"Paroles et Guitares de Luthiers" est le 3ème ouvrage d'Emmanuel Bighelli après Mes Guitares #1 et #2. Ce livre qui sort en librairie le 9 novembre 2019 nous transporte dans les univers très variés de 45 des plus grands luthiers français, ce qui représente une véritable aubaine pour les guitaristes que nous sommes et une très bonne idée cadeau à l'approche des fêtes ! Le tout est bien entendu accompagné de magiques clichés mettant en valeur leurs instruments.

C'est au Festival Guitare Issoudun qu'Emmanuel Bighelli est venu dévoiler en avant-première son nouveau livre intitulé "Paroles et Guitares de Luthiers" qui sort officiellement le 9 novembre 2019 en librairies et autres points de ventes habituels. Ça tombe bien puisqu'une dizaine des 45 luthiers mis en avant exposaient eux-même sur le salon ! Vous pouvez d'ailleurs profiter de votre prochain passage chez le luthier pour un réglage ou une commande afin de vous en procurer un exemplaire (ou plusieurs!).

Le livre reçoit 2 préfaces de Jean-Félix Lalalnne et Biréli Lagrène puis débute sur une présentation des bois de lutherie les plus fréquemment utilisés. Viennent ensuite les 45 chapitres avec une trame de questions similaires pour connaitre le parcours des luthiers en tant qu'artisans, musiciens et passionés. Ils détaillent ensuite leurs gammes d'instruments et confient le regard qu'ils portent sur leur métier. Plutôt qu'une lecture de la première à la dernière page, j'ai pris un réel plaisir à feuilleter au hasard, à m'arrêter sur une photo ou un nom, ou encore à prendre une question en particulier pour voir les réponses de chaque luthier. Bien souvent elles sont très variées sur un même thème, et parfois elles vont vers une quasi unanimité comme par exemple l'admiration et le respect pour le travail de Franck Cheval, Alain Quéguiner ou Maurice Dupont notamment. C'est aussi l'occasion de (re-)découvrir une nouvelle génération de luthiers.

La grande famille de la lutherie

Bien qu'étant concurrents, les luthiers forment une grande famille solidaire avec de nombreux partages, échanges de conseils entre collègues et admiration commune. On pourrait presque dresser un arbre généalogique de ceux qui ont suivi des stages ou des formations chez tel ou tel autre confrère. D'autres préfèrent tracer eux-même leur propre chemin et/ou cherchent à se démarquer de la lutherie traditionnelle pour explorer de nouvelles possibilités avec notamment l'utilisation de matériaux alternatifs au bois. Cette grande richesse offre d'autant plus de choix aux musiciens que nous sommes.

Les luthiers (par ordre alphabétique) : ALD, Jean-yves Alquier, Alexandre Bouyssou, Stefan Barrillon, Richard Baudry, Emeric Beaujouan, Marc Boluda, Benoit de Bretagne, Morgan Briant, Pierrick Brua, Christelle Caillot, Yoann Charbonnier, Guitares Chatelier, Franck Cheval, Roger Daguet, Eric Darmagnac, Thomas Dauge, Gerard Defurne, DNG, François Druet, Didier Duboscq, Maurice Dupont, Vincent Engelbrecht, Thomas Fejoz, Tony Girault, Christophe Grellier, Florian Jégu, Fred Kopo, Rémy Larson, Jean-Jean Noel Lebreton, Mike Lewis, Loic Le Pape, Christian Magdeleine, Tom Marceau, Meloduende, Benjamin Paldacci, Antoine Payen, Romuald Provost, Alain Queguiner, Julien Régnier-Krief, Laurent Hassoun (Roadrunner), Gaëlle Roffler, Jérôme Zambar (Skelter Guitars), Mikael Springer et François Vendramini.

Les témoignages : Pierre-Marc Martelli (Mojo Guitars), Norbert Krief, François Sciortino, Julien Bitoun, Tomas Gubitsch, Richard Bonnet, Jean-Michel Kajdan, Michel Haumont et Scott Holiday, guitariste des Rival Sons.

En vente en librairie dès aujourd'hui et sur Amazon, Fnac, Cultura dès le 9/11.

Vous pouvez également consulter les chroniques de Gcom sur les autres publications d'Emmanuel Bighelli aux Editions Ouest-France à savoir : 

L'interview d'Emmanuel Bighelli : 

Félicitations Emmanuel pour ce très bel ouvrage et les superbes illustrations qu'il contient. Comment s'est passée la collecte d'informations et de photos ? Es-tu allé à la rencontre des 45 luthiers dans leurs ateliers ? 

