Blue Moon a écrit :
Oui sauf que je n'aime pas Charlie Hebdo, et encore moins Caroline Fourest, je suis bien désolé d'aller à l'encontre de ta bonne volonté (dont je suis très reconnaissant !)
Citation:
Todd est banal! Cette phrase elle-même peut sembler banale, mais pour beaucoup, dont je suis, elle est une sorte de révélation. Avant cela, je conservais du démographe, malgré ses errances, l'image d'un esprit pointu, pertinent, marginal parce que brillant, égaré parce que soucieux de sortir des sentiers battus. Mais le plaquage de modèles surannés, dont il est parfois l'auteur, comme le modèle «des deux France» et parfois pas, «comme l'approche wébérienne», sur une France en mutation constante, et dont la dynamique sociétale échappe à tous, est d'une atroce banalité. Scolaire! L'esprit impertinent et presque génial se transformerait-il avec le temps en étudiant de licence en sciences humaines, appliqué et féroce?
Todd se heurte de plein fouet à l'aridité de l'édifice mathématique, cette «science reine» à laquelle toutes les «sciences humaines» sont dévouées corps et âme depuis un siècle et qui a rendu si peu de services en retour pour comprendre la société. Car qu'est-ce qu'un chiffre face à un cœur qui bat, à la fluidité d'une pensée? La machine à fabriquer du chiffre, quel que soit l'acronyme institutionnel dont elle est affublée, est aujourd'hui en roue libre, notamment parce que le sens qui devrait permettre d'interpréter le chiffre, de lui ôter son masque d'évidence pour découvrir son vrai visage, s'est évaporé. Parce que les esprits se sont rétrécis, celui de Todd y compris, jusqu'à croire que la mathématique excelle partout, jusqu'à croire que la neutralité axiologique wébérienne fait office de loi. Non, il n'y a pas d'objectivité dans les chiffres de l'INSEE interprétés par Todd. Il n'y a qu'un point de vue ridiculement partisan, qui n'en dit pas plus long sur la vie réelle qu'une conversation de bistrot. Todd annonce dans une interview récente avoir «mobilisé quarante années de recherche». Gage de qualité? Disons gage d'impuissance. Autant de conneries après quarante ans de recherche c'est presque une invitation à une retraite anticipée.
Comment croire en effet qu'une série de chiffres pourrait révéler de façon scientifique que la République - quand bien même on l'affublerait du préfixe «neo» - se résumerait à un anti-dreyfusisme et à Vichy, et que les personnes présentes dans les rues le 11 janvier ne seraient qu'amas d'antirépublicains et de «catholiques-zombies»? Un propos si caricatural a au moins l'avantage de mettre en évidence l'impossibilité de comprendre à la fois ce qui rassemble une nation et ce qui la divise en se limitant à des compilations de bases de données, à des tableurs Excel, et à des calculs statistiques pouvant éventuellement impressionner un lycéen mais guère davantage. Car la réalité à laquelle Todd fait référence n'existe pas. La France qu'il décrit est une chimère. Et son approche n'a rien de scientifique mais confine à une idéologie de la plus belle eau.