"Johnny" Duschnol" l'a compris : tout est à refaire. Il a méticuleusement démonté son ancien système et est sur les starting-blocks pour nous faire quelque chose de bien, super propre et qui sonne tellement que ça va lui inspirer un tube planétaire, qui s'appellera "Stairway to the wall of Europa" ! Mais là il a eu le malheur de demander l'avis de deux ou trois potes qui lui ont expliqué que si c'était pas "trou-baille-passe" c'était pourri, que si c'était digital ça détruisait le son, que le "beuffeur" n'était pas un spécialiste de la viande bovine, que le série, le parallèle, et que tout le monde a tort sauf ceux qui ont raison. Alors aujourd'hui, nous allons récapituler un peu tout ce qui peut se mettre sur le chemin de ton sacro-saint chemin du signal, ce qui l'affecte, si c'est grave (indice : non, JAMAIS.) et comment y remédier si nécessaire.

Note préalable bis repetita : ces articles sont un partage d'expériences, notamment professionnelles, mais ne sont pas à prendre comme parole d'évangile. Nul ne détient la vérité absolue, et certainement pas moi, surtout que dans la musique, les parts de subjectivité sont fortes. Vous pouvez vous référer à la première partie de l'article concevoir et assembler son pedalboard ici.

1- Les connections et les longueurs

La première source de perte sonore dans le système que nous allons construire est celle qui devrait nous paraître la plus évidente : en mode direct, le son d'une guitare traverse jusqu'à l'ampli deux connections jack (soit 4 soudures) et entre 3 et 6m de câble instrument. 

Si on imagine un pedalboard avec 10 pédales câblées les unes derrière les autres, on a en plus 20 connections jack, 2 à 3m de patch, quelques mètres de câble entre le board et l'ampli, sans compter le chemin que fait le signal A L'INTERIEUR DES PEDALES. Avec un système à looper, on double même les longueurs et les connexions ! J'espère que la réalité te saute aux yeux : la probabilité d'un signal 100% intègre, même avec les meilleurs câbles du monde, est assez faible !

Voici 30 cm de câble, 2 soudures et 2 contacts non soudés : autant de raisons potentielles de perdre du son.

2- Les circuiteries internes

Alors bien entendu, entre tous ces câbles, ton signal passe au travers de tes effets, et ce qui se passe à l'intérieur n'est pas toujours joli joli, arrête de mater vilain petit voyeur… hum, bref. Tu as dépensé 200 balles dans un câble Vuvux en poil de Xénomorphe et Sapristi, voilà que dans la pédale est soudé entre le jack d'entrée et le switch un vulgaire cuivre standard. Switch d'ailleurs chinois à 5 euros, (ouiiii même dans ta Klon, ta Vemuram et ta Toneczar DAMNED !) quand il ne s'agit pas d'une pédale bufferisée où une partie du signal continue à transiter par de vilains transistors même pas boutique ni vintage. Décidément les gens ne font pas d'efforts.

En plus c'est même pas du point to point. Comment ose-t-on vendre ça à l'élite guitaristique ?

3- Les circuits numériques

Bien évidemment, il existe pire dans l'inconscient guitaristique qu'un switch de mauvaise qualité : un EFFET NUMERIQUE *cris de film d'horreur*. Ceux-ci ont en effet la très mauvaise habitude de convertir le signal en chapelet de 0 et de 1, oubliant au passage toutes les informations qui pourraient se trouver entre 0,0001 et 0,9999…eh bien évidemment comme si ça ne suffisait pas, les convertisseurs sont tous accompagnés de circuits analogiques d'entrée et de sortie, qui eux aussi affectent le son !

Pourquoi ce n'est pas grave ?

Allez, arrête d'hyperventiler devant tout ce qu'on vient de constater ! Je vais te dire une chose qui est importante : OUI, même si tu mets en série 3 pédales avec un buffer de m**de, 5 true bypass, et ensuite deux racks numériques en série, le tout câblé avec du stougg en plastique jaune à 50 centimes le patch, TU VAS POUVOIR JOUER, TU VAS POUVER T'EXPRIMER et faire craquer la petite que tu as repérée dans le public depuis 10 minutes. Coquin.