Emmanuel Bighelli : J’aurais adoré faire un tour de France et aller à leur rencontre évidemment, mais étant basé à ma Marseille et ayant une activité professionnelle très prenante en parallèle, cela m’était impossible. Fort heureusement, la rédaction de mes 2 livres précédents (Mes Guitares #1 et #2) m’a prouvé que l’on pouvait tout à fait réaliser des interviews à distance, au téléphone ou par Skype. J’ai été en contact permanent avec les luthiers, nous avons fréquemment échangé, ils ont été très disponibles et je les en remercie ! Quant aux photos présentes dans le livre, je tenais absolument à publier celles des luthiers car cela me permettait de respecter leur identité et de mettre l’accent sur la diversité de leur style et surtout de leur « philosophie ». 

On observe une grande diversité d'univers de lutherie au fil des pages : électriques, classiques, folks, archtops, à résonateur, une approche tantôt traditionnelle tantôt novatrice… Quels étaient les critères de sélection des 45 luthiers parmi les centaines que nous comptons en France ? 

E. B. : C’est LA question du moment depuis la publication du livre... On dénombre aujourd’hui plus de 500 luthiers en France et en isoler 45 était évidemment extrêmement difficile. Comme tu le dis, mon objectif premier était d’illustrer la diversité des styles. Je souhaitais aussi mettre en lumière la nouvelle génération d’artisans qui est apparue depuis le dernier ouvrage publié sur le sujet, à savoir l’excellent Guitares et Luthiers d’En France. C’est ce qui, selon moi, fait la richesse du livre : passer d’un univers à un autre, d’une approche traditionaliste à une autre totalement novatrice effectivement, avec des luthiers très connus et d’autres moins. J’ai essayé de restituer un panorama assez complet de la lutherie en France en 2019 mais je ne pouvais pas être exhaustif. S’il existait un indicateur de performance de la lutherie, ça se saurait... On est sur du subjectif,  il y a donc une part d’arbitraire que je ne nie pas et qui me semble incontournable lorsque l’on réalise un ouvrage de ce type. Mais je peux affirmer sans risquer de me tromper que les luthiers choisis ont en commun un immense talent dans la réalisation de leurs instruments. Christian Séguret, qui a assuré la supervision de cet ouvrage au sein des Editions Ex-Aequo, a pleinement respecté mes choix et je l’en remercie !

Le livre est à peine sorti mais prends-tu déjà les candidatures pour le volume 2 ? 

E. B. : Cela me semble un peu prématuré ! J’aimerais dans un premier temps profiter de sa diffusion, voir quelles sont les réactions et évaluer si une suite est réellement souhaitable... et souhaitée ! J’ai eu la chance de le présenter officiellement en avant-première lors du dernier festival d’Issoudun et j’ai été très touché par les marques de sympathie des luthiers et guitaristes présents. Je crois qu’un ouvrage de ce type était très attendu, j’espère qu’il trouvera son public, ce qui semble déjà être le cas.

En leur posant sensiblement les mêmes questions, tous ont été mis sur un pied d'égalité (ou Ex Aequo comme dirait ton éditeur). As-tu été surpris par certaines réponses ? Par leurs différences d'opinion ou au contraire leur convergence sur certains thèmes ? 

E. B. : Pas forcément surpris mais on ressent très clairement que les luthiers de 2019 sont en phase avec les grandes problématiques environnementales de notre époque. C’est un élément assez récurrent dans leurs réponses. Jean-Yves Alquier et Fred Kopo sont parmi les fers de lance dans ce domaine. Au risque de te surprendre, au-delà des positionnements stylistiques, j’ai été très intéressé par les réponses donnant un éclairage nouveau sur les hommes et femmes – ne les oublions pas – interrogés. Par exemple sur leur pratique de l’instrument, sur les musiciens pour lesquels ils aimeraient réaliser une guitare, sur leurs instruments personnels, sur les étapes de fabrication qu’ils préfèrent ou sur les confrères luthiers qu’ils apprécient particulièrement. Des informations que l’on n’a pas généralement et que j’avais envie d’obtenir. Et qu’il a fallu aller chercher car les luthiers n’aiment pas forcément parler d’eux et sont en général très discrets. Mais ils se sont finalement prêtés au jeu...

Dans ton introduction tu soulignes sous forme de question rhétorique que les luthiers sont autant des artisans que des artistes. Les nombreuses photos du livre te donnent bien entendu raison. Mais les paroles des luthiers m'ont semblé plus axées sur la mécanique de la lutherie remettant l'instrument à son rôle premier : celui d'un outil au service du musicien. Qu'en penses-tu ? 

