Anthrax et ses légendaires problèmes de chanteur… Scott Ian croyait bien les avoir résolus avec Dan Nelson. Le 10 juin, lorsque l’interview ci-dessous a été réalisée, le guitariste ne tarissait pas d’éloges, comme vous pourrez vous en rendre compte, à propos du nouveau vocaliste. Pourtant deux mois plus tard, Dan Nelson ne fait plus partie du line-up, rendant la sortie de Worship Music et cet entretien assez… abstraits. Jugez plutôt.

Il semblerait que l’enregistrement et le mixage de l’album prennent un peu plus de temps que prévu. En effet, alors que Worpship Music doit sortir à la rentrée, seuls quatre morceaux semblent être prêts…
Scott Ian : Cinq, en fait. Je n’ai juste pas eu le temps de mettre le cinquième sur l’i-Pod ce matin. Dave Fortman continue de mixer les chansons que nous lui donnons et j’espère donc que l’album sera prêt pour fin juin. Pour moi la véritable date de début de travail sur ce qui allait devenir Worship Music remonte à janvier 2007. Nous avions fini la tournée en octobre 2006 puis nous avons pris trois mois de pause, certainement notre première pause depuis les débuts d’Anthrax ! En janvier 2007 cela faisait déjà quatre ans que nous n’avions pas sorti d’album studio puisque nous n’avions pas arrêté de tourner depuis We’ve Come For You All. Nous ne nous sommes pas mis de pression particulière pour faire un disque rapidement. Cinq, six, sept ans : peu importe du moment qu’en fin de compte nous obtenions un disque tel que nous le voulions. De plus, il nous fallait faire mieux que We’ve Come For You All ce qui n’est pas simple car nous aimons beaucoup ce disque. Nous avions vraiment besoin de prendre du temps pour nous éloigner de ce disque et avoir l’énergie nécessaire pour lui écrire un successeur. Nous avons vraiment eu besoin de ces six ans pour travailler sur Worship Music.

Mais vous n’avez pas réellement travaillé pendant six ans sur ce disque, quand même…
Scott Ian : C’est vrai, mais j’aime à le penser (rires) ! Tu sais, il y a encore trois semaines nous étions en train d’écrire de nouveaux trucs : deux chansons ont été complètement revues et corrigées. De janvier 2007 à mai 2009, nous avons donc composé des trucs pour le disque. Nous n’avons jamais passé autant de temps là-dessus, même pour Fistful Of Metal et il s’agissait de notre premier disque ! Nous avons énormément bossé et nous avons constamment cherché à nous surpasser les uns les autres. Je suis donc super excité et pourtant je suis comme toi : je n’ai pas encore entendu le disque (rires). A l’heure actuelle je n’ai encore aucune idée du tracklisting. Toujours est-il que j’ai hâte de pouvoir entendre dix titres d’affilée et de me dire : « Ouf ! Nous avons fait un putain de bon disque ! »

En janvier 2007, dans quel état étiez-vous ? Vous aviez plein d’idées créatives qui s’étaient accumulées au fil des années et qui attendaient d’être exprimées ou est-ce qu’au contraire vous étiez totalement vidés et aviez besoin de vous retrouver dans un autre contexte que celui de la scène ?
Scott Ian : Ça dépend des membres du groupe. Charlie et moi sommes assez différents, par exemple. Il empile les riffs chez lui au fur et à mesure qu’il en trouve. Lorsque nous commençons à écrire pour de bon, il va chercher dans ses archives ce qu’il avait pu trouver. Quant à moi, lorsque je trouve une nouvelle idée je dois pouvoir m’en rappeler suffisamment longtemps pour pouvoir la faire partager aux gars d’Anthrax. Si ce n’est pas le cas, et bien cela signifie que l’idée ne devait pas être si bonne que cela en fait… Donc parfois j’arrive dans nos sessions d’écriture avec des riffs que je joue depuis deux ans car, tout simplement, j’adore les jouer ! Généralement je suis bon pour « contrer » les riffs de Charlie : il propose un truc et je réagis instantanément à ce qu’il fait. Les chansons se construisent souvent ainsi : il trouve un couplet, je trouve le refrain, il trouve un break, je trouve un solo, etc.

