cdmat76 a écrit :
En fait ce qui m'embête c'est que le discours (le tien ou celui de Dawkins qui sont 2 discours différents) est orienté en se drapant derrière une pseudo rigueur scientifique du raisonnement qui est à mes yeux complètement fausse.
J'admets bien volontiers que la rédaction du post que tu as cité a été franchement baclée. Je vais essayer de l'améliorer.
Tu me dis que le sentiment de l'amour n'est pas mesurable scientifiquement, qu'il n'est pas possible de l'étudier objectivement et qu'à travers ce simple exemple ma position intellectuelle se trouve fragilisée, je pense que tu as tort.
_ les sciences humaines (la psychologie, la sociologie, l'histoire, l'anthropologie...) et les sciences "dures" (sciences du cerveau avec la conception évolutionniste de la cognition...) peuvent prendre pour objet ce sentiment et elles ne se gênent pas, même si leurs résultats ne s'expriment pas "en dB en Pascal ou en Newtons".
_ la littérature offre aussi de très nombreuses tentatives de descriptions de ce sentiment (on peut penser à "La Recherche..." du vieux Marcel ou aux atermoiements de Jayne Austin, personnellement je préfère l'extraordinaire "Homme sans qualités" de Musil...)
Je ne sais plus qui parlait d'éprouvettes et d'expériences en laboratoire pour caractériser la science, c'est caricatural tu peux le reconnaître.
Etablir des inférences correctes est déjà une propriété de la pensée rationnelle.
Ce qui me perturbe dans ton recours à l'introspection pour juger d'un sentiment, c'est qu'elle n'est pas forcément le meilleur moyen de connaître celui-ci.
L'accès direct et clair à ses propres pensées à travers l'introspection est souvent menacé par l'illusion.
Qu'est-ce qu'une illusion?
Ce n'est pas forcément une erreur, elle n'est pas forcément fausse, irréalisable ou en contradiction avec la réalité. Avec Freud, j'appelle illusion une croyance dans laquelle la motivation, l'accomplissement de souhait vient au premier plan et je fais là abstraction de son rapport à la réalité effective, tout comme l'illusion elle-même refuse à être accréditée. Pour citer encore le père Sigmund: "Le secret de sa force, c'est la force de son souhait."
cdmat76, tu peux admettre que le travail scientifique est pour nous la seule voie qui puisse mener à la connaissance de la réalité extérieure à nous. Pour la réalité "intérieure", c'est pure illusion que d'attendre quoi que ce soit de solide de l'intuition et de la plongée en soi-même.
A ce sujet , l'intériorité et ses mystères, je me demande pourquoi le forumeur "Ludwig Wittgenstein" ne nous a pas encore rejoint et apporté ses lumières. Je suis très "fan" du "deuxième" Wittgenstein (et aussi du travail de commentaire de Jacques Bouveresse...) moins du premier (je reste persuadé que le "Tractatus..." est plus une blague de potache surdoué qu'autre chose).