Il est toujours plaisant, lorsqu'on est sollicités à titre de conseil pour une jeune marque en devenir encore à l'état de projet dans un "incubateur de start-up", de voir son évolution et de la retrouver, dix ans après, avec une actu telle que la sortie de l'EXchanger. C'est le cas de Keyztone que nous vous invitons à découvrir ou à mieux connaître à travers le parcours d'Ambroise Périn, le boss , qui s'est prêté au jeu du [Pleins Feux Sur].

Peux-tu te présenter et nous expliquer comment est née Keyztone ?
Hello à toi cher(e) lecteur/lectrice ! Je me prénomme Ambroise et je suis le fondateur de la modeste société Nîmoise Apton, Keyztone étant la dénomination commerciale de cette société, ou plus simplement la marque. Pour ma part je suis originaire de Picardie et je suis Marlois, voilà çà c’est posé! Comment est née Keyztone? Eh bien continue à la prochaine question !

Quel est ton parcours professionnel / technique et ce qui t’a amené à cette activité ?
Alors à la base, j’ai un diplôme d’ingénieur en électronique, enfin en télécom & réseau pour être précis, mais bon on s’en fout. J’ai fait des stages dans des boites comme SCV audio dans lesquelles j’ai appris les bases de l’électronique audio. J’ai fini par atterrir à Nîmes dans la société Fogale Nanotech, spécialisés dans la conception de systèmes de capteur ultra précis pour l’industrie. J’y ai bossé 5 ans, sur des supers projets où on développait par exemple des capteurs pour les télescopes géants, pour les accélérateurs de particule ou les turbines d’avion. Par curiosité, je me suis davantage penché sur le fonctionnement des pickups (qui appartiennent à une catégorie de capteur) et je me suis dit « mais pourquoi il n’y a « rien » de réellement nouveau là-dedans » ? Ca fait quasiment 100 ans que ça fonctionne de la même manière. Et par rapport à ceux que l’on développait à l’époque, techniquement je pensais qu’on pouvait faire mieux.

Et je me suis lancé…..dans la galère…mais qui tourne bien.

Quelles sont tes influences musicales ?
Si je filtre à celui qui m’a donné envie de jouer de la guitare, je dirai Randy Rhoads, enfin un pote de lycée qui jouait du Rhandy Rhoads. La jalousie m’a alors envahi, oui je sais c’est moche. Et puis ensuite, comme beaucoup, des groupes comme Extreme, Led Zep, Megadeth, Metallica... les classiques quoi ! Et tout ce qui était orienté guitar heroes en général. Aujourd’hui, j’écoute de tout, cela dépend de l’état d’esprit du moment et à quoi j’ai envie de rêver.

Quelle a été la première guitare que tu as possédée et te souviens-tu de ses micros ?
Le frère d’un pote m’avait prêté une Squier type Strat à mes tout débuts. A cette époque, je n’étais pas réellement conscient d’avoir des micros et je me concentrais avec bien du mal sur d’autres parties de la guitare à vrai dire.

Et les tout premiers micros que tu as fabriqués, (y compris en « bidouilleur» !) ?
Bizarrement, je n’ai jamais fabriqué de micros, enfin de micros magnétiques ou de pickup j’entends. Par contre, j’en ai démonté (et flingué) un paquet, du rétro engineering destructif en soi.

Si je me souviens bien, tu as fait un passage dans un incubateur d’entreprises il y a quelques années maintenant avant de te lancer. Quel rôle a joué cette expérience dans ton activité actuelle ?
Tu as bonne mémoire. J’ai fait le grand chelem, incubateur, galère, pépinière, galère, accélérateur de startup,… Non sérieusement, l’incubateur t’aide à définir une structure d’entreprise et à te familiariser avec des aspects nouveaux comme le juridique, l’administratif, les aides, les études de marché,…. Mon gros problème, a été plutôt d’ordre technique et la société Fogale, dont j’ai parlé précédemment, m’a beaucoup aidé. En quelque sorte elle a joué le rôle « d’accélérateur de startup ». Ils ont de très bons experts en physique, mathématiques, électronique mais aussi en protection industrielle et en production. Ça permet de gagner beaucoup de temps ou du moins d’avoir l’impression de ne pas trop en perdre et en plus ça permet de se cultiver. Et puis toute la partie orientée business d’entreprise aussi, chose complètement différente.

