Retour de l'enfer après le festival Hellfest où j'ai pu rencontrer quelques-uns des exposants sur le site du festival. On a parlé guitares, amplis, micros, etc. et je vais vous donner un petit récap' de tout ça. Je vous invite fortement à aller voir, écouter, découvrir le travail très intéressant de ces messieurs bourrés de talent. Pour ce 4ème et dernier volet de l'édition 2019, on retrouve un autre habitué du forum de Guitariste.com en la personne de Gildas de DasViken, un luthier engagé et qui aime partager ses connaissances. On revient ensemble sur son parcours et la philosophie de DasViken Guitars.

Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas encore et nous parler un peu des prémices de la marque ?

Alors je m’appelle Gildas, je travaille pour la marque DasViken que j’ai crée, ce qui veut dire en breton « pour l’éternité ». En fait, sans faire exprès, j’ai découvert que mes guitares devenaient « auth-antique », dans le sens antique vraiment, les guitares se sont assemblées d’elles mêmes à force de travailler dessus, sur un processus où je me suis retrouvé à faire des guitares qui auraient pu être plus vieilles que les premières guitares électriques, juste comme ça par sérendipité (chance, hasard, NDLR) on appelle ça. 

Alors l’aventure a commencé en décembre 2013 précisément, d’ailleurs j’utilise toujours cette blague, DasViken guitare de père en fils depuis décembre 2013, et on me demande toujours qui est mon père, mais mon père est mécanicien donc il n’a rien à voir là-dedans, c’était juste une blague.

Est ce que tu as l’habitude de travailler avec des essences de bois particulières ou est-ce que tu travailles un peu au feeling en fonction de ce qui te tombe sous la main ou de ce que tu aimes le plus ?

En fait j’ai un parti pris qui a été très clair dès le départ quand je me suis installé, qui est de faire des guitares avec le minimum d’empreinte carbone possible et du coup je travaille énormément avec des bois de récupération, un petit peu de bois neufs mais c’est vraiment si je ne peux pas me fournir en récup. Je peux travailler à partir d’une porte d’armoire en châtaigner, du fût de cognac, du noyer déclassé, un fond de stock d’une scierie, etc. J’essaye de valoriser ces bois qui ont déjà une histoire, et qui me permettent de raconter une histoire à la guitare derrière. Donc le client quand il achète la guitare il y a déjà un vécu. Je ne travaille que avec du bois local. En ce qui concerne les bois exotiques, j’ai vécu 2 mois au Gabon en forêt et j’ai vu comment on exploitait le bois et les hommes et pour moi ce n’est pas possible. Du coup mes bois sont collés avec une colle d’os ou une colle de poisson pour les collages bois/métal, je ne travaille pas avec les colles industrielles, je ne travaille pas les vernis polyuréthane, je ne fais que des vernis au tampon s’il m’en faut sinon c’est des finitions à l’huile de lin ou à la cire d’abeille.

 

Ce sont donc des guitares très proches de l’environnement.

Exactement. C’est comme ça d’ailleurs que j’ai réussi à placer une guitare chez Christian Andreu de Gojira, en lui disant "écoute, vous chantez Plastic Bag In The Sea à tous vos concerts, mais vous pouvez pas continuer à jouer sur des guitares avec 3 couches de polyuréthane dessus, faut être cohérent. Et du coup je lui en ai offert une, qu'il a chez lui dans son studio, et qu’il joue pour s’amuser et pour créer.

En ce qui concerne l’électronique, micros, potards, etc., est ce que tu as tes petits favoris ou alors tu testes pleins de choses différentes ?

Alors c’est très simple. Je suis très fidèle à mon fournisseur, ce qui fait que mes micros c’est du SP Custom qui vient du stand d’à côté, ou alors dans le pire des cas si j’ai un soucis, c’est moi qui les bobine, mais y a pas d’autres fournisseurs de micros chez DasViken. Jamais de Seymour, jamais de DiMarzio. En fait je suis anti industriel, ce qui est relativement simple à comprendre. On va produire à l’autre bout du monde des choses qu’on pourrait faire chez nous à la main, et ça je n’en veux pas. Donc la moindre pièce détachée, j’essaye de la faire produire en France. Mais j’y arrive pas encore pour tout, aujourd’hui mes Truss Rod sont encore industriel, mais j’ai trouvé un filon avec un collègue luthier, Kraken, qui est en Alsace et qui m’a indiqué un artisan, donc je vais pouvoir faire faire mes Truss Rod. Les boutons de potard je les fais moi même ou avec mon collègue de Alkemy, les chevalets et les cordiers sont usinés à Nice, dans des métaux nobles, et rien qu’avec les usinages qu’on fait et les fabrications de pièces sur mesure, je récupère 20 db dans les graves et 6db dans les médiums. C’est juste hallucinant car du coup on remet la lutherie au niveau acoustique des micros alors que d’habitude le débat c’est sur telle guitare je mets quel micro ? Là, on commence par monter la guitare, on met les cordes à vide et après on décide de ce qu’on va mettre comme micro dessus pour que ça aille avec, car on a retrouvé un équilibre.

Est-ce que tu mets toujours à peu près le même temps pour fabriquer une guitare ou ça dépend des modèles ?

Çà  dépend vraiment des modèles effectivement. Là je commence à travailler depuis un moment sur des assemblages avec une table et un dos, qui sont collés sur un cœur pour le corps et entre les deux j’ai une lame d’aluminium et ce processus là me prend énormément de temps. Le recyclage des bois, le retraitement des bois prend aussi beaucoup de temps. Sur les guitares en douelle de fût de cognac, j’ai forcément 50 heures de travail de plus pour préparer les douelles pour pouvoir les coller, les mettre en plateau avant de commencer à faire une guitare.

Et ça c’est de la commande de particulier ? D’où ça vient ce genre de chose ?

En fait au départ, j’ai fabriqué une guitare avec ce matériau pour un ami guitariste, et là j’en suis à 7 guitares. Ça marche super bien, la guitare en duelle est très équilibrée au niveau du spectre, avec une légère bosse dans les hauts médium, donc très bien pour le lead. En son clean, on a un équilibre grave/aigu qui est vraiment propre.

 

Tes guitares sont plutôt destinées aux « rockeurs » globalement quand même ?

Oui. Au niveau du look déjà de mes guitares un peu roots, je cible pas mal les mecs qui jouent du stoner, mais ça part aussi dans le post rock, le black, le death. Et dans le blues aussi, car des guitares qui ont l’air d’être patinées depuis 70 ans, 80 ans voir même plus, forcément ça colle très bien avec le blues. Et le grain des micros de SP Custom qui est vraiment vintage comme les premiers humbucker, c’est vraiment « auth-antique ».

Pourrais tu nous donner une fourchette de prix selon les modèles bien entendu ?

Je commence à 2600 euros, j’ai essayé de tirer un peu les prix pour réussir à être à peu près bien placé, mais comme je travaille avec des pièces sur mesures, selon la demande du client, pour réussir à obtenir le son qu’il cherche, au niveau des micros et au niveau de l’accastillage, forcément je ne peux pas descendre en dessous de cette marge là. Après les guitares en duelles de fût de cognac qui demandent plus de travail montent à 4600 euros et c’est à peu près le max chez moi aujourd’hui.

 

Liens utiles :

Hellfest Interview n°4 : Gildas de DasViken