Le marché de la musique en crise ?

Captain Cam
J'ai trouvé cet article à la fois juste et extrêmement intéressant.


Marché de la musique

Quelle crise ?

Alors que le 43e Marché international du disque et de l'édition musicale s'ouvre à Cannes, les professionnels de l'industrie se préparent à un récital désormais bien rodé : le piratage sévit, la musique va mal, les artistes se meurent. Conclusion logique, il faut sévir contre le téléchargement illégal afin de revitaliser la création française. Carré en apparence, le raisonnement escamote quelques questions très simples sur l'efficacité et la justice d'un système qui souffre en réalité bien davantage de ses propres défauts que du piratage. Quelques questions/réponses pour décrypter le marché de la musique.
La musique est-elle un secteur en crise ?


Si par « crise », on pense à la situation de la sidérurgie dans les années 70 ou de l'automobile aujourd'hui, la réponse est non ! L'industrie musicale a connu une époque faste à la fin des années 80 et au début des années 90. Séduits par le CD, les possesseurs de vinyles ont racheté massivement des albums qu'ils possédaient déjà, en plus des nouveautés. Cette période exceptionnelle est révolue, mais le secteur se porte toujours bien. En France, les sommes collectées par la Sacem (principal organisme de collecte, de gestion et de redistribution des droits d'auteurs pour la musique et l'image) ont fortement progressé entre 2000 et 2005, passant de moins de 600 millions à près de 750 millions d'euros, niveau auquel elles semblent se stabiliser pour le moment.

La crise est en fait celle du CD, dont les ventes déclinent de manière spectaculaire (-20 % en 200. Cette érosion est compensée par la progression des revenus issus du spectacle vivant et de la diffusion publique des oeuvres. Ils sont conséquents. Même si elle représente encore un faible volume (10 millions d'euros en 2007), la vente de fichiers numériques ou de musique sous des formes spécifiques, comme les sonneries téléphoniques, augmente très fortement (26,8 %). La musique à la demande, qui pèse aujourd'hui 3,46 millions d'euros, progresse de 85 %.



Le téléchargement illégal est-il responsable de l'érosion des ventes de CD ?

C'est loin d'être prouvé. L'album le plus vendu aux États-Unis par la plate-forme de téléchargement Amazon en 2008 est « Ghost I-IV » de Nine Inch Nails. Or, les neufs premiers morceaux étaient également proposés par leur auteur en téléchargement gratuit ! Ce qui n'a pas empêché « Ghost I-IV » de rapporter 1,6 million d'euros en 1 semaine, dès sa sortie. Un fichier téléchargé illégalement n'égale pas une vente en moins. D'abord parce que l'internaute n'aurait pas forcément acheté le morceau ; ensuite parce que la découverte d'un artiste par le téléchargement peut entraîner ensuite l'achat des albums ou d'autres produits induits (sonneries, concerts, jeux vidéos, etc.). Dans son livre « Playback », le journaliste américain Mark Coleman revient sur une campagne lancée aux États-Unis en 1979 par l'industrie du disque : « Home Taping Is Killing Music », la copie de cassette tue la musique. La même année, une étude démontrait que les gros copieurs de cassettes étaient aussi les meilleurs clients des disquaires...



Les CD et DVD sont-ils la principale source de revenus des artistes ?

Non. Les ventes de disques au sens large assurent seulement une petite part de leurs revenus. En 2007, elles représentaient 16,5 % des sommes collectées par la Sacem. Les artistes gagnent en fait plus d'argent sur les concerts et les diffusions à la radio, à la télé ou en boîtes de nuit. Ce qui relativise sérieusement la portée économique du piratage.



Combien d'artistes souffrent de la baisse des ventes de CD, et à quel point ?

Dans un entretien en 2005, le président de la Sacem Laurent Petitgirard évoquait le chiffre de 2000 artistes au maximum inscrits à la Sacem gagnant plus de 15 000 euros par an (CD, concerts et droits divers confondus), soit une proportion infime des 124 000 sociétaires inscrits.

Imaginons le pire : un effondrement total des ventes, du jour au lendemain. Quelques dizaines d'auteurs-compositeurs seraient très sérieusement dans l'embarras. Il s'agit de ceux qui vendent des disques sans jamais passer à la radio ni donner de concert. Un profil plutôt rare. Quelques dizaines d'autres (Manu Chao, Mylène Farmer, Francis Cabrel, Jean-Jacques Goldman, etc.) verraient leur niveau de revenus passer de l'excessivement confortable au très confortable. On peut comprendre leur agacement, mais exciper de la situation de ces stars pour faire croire que les auteurs moins connus sont au bord du gouffre relève du sophisme. En réalité, dans leur immense majorité, les artistes qui sortent un CD en vendent trop peu pour souffrir financièrement du téléchargement illégal. Seuls 5 % des artistes gagneraient de l'argent grâce aux ventes de disques. Le problème des 95 % restants est de se faire connaître, pas d'éviter de se faire pirater.