E. B. : À titre personnel, je pense qu’il serait très réducteur de considérer les guitares de luthiers comme de magnifiques objets formidablement bien construits. C’est le cas, évidemment, mais si elles n’étaient que cela, elles n’atteindraient pas leur objectif. Alors oui, elles sont aussi et surtout des outils, car ce mot n’est pas du tout péjoratif à mes yeux. Un musicien, quel que soit son niveau, recherche avant tout un son et un confort de jeu, un outil, donc, qui lui permettra d’exprimer au mieux sa sensibilité artistique et sa fibre créatrice. Comme le dit Jean-Félix Lalanne dans sa préface, « un instrument, par son toucher, par la couleur de sa sonorité, parfois même par sa forme et donc la position qu’elle nous impose, est le déclencheur de nos idées ». Tout guitariste ne peut qu’être d’accord avec ce point de vue. Les luthiers, eux, sont dans une quête perpétuelle de qualité, d’excellence, pour parvenir à l’instrument parfait qui sera précisément le déclencheur des idées du musicien. Ils sont donc concentrés sur leur mission, sur l’essentiel... 

En parlant de musiciens, plusieurs témoignent dans le livre dont Jean-Félix Lalanne et BiréliLagrène. Ce dernier ne t'en a donc pas tenu rigueur de ne pas avoir été interviewé sur tes précédents livres Mes Guitares #1 et #2 ?

E. B. : Jean-Félix Lalanne et Biréli Lagrène m’ont fait l’honneur d’une préface, et je leur en serai éternellement reconnaissant car ce sont deux immenses musiciens pour lesquels j’ai le plus grand respect. Pour l’anecdote, Biréli faisait partie des guitaristes que je souhaitais absolument interviewer dans mes ouvrages précédents mais je ne suis jamais parvenu à entrer en contact avec lui, il ne peut donc pas m’en vouloir ! J’ai eu plus de chance cette fois-ci et j’en suis très heureux. Quant aux autres musiciens présents dans le livre, leur parole était importante car je tenais à illustrer aussi la démarche d’un guitariste face à un luthier. On est au-delà d’une relation commerciale et bien davantage sur un accompagnement artistique sur le long-terme, comme c’est le cas pour Norbert « Nono » Krief, par exemple, qui possède plusieurs guitares Loic Le Pape ou Tomás Gubitsch qui joue depuis longtemps sur des Archtops de Gérard Defurne.

La question piège : pour la couverture n'aurait-il pas été plus "facile" de choisir la guitare d'un luthier absent du livre pour ne pas faire de jaloux ? 

E. B. : Ah... La couverture ! Sujet sensible ! (rire) Il ne s’agissait pas de ménager les susceptibilités mais de marquer les esprits et de « vendre » du rêve, de donner envie. Je pense que cette photo du dos d’une parlor « 1868 » de François Vendramini, dans un sublime noyer, joue pleinement son rôle et de nombreux luthiers m’ont d’ailleurs félicité d’avoir fait ce choix ! J’en profite pour remercier le photographe Richard Storchi pour ce magnifique cliché.

Comment as-tu découvert cet univers ? Possèdes-tu des guitares de luthier(s) toi-même ? Si oui, s'agit-il d'instruments finis que tu as achetés ou d'une commande spécifique? Quelles en sont les particularités ?

E. B. : Je suis passionné de guitare depuis mon plus jeune âge. En Corse, d’où je suis originaire, il y a une guitare dans chaque maison, notamment un grand nombre de modèles manouches Favino. Mon père en possédait une, un modèle Macias, qu’il m’a donnée et que je possède toujours. Jacques Favino m’a toujours fasciné et c’est par cette guitare que j’ai découvert cet univers. Je m’étais promis de m’offrir une guitare de luthier et j’ai réalisé ce rêve pour mes 40 ans, en 2010 : une magnifique OM deep body épicéa suisse – palissandre de Madagascar avec soundport sur l’éclisse, réalisée par Emeric Beaujouan. J’ai choisi chacun des éléments qui la composent, les bois bien sûr, mais aussi le préampli, les mécaniques Waverly, le tour de table en herringbone, la fine rosace en nacre, etc. C’est un instrument absolument extraordinaire dont je ne me séparerai jamais. Elle a un manche parfait et, surtout, elle excelle dans tous les styles que j’affectionne. Elle a été rejointe depuis peu par une nylon CFN28 custom réalisée par Maurice Dupont, épicéa / Ovangkol, avec un pan coupé vénitien, équipée d’un micro à condensateur MiSi. Là encore, une guitare assez magique. J’ai beaucoup de chance !

Emmanuel Bighelli donne la parole aux luthiers