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Le rappeur Disiz La Peste prône l'arrêt des violences et le dialogue
PARIS (AFP) - Le rappeur Disiz La Peste, issu du quartier des Epinettes à Evry (Essonne), souhaite l'arrêt des violences dans les banlieues et, en prenant soin d'éviter tout manichéisme, prône le dialogue entre des jeunes en butte à la ghettoïsation et le reste de la société française.
"J'aimerais dire à ces jeunes d'arrêter les violences: brûler des voitures, des écoles, c'est à nous que ça fait du mal, car ça se passe en bas de chez nous. On risque de monter contre nous les ouvriers, les prolétaires de banlieue, qui vont avoir des réactions normales de peur", explique à l'AFP ce rappeur de 27 ans dont le dernier album, "Les histoires extraordinaires d'un jeune de banlieue" (Barclay/Universal), est sorti trois jours avant les premières violences à Clichy-sous-Bois.
Si Disiz dit ne pas être choqué par l'instauration d'un couvre-feu, il l'est davantage par la décision du gouvernement d'abaisser l'âge de l'apprentissage à 14 ans.
"Ca nous marginalise encore, ça nous éloigne de l'école", affirme ce jeune homme qui dit avoir été "beaucoup aidé par la lecture".
Interrogé sur les termes utilisés par le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, dont celui de "racailles", le rappeur estime que "c'est un faux problème, de la sémantique".
"Il doit donner l'exemple, mais changer de ministre ne règlera pas les problèmes de fond, ça ne nous fera pas entrer en boîte ou avoir plus de représentativité".
"J'appellerais plutôt à des marches pacifiques entre République et l'Elysée, estime-t-il. Gandhi et Martin Luther King ont changé les choses dans la paix".
Même s'il "n'excuse en rien la violence", Disiz La Peste, né d'un père sénégalais et d'une mère originaire du Nord de la France, estime "qu'il existe des raisons", au premier rang desquelles les discriminations.
"Les problèmes existent depuis longtemps. J'ai grandi en France avec une mère blanche aux yeux verts, mais plus jeune, quand j'allais en boîte ou que je me présentais pour un emploi, on ne voyait pas mon côté français", souligne Disiz, dont le vrai nom est Sérigne M'Baye.
"Après, je traînais en bas de chez moi, se souvient-il. Certains commencent alors à être prisonniers du hall, du shit, n'ont plus de rêves et finissent par baisser les bras".
"C'est ce que je reproche à ceux qui nous ont laissés pour compte, mais je reproche aussi des choses à ceux qui vivent en banlieue", souligne-t-il, en dénonçant une certaine "démagogie de rue": "Aller au Sénégal pour la première fois à 19 ans a changé ma vision des banlieues. C'est une chance d'être en France, même si les choses sont plus dures pour nous et qu'il n'y a pas d'égalité des chances".
"Il faut traiter les problèmes de fond, estime-t-il. La France doit apprendre à dire pardon car il y a une plaie béante, chez la communauté immigrée de troisième génération, par rapport à la colonisation en Afrique. Mais les jeunes doivent aussi apprendre à dire merci, à se dire qu'être en France, c'est une chance".
Selon lui, "il faut revaloriser les jeunes de banlieue", qui souffrent d'un "complexe d'infériorité": "il nous faut plus de représentativité, à la télé, en politique ou à des postes importants. On est vos enfants, les enfants de la République au même titre que les autres, on a grandi ici, acceptez-nous comme tels".
"On doit entendre ces jeunes, même si beaucoup ne savent pas bien s'exprimer, ce qui les complexe, juge-t-il.
Disiz La Peste, dont l'album est imprégné de ce discours mesuré, espère que d'autres personnalités issues des banlieues prendront position. "Et pas uniquement des footballeurs ou des rappeurs", insiste-t-il.