Comment se fait-il qu'aussi peu d'artistes vivent de la vente de CD ?

Les majors du disque sont assez largement responsables de cette situation, à un double titre.

Au début des années 2000, elles ont délibérément concentré leurs moyens marketing sur un tout petit nombre de valeurs sûres. Entre 2001 et 2004, le nombre d'artistes sous contrat avec les quatre majors a énormément baissé. Des artistes rentables mais pas suffisamment, comme Jacques Higelin, Brigitte Fontaine ou Alain Chamfort, se sont vus remercier par leurs maisons de disques, qui ont pratiquement cessé en parallèle de recruter de nouveaux talents. Résultat, en 2006, moins de 6 % des références vendues accaparaient 90 % du marché. Les radios ont aussi contribué à appauvrir le marché. Un rapport établi en 2006 par l'Observatoire de la musique sur 31 stations, soit 92 % de l'audience, a chiffré ce que tout auditeur, même occasionnel, subodorait probablement : moins de 3 % des titres diffusés occupent les trois quarts du temps d'antenne musicale. Sur les radios jeunes comme NRJ, Skyrock, mais aussi le Mouv', radio publique, c'est encore pire : les 40 titres présumés les plus populaires représentent 60 % des diffusions. Certains passent 15 fois par jour sur la même antenne, 55 fois par jour toutes stations confondues.



Qui est le principal perdant dans la baisse des ventes de disques ?

Les maisons de disques : Universal (25 % du marché), Sony BMG (21 %), EMI (13 %) et Warner (11 %). Ce sont elles qui encaissent l'essentiel du produit des ventes. Sur les 15 ou 20 euros que coûte un CD, en effet, 19,6 % va à l'État, sous forme de TVA, 21 % au distributeur, 50 % à la maison de disques. L'artiste principal, les auteurs et les compositeurs se partagent environ 9 % du prix de vente. Officiellement ! Car en réalité, les maisons de disques soustraient parfois de ces royalties le coût d'enregistrement de l'album, de la promotion et de la réalisation des vidéoclips.



La musique pourrait-elle être moins chère sans spolier les artistes ?

Oui, à l'évidence. Dès le début, les CD ont été vendus 50 % plus cher que les disques vinyles. Or, les prix de revient (fabrication, manutention, stockage) sont très rapidement devenus inférieurs à ceux des 33 tours. De plus, jusqu'en 1987, la TVA sur les disques était de 33,6 %. Elle a ensuite été baissée à 19,6 %. Le prix des CD, lui, a diminué à l'époque de 8 % seulement, soit 14 points d'évaporation... Il n'a jamais baissé par la suite. Inutile de préciser que les artistes ne sont aujourd'hui pas mieux rémunérés que dans les années 80.

On peut ajouter que la musique dans son ensemble, qu'elle soit diffusée à la radio, sur le Web ou en discothèque, serait moins chère si la gestion des droits était plus rigoureuse. Les frais de fonctionnement de la Sacem sont en effet vertement critiqués depuis des années. D'après un rapport du ministère de l'Économie et des Finances publié en 2006, ils se montaient en 2005 à 23,4 % des sommes collectées, ce qui est énorme. Les ratios en vigueur dans les autres pays développés sont plutôt de 10 % des frais. Selon le même rapport, à une époque, « la Sacem a abusé de sa position dominante, notamment pour pratiquer des niveaux de redevance très élevés à l'égard des discothèques ». Et encore aujourd'hui, « les négociations entre la Sacem et certains exploitants de formes nouvelles de diffusion (webradios...) se sont retrouvées bloquées en raison des règles d'assiette et des taux revendiqués par la Sacem pour le calcul de son prélèvement ».


Source : http://www.quechoisir.org/page(...)m?f=_
another steph
MERCI pour ce lien, qui en apprendra beaucoup à certains, notamment à ceux qui croient encore en une corrélation triviale et générale entre les revenus des artistes, et le téléchargement illégal.
steph !
Invité
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Rien à ajouter. Excellent article.
alius
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    alius
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très interessant ! ça va en faire taire plus d'un !
Il n'y a rien de pire que les souvenirs heureux.
F-Key
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  • #5
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    F-Key
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crise ou pas je continue à acheter légalement les cd des artistes que j'adore et c'est normal qu'un travail soit récompensé.
par contre pour les débats sur le téléchargement et compagnie, je veux bien que les disques soient pompés sur internet et sans nous voiler la face ça nous permet de découvrir de nouveaux talents à moindre coup. c'est cool, à condition de respecter les artistes et de ne pas avoir des quantités industrielles de dvdr chez soi.

crise ou pas, les prix de virgin et fnac ont toujours été exagérés, et encore aujourd'hui si par exemple je veux le dvd chaos in motion en coffret je vais pas me faire chier à l'acheter chez eux... je l'aurai sur le net, certes d'occaz mais pas à 30euros !!!!
Oroshi
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  • #6
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    Oroshi
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Très intéressant!

