La 6ème édition du Salon de la Belle Guitare se tenait à Montrouge en ce premier week end du printemps. Après deux éditions en demi-teinte, le salon a retrouvé des couleurs en enregistrant une hausse de la fréquentation grâce à la présence de 72 exposants luthiers en guitare acoustique et électrique, fabricants d'amplificateurs, fabricants d'effets et pour la première fois au Beffroi de Montrouge quelques grandes marques du monde de la guitare et une large place faite à la guitare classique avec 17 exposants dans l'espace du Grand salon au premier étage.

Pour des raisons sur lesquelles nous ne nous attarderons pas, les deux précédentes éditions du Salon de la Belle Guitare de Montrouge n'avaient pas franchement convaincu. Nombre de luthiers avaient déserté le salon entraînant une diminution très nette de la fréquentation. Mais cette édition 2018 devrait redonner le sourire à tout le monde : organisateurs, luthiers et public.

Pour renouer avec le succès, la solution est partie d'une idée relativement simple qui s'est imposée à Jacques Carbonneaux alors qu'il observait ses deux instruments. Si lui, guitariste, possède une guitare du luthier Alain Quéquigner et une guitare Martin, alors pourquoi des instruments d'artisans-luthiers et de grandes marques ne pourraient-ils pas cohabiter dans un salon de la guitare ?

En d'autres termes, les guitaristes peuvent potentiellement s'intéresser aux guitares de marques comme aux guitares de luthiers.

Donc, pour mettre en avant le travail des luthiers un salon de la guitare rassemblant marques et artisans-luthiers est peut-être  une idée tout aussi raisonnable que celle d'un salon de lutherie ! Logique, simple et efficace...

 

Durant tout le weekend du 23 au 25 mars, les visiteurs du Salon de la Belle Guitare ont ainsi pu fureter dans les allées, allant des guitares Martin aux guitares Boucher en passant par les instruments Lowden, Cheval ou Kopo, assister à une quarantaine de concerts de démo gratuits, par des musiciens professionnels reconnus, sur les guitares exposées au salon, aux conférences, et à 3 soirées de concerts exceptionnels. Au total, environ 90 exposants de 11 pays différents, avec une nette prédominance de luthiers français, étaient réunis pour montrer de bien belles créations.

Le mélange a fonctionné. Après tout, ces acteurs de la guitare œuvrent tous dans la même direction, concevoir des instruments qui permettront à nos petites mains de faire de la musique. Les moyens et les chemins, eux, sont très différents et les résultats sont à l'avenant...

D'une manière générale, les luthiers sont bien plus libres que les marques dans leur interprétation de l'instrument. Qu'on parle de construction ou d'esthétique, une compagnie comme Martin & Co a posé quelques unes des bases les plus solides de la lutherie acoustique. Les luthiers se les sont appropriées pour mieux jouer avec et proposer des variations sur des thèmes souvent splendides. Dans le domaine de la guitare électrique, la liberté des luthiers est encore plus grande et les marques se distinguent parfois par des tentatives très audacieuses. C'est ce qu'on a pu voir dans les allées du Salon de la Belle Guitare... Un savoir-faire qui pousse les uns et les autres dans des directions parfois très audacieuses, parfois très traditionalistes.

La diversité crée des contrastes. Voilà ce que j'ai le plus aimé dans cette édition 2018 du Salon de la Belle Guitare, les contrastes tantôt subtils, tantôt gigantesques qui distinguent les productions des uns et des autres, luthiers et marques. Il y en a pour tous les goûts.

Les luthiers Mike Lewis de Fine Resophonic et Jean-Marc Tizon de JMT Résonateur, par exemple, fabriquent tous deux des guitares à résonateurs. En cela, ils s'inscrivent l’un et l’autre dans une histoire initiée par John Dopyera avec les marques National et Dobro, mais là où Fine Resophonic propose de instruments très fidèles à une certaine tradition, JMT s'en éloigne en affichant des designs plus aventureux.

Le constat est le même lorsqu'on s'attarde sur les guitares acoustiques. Même si je n'ai pas vu de nouveauté renversante du côté des guitares folk, force est de constater que c'est un monde entier qui sépare les guitares Martin de celles de Kopo. On oscille entre respect scrupuleux des standards lancés il y a plus d'un siècle par C.F. Martin et démarche plus aventureuse tant dans le design que la fabrication ou les essences de bois.

En parlant des bois, la dimension écologique et éthique commence à être très présente dans la démarche des luthiers. Les bois tropicaux sont menacés et de plus en plus protégés. Plutôt que jongler cyniquement avec les réglementations, certains luthiers choisissent de se passer de ces bois dans leur activité.  Parmi les exposants du salon, on citera l'exemple de la gamme de guitares Ethiq du luthier Jean-Yves Alquier. Déjà connu pour son travail en matière de design, Alquier a décidé d'utiliser le bambou comme alternative aux bois tropicaux. Ce faisant, il est en passe de s'affranchir de quasiment tous les standards de la guitare électrique pour donner naissance à des instruments originaux et uniques. Ce n'est évidemment pas le seul à être dans cette démarche éco-responsable mais il est de ceux qui poussent le curseur le plus loin.

Certains luthiers s'affranchissent partiellement de l'utilisation du bois en le remplaçant par d'autres matériaux. Les lecteurs de Guitariste.com connaissent Loïc Le Pape et ses guitares en acier. Parmi ses créations les plus récentes on trouve des instruments dans la lignée de ce qu'il produit depuis ses débuts, à savoir des guitares de type SG ou Jazzmaster, avec une très forte identité punk. Cependant, il présentait aussi quelques guitares de sa toute récente gamme 1946 et 1949 qui indiquent que le luthier cherche de nouvelles directions à explorer.

Certains exposants ont même commencé par de nouvelles directions, directement. C'est le cas de Lamina Guitars venu tout droit d'Italie pour présenter ses guitares faites de couches d'aluminium superposées autour d'un noyau en érable. Le résultat est une guitare à l'allure futuriste malgré un design proche des standards que l'on connaît.

Enfin, ce Salon De La Belle Guitare était l'occasion d'essayer un instrument qui annonce qu'on n'a pas fini d'innover dans le domaine de la guitare en dépit de ce qu'on veut bien croire. La guitare HyVibe ne peut qu'être qualifiée de guitare augmentée. Pour résumer simplement son fonctionnement, c'est une guitare électro-acoustique qui utilise sa propre table d'harmonie comme enceinte pour amplifier le son qu’elle renvoie grâce à un système de contrôle des vibrations. Un essai rapide m'a plus que convaincu de la qualité et l'intérêt de cette innovation guitaristique ! Non seulement la guitare elle-même est une bonne guitare acoustique mais en plus les possibilités ouvertes par le système sont intéressantes. La HyVibe embarque sa propre section effets (chorus, reverb, phaser, distorsion, etc...), un enregistreur/looper et sa connection bluetooth permet de lui faire jouer des playbacks pour s'accompagner. Guitariste de rue, de plage ou en canapé... voilà une guitare qui devrait avoir quelques atouts pour vous séduire.

 
Il me serait impossible de faire un tour exhaustif de tous les exposants de ce Salon de la Belle Guitare. Il y a un monde entre les clinquantes Duesenberg et les surprenantes guitares Nemeton et leur table en pierre de lave... Un monde que le festival Guitares au Beffroi nous invitait à explorer.

Le Salon de la Belle Guitare à Montrouge