du public pour la musique enregistrée.
La troisième et actuelle crise de l’industrie du Disque
Par rapport aux autres crises qu’a traversé l’Industrie du Disque, la crise qui a démarré à la fin des années quatre-vingt-dix, a ceci de particulier qu’elle est provoquée à la fois par une évolution du support et une évolution de la fonction de promotion. Dans le passé, l’industrie a toujours fait face à une seule de ces évolutions à la fois :
- Guerre de standard entre phonographe et gramophone (support)
- L’apparition de la radio (promotion)
- L’invention du 33 tours et du 45 tours (support)
- La cassette audio (support)
La numérisation de l’information provoque, cette fois-ci, à la fois une transformation du support (MP3 et autres formats) et de la fonction de promotion (réseaux P2P, communautés d’expérience, etc.).
Évolutions de la consommation culturelle
En effet, a baisse de la consommation de musique enregistrée pourrait aussi être liée en partie à la transformation de la consommation culturelle ou divertissement. On peut ajouter à la consommation légale de musique sur Internet (via les distributeurs Click and Mortar ou Virtuels), des formes d’écoute musicale autres comme les radios en ligne, les clips en ligne (Youtube, Dailymotion), les radios adaptatives ainsi que les plateformes musicales totalement gratuites (Deezer). À cela, on peut ajouter la croissance des dépenses par foyer pour assister à un concert... Enfin, le développement des ventes de DVD et surtout DVD musicaux, des jeux vidéos. Comme la consommation de divertissement est une activité à temps contraint, le développement de nouveaux loisirs pourrait se faire au détriment de la consommation musicale.
Dérégulation des prix
Rodolphe Buet, directeur du secteur disque de la Fnac en 2004, pense que le P2P n’est pas le seul responsable de la crise du disque mais qu’il y a aussi la dérégulation des prix a été mal perçue par les clients, vis-à-vis desquels il est important de retrouver des références de prix cohérentes.
Les éditeurs ont utilisé le prix comme un des éléments du marketing, ce qui leur a permis d'accompagner l'accroissement en volume des années 2000 à 2002. Mais désormais, nous sommes arrivés au terme des aspects positifs de cette stratégie, et les aspects négatifs commencent à se faire sentir. Lorsqu'un nouvel album sort, il y a toujours un phénomène d'achat instantané, mais certains se disent que c'est n'est pas le moment d'acheter, qu'il sera moins cher dans trois mois, ou fera l'objet d'une promotion à moitié prix, etc. Les prix peuvent varier de un à trois. Dans l'incertitude, les clients peuvent être amenés, soit à ne pas consommer, soit à consommer plutôt du DVD musical ou du DVD film.
La liste des explications de ces changements de consommation depuis quelques années, est bien évidement non exhaustive...