Je partageais déjà cet avis, mais ravie de voir un article formuler concrètement mes pensées ^^!

Hadopi, c'est juste une loi mal ficelée pour rassurer les Majors qui s'en mettent toujours plein les poches...
xRiCox
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  • #7
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    xRiCox
    le
Excellent boulot rien a redire. Bravo.

Sinon juste pour info Hadopi a été soumise au sénat aujourd'hui (189 voix pour, contre 14).
Evil-Snake
Très bon article

F-Key a écrit :
sans nous voiler la face ça nous permet de découvrir de nouveaux talents à moindre coup.


C'est une évidence, beaucoup crachent sur le téléchargement illégal mais ils ne rendent pas compte de l'ouverture culturelle que ça représente.
C'est pas que j'aime raconter ma vie mais si je prend mon experience perso, j'ai découvert Metallica en les pompant joyeusement sur le net et j'ai fini par adorer... de fil en aiguille, j'ai acheté des dvd et je suis allé les voir en concert...
Sans le téléchargement, je ne me serais certainement jamais interessé à ce groupe (et peut-être même au métal en général).

Les artistes qui soutiennent Hadopi ne se rendent pas compte qu'ils se tirent une balle dans le pied...
musicianbooster.com/blog
phatatrax
je n'achète plus de cd depuis 2001
je télécharge car c'est gratuit
en plus maintenant que les albums sont au même format que les versions pirates (mp3) il n'y a pas d'intérêt d'acheter un album sur le web.
ajouté a cela que le cd est un produit mauvais pour l'écologie.

bref le cd est un format en cour d'obsolescence





bisous

ps :j'oubliais la rétribution des artistes je m'en cogne
Koolkat
Merci beaucoup pour cet exposé clair et argumenté et en plus en lisible !
Tu as gagné ..... toute mon estime
This sucks more than anything that has ever sucked before.
phatatrax
je t'en prie, c'est fait pour


biyou
Tom Matlock
phatatrax a écrit :
je n'achète plus de cd depuis 2001
je télécharge car c'est gratuit
en plus maintenant que les albums sont au même format que les versions pirates (mp3) il n'y a pas d'intérêt d'acheter un album sur le web.
ajouté a cela que le cd est un produit mauvais pour l'écologie.

bref le cd est un format en cour d'obsolescence





bisous

ps :j'oubliais la rétribution des artistes je m'en cogne


Et là, c'est le drame: le forum est surveillé par la glorieuse "Police du Net", qui va débarquer chez toi, jeune canaillou, et te faire regretter tes paroles à grands coups de matraque dans l'amour propre. M'enfin, on t'aura prévenu.

(Ralala ces naïfs qui se croient protégés derrière leur écran d'ordinateur )
*Turn on, tune in, drop out*

http://soundcloud.com/theivors(...)sman/
phatatrax
la distribution de la musique en cd est morte.
a terme ca ne va pas changer grand chose, les majors vont se transformer en "mymajorcompany" and Co avec leur illusion de liberté artistique et fausse idée participative.
xRiCox
  • Custom Top utilisateur
  • #14
  • Publié par
    xRiCox
    le
Tien au passage cet sujet me refait penser, quand un député s'est ramené a la tribune avec le magazine rock hard a la main en expliquant que son fils écouté ce genre de musique et que sans internet, celui ci n'aurait jamais pus découvrir de nouveau groupe.

Et puis au passage Hadopi ne va rien changer, vu le nombre d'alternative qu'il existe en dehors du peer to peer pour télécharger.
jabadaho
Salut,

Merci a l'auteur du topic pour l'article et son lien. Cela confirme ce que je pensais ( Quoi ? comment ? Je suis pas le seul ? Ah bon )

La loi Hadopi passé (je pense que cela ne devrait pas tarder a passer au journal officiel), il semble évident que le marché des cd et autres dvd ne va pas progresser de façon spectaculaire. Je pense que beaucoup de personne téléchargeant occasionnellement vont plus que ce calmer voir arrêtez et désinstaller emule et autre limewire. Comment les majors vont elles expliqué que leur chiffre d'affaire ne remonte pas, stagne ou baisse alors que le "criminel-téléchargeur" a arrêter tout crime ? Je suis impatient de savoir ça.

En ce moment sur bla bla et guitare...