 - Parce qu'une perte d'aiguës, ça peut se compenser à l'ampli ou à l'EQ.
 - Parce qu'une perte de dynamique c'est tout relatif : en studio ça se verra peut-être jusqu'à ce que ton ingé compresse, en concert personne ne verra la différence.
 - Parce que oui quand tu fais un test A/B avec la guitare direct dans l'ampli tu peux entendre une différence, mais que quand tu fais de la musique, tu n'es pas en train de faire des comparatifs.

Ce que je veux dire, c'est que c'est une bonne chose de rechercher le "meilleur son possible" évidemment, mais que cela ne doit pas être un écueil à la créativité, ni quelque chose qui finit par te prendre plus de temps que jouer. Nos ennemis s'appellent fiabilité douteuse, buzz, parasites, sacs de nœuds, mais -1 db sur la fréquence de 10kHz pour pouvoir enfin utiliser la whammy dont le son trotte dans ta tête pour ton super génial nouveau morceau, non ce n'est pas cher payé ! 

Surtout que quand même depuis les années 70/80 on a fait beaucoup de progrès dans la conception du matos. Alors s'il était convenable pour un Steve Vai ou un Zakk Wylde de chaîner 10 racks "bouffe-son" dans une armoire bourrée de câbles, de dire "fuck it" et de coller l'ampli à 11, c'est faisable pour toi aussi, non ?

Les Solutions

Après t'inquiète, je ne suis pas en train de démissionner et de te dire que tu dois faire n'importe quoi. Il y a quand même moyen d'améliorer les choses, parfois à moindre effort, donc autant le faire :P

1. BUFFERS ET TRUE BYPASS. Afin de préserver un signal à la fois transparent et d'une force suffisante pour traverser tout le système sans (trop) de pertes, l'idéal est de faire un mélange de pédales true bypass, transparentes donc, avec des pédales dotées d'un bon buffer, voire d'incorporer dans ton rig des buffers spécialisés. L'offre sur le marché est assez pléthorique. Attention toutefois, aucun buffer n'est totalement transparent (puisqu'il "gonfle" le signal en en changeant l'impédance), à toi de voir si la manière dont il le change te convient. Ainsi, par exemple, le RJM Tonesaver a une belle bande passante qui booste les graves et les aiguës, là où un buffer Cornish va donner une attaque plutôt musicale tout en privilégiant certains médiums.

L'ambitieux projet d'un client qui avait vu l'insertion d'un buffer du commerce dans une interface complexe

2. LES CIRCUITS PARALLELES. Souvent, on utilise les effets numériques pour la modulation ou les effets d'ambiance (reverb/delay), donc avec une partie du signal qui doit rester le son d'origine. On peut utiliser des boucles d'effets parallèles ou des line mixer pour éviter que l'intégralité du signal soit numérisé. Il existe là aussi une bonne offre, allant de pédales comme la Xotic X-Blender à des racks de chez Skrydstrup ou Custom Audio par exemple. On notera toutefois que sur certaines machines numériques, des fabricants astucieux (Rocktron, Hardwire, Strymon entre autres) ont intégré un circuit dry analogique afin d'éviter d'avoir à utiliser un circuit externe. On dit merci qui ? (noooooooon je vous vois venir, pas de ça ici !)

Le RJM Mini Line Mixer sert ici à mettre la Bluesky et la Timefactor en parallèle

3. LA QUALITE. Evidemment, au final, il te faudra toujours faire un effort sur la qualité des câbles, des connecteurs et des soudures. Pas besoin d'aller taper dans l'exorbitant, mais évite les Yellow câble et autres Stagg, l'argument de ton cousin "moi j'ai toujours utilisé ça et j'ai pas de soucis" étant quelque peu bancal….

Allez, je te lâche donc un peu la bride jeune padawan, va donc faire chauffer la carte bancaire puisque tu as choisi ton matos, et rendez-vous le mois prochain pour essayer d'alimenter tout ça proprement !

Concevoir et assembler son pedalboard ou son rack - Episode 2 - le chemin du signal