Comme tout le monde le sait, vous avez un nouveau chanteur, Dan Nelson. Est-ce que cela vous ouvre de nouvelles possibilités musicales ?
Scott Ian : Absolument ! Tout est différent avec Dan ! Ses capacités vocales sont bien plus grandes que n’importe quel chanteur avec qui nous ayons bossé par le passé. Il sait reproduire les trucs les plus fous de Joey avec encore plus de talent. Musicalement, nous avons donc pu aller plus loin dans ce que nous cherchions à faire. Sa voix est naturellement agressive. Il n’a pas besoin de se forcer. Et il sait aussi faire des choses dans un registre à la Chris Cornell ou Mike Patton sur un titre comme « Crawl ». Nous avons repris une chanson de Refused, « New Noise ». Cela n’aurait pas été possible avant et pourtant depuis la sortie de The Shape Of Punk To Come je voulais faire cette reprise. Nous l’avons joué à quatre depuis des années mais John n’avait jamais été capable de la chanter. Tout à coup, Dan arrive et voilà nous sommes capables de faire du Refused ! Dan est un gars très enthousiaste. Il a dix ou douze ans de moins que moi. Je n’ai pas spécialement besoin de quelqu’un qui me mette un coup de pied dans le cul car jouer de la guitare au sein d’Anthrax est toujours ce que je préfère faire au monde mais il amène tout de même une sacrée énergie et une nouvelle présence dans le groupe. Il y a deux gars d’Anthrax que je connais depuis vingt-cinq putains d’années (rires) ! Même Rob est là depuis sept ans. Ça fait quand même du bien d’avoir du sang neuf. Je sais que ça sonne con de dire ça mais c’est la vérité. Regardez l’énergie que Rob Trujillo a amenée dans Metallica pour vous en convaincre ! Metallica s’est retrouvé autour de ce gars et c’est la même chose pour Anthrax avec Dan. La communication n’est pas encore optimale au sein d’Anthrax mais en tout cas nous nous sommes améliorés sur ce point. Dan est maintenant le ciment qui nous lie tous entre nous.

Comment êtes-vous rentrés en contact ?

Scott Ian : Il est venu vers Rob, en fait. Cela remonte à l’automne 2007, je crois. Il a écrit un email à Rob par MySpace pour lui demander d’écouter ses morceaux car il savait que Rob est très actif en tant que producteur. Etrangement, Rob a non seulement lu son mail mais a ensuite écouté ses extraits puis l’a appelé pour le rencontrer à New York car il était en train de bosser sur un truc à ce moment-là. Au final, Rob a pensé que Dan ne convenait pas pour le truc sur lequel il était en train de travailler toutefois il avait aimé sa voix et c’est donc tout naturellement qu’il m’en a parlé ainsi qu’à Charlie. Le timing était parfait car nous étions sûrs que John Bush n’allait pas revenir et l’épisode Corey Taylor avait fait plouf… Nous n’avions pas envie de faire passer des auditions à des types et écouter des milliers de CDs pourris. Tout s’est finalement bien goupillé – il a chanté « Room For One More » à la perfection lors de notre première rencontre – tout comme je suis sûr que tout va bien passer sur la fin de Worship Music pour que les fans aient un nouveau disque d’Anthrax à la rentrée !

Comment résumerais-tu le temps passé avec Corey Taylor : qu’avez-vous fait pendant qu’il vous côtoyait dans Anthrax ?
Scott Ian : On l’a engagé après un dîner arrosé à New York où Corey était de passage pour faire un concert de Stone Sour. Le lendemain tout le monde pensait qu’on aurait tout oublié mais pas moi : je voulais absolument Corey ! Ce dernier était hyper motivé car il avait un break avec ses deux groupes et Anthrax représente beaucoup à ses yeux. Quelques jours plus tard, nous avions prévu de faire une répétition mais au dernier moment elle a été annulée car Corey ne pouvait pas venir… En fait le planning de Slipknot avait changé et il ne pouvait plus venir. C’était horrible pour lui car ce n’était pas sa décision. Il a subi le choix des managers de Roadrunner… Je sais que ça l’a vraiment énervé car il tenait énormément à nous rejoindre dans le groupe. Mais à sa place – si j’avais dû jouer de la guitare chez Slipknot – j’aurais fait la même chose.

Avec les années as-tu changé ton approche de la guitare rythmique ?

Scott Ian : Oui j’ai senti un changement au moment de We’ve Come For You All. Rob qui était également producteur sur le disque m’a fait bosser comme jamais auparavant. Il voyait des choses chez moi dont j’ignorais l’existence ce qui est vraiment étrange comme sensation. Il m’a poussé dans mes retranchements. J’étais devenu un peu flemmard avec les années et il m’a réveillé. Il m’a montré qu’on pouvait engranger de la dynamique sans en faire des tonnes tout le temps… Et il m’a également expliqué l’importance des sons et du matos : qu’il ne faut pas avoir la même configuration sur une chanson thrash violente que sur une power ballad à la « Safe Home ». Je n’y avais jamais pensé avant…


Anthrax – Worship Music
Nuclear Blast
www.anthrax.com 
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