Le rôle ? Eh bien sans eux, y’aurait pas eu d’Exchanger déjà. Voilà çà c’est posé là aussi!

Tu as commencé par la fabrication de micros guitare, quelles en sont leurs particularités ?

Alors pour être cohérent avec ce que j’ai dit plus haut et d’un point de vue purement technique, je préfère parler de micros magnétiques (ou pickups) pour désigner ceux que l’on connait et de capteurs pour ceux que j’ai développés, sinon c’est le bordel.
Le fonctionnement du premier est basé sur la variation du flux magnétique d’un aimant tandis que le second fonctionne selon un principe de courant de Foucault, c’est en quelque sorte un micro non magnétique puisqu’il n’a pas d’aimant. Qu’est-ce que je disais, c’est le bordel !

Il y a eu tout un processus de développement qui a pris énormément de temps rien que sur la partie capteur. Et il a aussi fallu analyser le comportement des micros magnétiques pour pouvoir proposer des modèles qui tenaient la route.

L’objectif était de proposer un micro multi-voicing où l’utilisateur pourrait choisir le caractère sonore facilement sans avoir à changer de micro. 
En gros l’idée était de développer un capteur large bande, c’est à dire qui réussit à mesurer les vibrations des cordes de manière uniforme, sur une plage de fréquences allant de quelques Hz à 20kHz (grosso modo une réponse fréquentielle plate) afin d’avoir une source neutre en terme de caractère sonore. On applique ensuite toute une série de filtrages reproduisant plusieurs sortes d’empreintes sonores, dont celles des micros magnétiques.


Tu viens de lancer tout récemment, l’EXchanger (que nous allons tester très prochainement), « la pédale qui remodèle vos micros ». Peux-tu nous en parler et de ce qui t’a fait passer des micros aux pédales ?
Bien que les capteurs fonctionnaient plutôt pas mal, on a même fait le NAMM17 avec.
On a eu de gros problèmes d’industrialisation. Pour faire simple, ce type de capteur a vraiment une précision incroyable en terme de mesure ou de détection d’éléments métalliques, sachant que ce que l’on souhaite mesurer, c’est le mouvement de la corde et pas ce qu’il y a autour. Et ça, ce n’est pas aisément compatible avec les tolérances de fabrication des instruments, métrologiquement parlant. Et on n’a tout simplement pas pu sortir le produit avec des coûts compatibles avec le marché (même du très haut de gamme).
On s’est donc retrouvés confrontés à un sérieux problème : qu’est-ce qu’on fait ?? 5 ans d’études foutues en l’air ??
Et puis, l’analyse des micros magnétiques que l’on avait faite durant ces dernières années nous a tendu une solution bien plus simple : il fallait juste ouvrir les yeux. Au lieu de faire un capteur large bande ultra complexe, on va rendre les micros magnétiques large bande. Et ça, on sait le faire.


Donc l’Exchanger, qu’est-ce que c’est ? Eh bien normalement si vous avez suivi, vous avez compris.
 
En gros, c’est un outil qui va aplatir et élargir la réponse fréquentielle de n’importe quels pickups en entrée pour refaire d’autres réponses derrière. Tout se passe en analogique. Il y a 2 réglages qui permettent de peaufiner la correction des pickups en entrée, en fonction de ceux-ci et du câble que vous avez. Et un réglage de level qui normalement est utilisé pour augmenter ou baisser le niveau de sortie des presets en fonction de la pêche qu’a le micro en entrée.
Après vous en faites ce que vous voulez. Un true bypass et un switch pour faire défiler 8 presets qui correspondent à des familles de pickup. Sauf le dernier, que j’apprécie particulièrement, mais qui ne réagit pas toujours bien suivant la configuration matérielle. C’est une sorte de mélange de micro magnétique et de piezo. Si j’ai un exemple à fournir qui illustre ma pensée c’est celui-ci. Pour info, c’est branché dans un Roland Cube sans simu avec un poil de delay et direct dans la carte son.

Quelle est la particularité, la valeur ajoutée de tes fabrications ?
Indépendamment de « marketer » l’Exchanger comme un outil qui permet de faire sonner des micros comme des autres, personnellement j’aime dire qu’il « débride » les possibilités d’un micro (quel qu’il soit), d’où le pickup enhancer!

