Lao a écrit :
Comme l'a écrit Camus « Mal nommer les choses, c'est ajouter aux malheurs du monde. Ne pas les nommer, c'est nier notre humanité ».
Comme il ne l’a jamais écrit, justement…
Les prétendus dictionnaires de citations disponibles sur le Net se reproduisent les uns les autres, erreurs comprises, et nous prennent au piège.
L’exemple de cette position de Camus très mal triturée par lesdits recueils de citations est pourtant assez bien connu.
Pour rétablir une vérité propre à Camus, voilà comment je la lis à nouveau et la cite, très exactement, dans un contexte un tant soit peu élargi, et sans aucune coupure interne, d’après le volume 1 de ses
Œuvres Complètes dans La Pléiade (éditions Gallimard), quelque part entre les pages 901 à 910 :
«(…) la critique du langage ne peut éluder ce fait que nos paroles nous engagent et que nous devons leur être fidèles. Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde. Et justement la grande misère humaine qui a longtemps poursuivi Parain et qui lui a inspiré des accents si émouvants, c'est le mensonge. Sans savoir ou sans dire encore comment cela est possible, il sait que la grande tâche de l'homme est de ne pas servir le mensonge.»
Ce texte passionnant de Camus à propos du philosophe Brice Parain s’intitule, d’ailleurs,
Sur une philosophie de l’expression.
Il a paru originellement, en des temps, nous dirons, "troubles", sinon "troublés", dans la revue
Poésie 44, en janvier-février 1944»
Dans
L’homme révolté, en 1951, Camus reviendra sur cette question essentielle pour lui :
« La logique du révolté est de s'efforcer au langage clair pour ne pas épaissir le mensonge universel »
Le diable est dans les détails, le bon dieu aussi, diront certains.
«Wir leben unter finsteren Himmeln, und –es gibt wenig Menschen. Darum gibt es wohl auch so wenig Gedichte. Die Hoffnungen, die ich noch habe, sind nicht groß. Ich versuche, mir das mir Verbliebene zu erhalten. »
Paul Celan, 18 mai 1960, Lettre à Hans Bender.