Le caractère d’un micro ca dépend de lui mais aussi du câble,  du nombre et de la valeur des potentiomètres et du reste branché derrière lui. Et tout ça, c’est imbriqué.

Par exemple, un single coil de 5 Henry avec un câble de 3m (disons 300pF pour un bon câble) va avoir un pic de résonnance autour de 4.1kHz et aura une réponse fréquentielle propre. Et si ce micro est relié à un volume et/ou à un tone, cela altère aussi la hauteur pic de résonnance. Comme tu es obligé d’avoir un micro, un câble et qu’un bouton de volume c’est pratique, eh bien le résultat, il est figé comme cela. Et si tu veux changer eh bien faut changer au moins un élément de cette chaine, sachant que le micro a quand même une bonne part.

Ici l’idée c’est de se dire et bien je ne suis plus dépendant de ce matériel mais j’en fais ce que je veux. C’est un peu comme si on remplaçait virtuellement les éléments (micro, pot, câble, …) qui contribuent à la sonorité globale du pickup. On s’affranchit de ces aspects-là, et cela permet d’aller chercher des réponses fréquentielles et donc des caractères sonores qu’on ne pourrait pas avoir en pratique.
Après l’autre aspect, c’est la correction du pickup d’entrée. ça permet de loger tous micros à la même enseigne, d’un point de vue électronique bien sûr. C’est d’autant plus flagrant sur des pickups bas de gamme, notamment en raison des matériaux utilisés dans leur construction, qui sont sujets à beaucoup de perte dans le haut du spectre par courant de Foucault, ce qui en fait des micros pas folichons !

Ca ne fera pas sonner une strat comme une Gibson, c’est pas du tout le but mais ca permet d’aller chercher le petit plus qui fait la différence, enfin j’espère.

A qui s’adressent tes produits ? Musiciens amateurs, confirmés ou pro ?
Je dirais qu’il faut au minimum être conscient d’avoir des micros et sentir l’utilité des positions manche et chevalet (et intermédiaires). Après le produit s’adresse à tout le monde et pour tout type de guitare.

Comme je le disais plus haut, sur les guitares de basses à moyennes gammes où les fabricants rognent généralement sur la qualité des micros, si la lutherie tient la route, ça le fait. C’est une alternative au changement de pickup.

D’après les demandes que tu reçois, quel profil(s)-type(s) dresserais-tu du guitariste d’aujourd’hui (il peut y en avoir plusieurs !). De par ton expérience, comment résumerais-tu son évolution au fil des années ?
De par mon inexpérience, je me garderais bien de dire quoi que ce soit !

Quelle est ton actu et/ou tes projets à court et moyen terme ?
Le développement d’une gamme autour de l’Exchanger, c’est-à-dire des pédales avec des possibilités de réglage, de sélection et d’enregistrement des modèles, des pédales dédiées à certaines familles de pickup, une correction automatique des pickups d’entrée avec possibilité de « profiler » ses propres pickups.
Et puis on va penser à nos amis bassistes aussi. J’ai quelques idées pour essayer d’amener une autre dimension dans le jeu du guitariste, quelque chose de rigolo mais ça je le garde pour moi pour l’instant.

Quels sont les problèmes majeurs que tu as rencontrés ou que tu rencontres encore depuis le lancement de ton activité ?
Je pense déjà les avoir évoqués. Mais depuis quelques temps je vois les choses différemment, y’ a pas de problème c’est juste des solutions qu’il faut trouver, c’est moins pénible à vivre.

Le mot de la fin, ton message à la communauté de Gcom ?
Alors cela n’engage que moi mais si je reste dans le thème, je dirais pas la peine de faire compliqué quand on peut faire simple, cela marche aussi en musique je pense. Et souvent les choses simples sont les meilleures mais cela demande peut être une réflexion plus compliquée.

Et une phrase que j’aime bien : échoue mais échoue vite !
Bravo si vous êtes arrivés jusqu’au bout et merci.

Liens

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Cette rubrique est destinée à mieux faire connaître les artisans présents en Topic Pro dans nos forums. Si vous souhaitez plus d'infos sur ce service pour être présenté vous aussi en [Pleins Feux sur], écrivez à Caroline à l’adresse caroline[@]guitariste.com (retirez les crochets).

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