Le groupe c'est moi

Très intéressant, toutes ces différences.

Je pense qu'en effet rien ne vaut le pied total de jouer en live (encore faut-il que ce soit en des circonstances en accord avec la musique - j'ai souvenir d'un concert devant un stand de moto avec des wash-girls... qu'est-ce que j'était allé foutre là, je me le demande encore). Même avec un looper à la place du batteur (pas pour remplacer les vrais sons de batterie, ça c'est peine perdue, et très vain).

Pour moi, le plus dur, ça a été d'accepter de quitter le groupe dans lequel je jouais et pour lequel plusieurs bonnes choses s'annonçaient (concerts, enregistrements, vils flatteurs qui trouvaient que ce qu'on faisait était bien, etc...), mais qui finalement ne correspondait pas à ce que je voulais faire musicalement même si on rigolait comme des baleines, on buvait de la bière et bouffait des pizzas. En fait, ça ne collait plus avec ce que je voulais que la musique m'apporte : j'avais besoin d'écrire les chansons telles que je les entendais.
J'ai donc trouvé des musiciens (pas pros pour deux sous) avec lesquels partager cette musique, et j'ai retroussé les manches.
J'ai bien essayé de jouer avec un batteur (plusieurs même), mais j'ai dû cocher la case "pas de bol", car ça n'a jamais collé. Donc j'ai assumé cet état de fait, et je suis passé à la programmation et autres bruits pour "faire la batterie". C'est sûr que ça donne un cachet particulier au live, mais le tout est de l'assumer, musicalement parlant.

Aujourd'hui, c'est clair, le groupe c'est moi. Ensuite viennent les deux autres. Puis le looper.
Et le plus important, c'est que ça a l'air de convenir à tout le monde.

Peut être que le répertoire que tu jouais t'était imposé ? Si c'était de la balloche, je peux comprendre ta frustration (pour le coup, c'est vraiment le degré zero de l'épanouissement pour un musicien).

Je ne fais pas de bals, ni de Club Med, et je joue les morceaux que j'ai envie de jouer, ça fait sans doute une très grande différence. Et d'ailleurs, en jouant Al Green, BB King, Ike Turner, Eddie Floyd etc. etc. j'ai appris des multitudes de choses, que je n'aurais jamais apprises en restant chez moi à faire mes compos.

Et pour les jams, là encore, tout dépend avec qui tu joues. Si tu joues avec des bons, des meilleurs que toi, tu peux apprendre aussi beaucoup, et directement en étant au charbon...C'est très formateur !!

Quand j'avais 20 ans, j'étais fasciné par les machines, les sampleurs etc. Il m'arrivait même d’échantillonner ma guitare plutôt que de la jouer, c'est dire !!! Aujourd'hui, j'ai vraiment ce désir de quelque chose de plus organique, de plus humain. Un rapport direct avec un instrument, des musiciens, un public. Ça me convient beaucoup mieux. Et entre temps, je suis passé de l'electro à l'old school blues...J'ai fait du chemin

Je reçois et pige très bien ton point de vue. Il y a très longtemps, j'étais dans un groupe que j'ai adoré. Nous étions 6 dont 5 à chanter, on travaillait les harmonies vocales, c'était génial. Du coup, on pouvait reprendre des morceaux qu'on aimait comme Long Train Running des Doobie Brothers ou I am a Man du Spencer Davis Group version Chicago, une reprise seulement par concert mais on changeait souvent. Ça sonnait, nos vocaux étaient vraiment chouettes (j'adore ça) et faisaient une sacrée impression. Nous étions soulevés par le fun de jouer et chanter ensemble.

Tu as tout à fait raison, on apprend énormément à fréquenter d'autres musiciens. Mais il y a des choses que je ne peux plus faire, comme jouer du blues ou du rock. J'en ai marre. J'ai un besoin furieux de faire autre chose que de copier les anglo-saxons. C'est viscéral.

Je pense que dans la vie d'un musicien, il y a des phases, des évolutions, des retours aux sources etc. Ce qui est primordial c'est d'être à l'écoute de ses désirs, et de savoir les traduire en action, pour avancer et être en accord avec soi même. Parfois, on est victime aussi d'une forme de routine (dans les groupes notamment), et ça, c'est très dangereux.

Jouer sans batteur et bassiste, autant que j'arrête de suite.
Ce sont les seuls trucs que j'aime entendre quand je joue.
No groove no swing no bullfrog.










Je retourne au bar

Je n'ai pas tout lu, mais à part perl au début, bullfrog à la fin, personne ne réagit. C'est bizarre de ne pas voir qu'un groupe c'est jouer en synchronie avec d'autres musiciens. C'est pour moi fondamental dans la musique de groupe: ce truc où l'on tente de vivre l'instant présent, d'être ensemble au sens fort, dans une démarche de création continue, à deux, trois ou plus, qu'importe, mais à plusieurs. C'est pas du tout le fait de s'accompagner de pro qui vont trouver mieux que nous une super ligne de basse, batterie... mais le fait d'être un truc qui avance, vivant (c'est le mot clé) dans les nuances, dans l'expression à plusieurs d'une même partition.
Je maquette aussi pas mal tout seul, je m'éclate vraiment, mais c'est très différent et je trouve qu'il y a clairement une dimension en moins. Après, c'est sûr que d'un autre côté, faire de la musique tout seul, comme l'a souligné Zorzi, il y a moult emmerdes en moins... maquetter tout seul permet de composer des choses beaucoup plus abouties d'une certaine façon, etc..

mais jouer ensemble, putain! quel kiff!


Bref, seul on peut faire de la super musique, bien s'amuser, mais c'est pas jouer en groupe.

Vous êtes peut-être encore jeunes. Quand on l'est moins, faut voir la défiance dans le regard des musicos à un rendez-vous, tous les a priori en un seul regard, on est bon à jeter comme une merde inerte. On n'y peut rien, c'est comme ça dans le monde du travail aussi.

Alors j'ai cherché des musicos moins jeunes et je suis tombé sur des gens très sympa mais qui voulaient jouer que des reprises, du Clapton, du ACDC et j'en passe. Là, c'était moi qui faisait grise mine. Les reprises, c'est pas mon truc. Ça me rappelle trop le baloche. J'étais à deux doigts de dire oui mais il me fallait rester honnête, j'aurais été malheureux. C'était triste de dire non.

Tant mieux si vous avez trouvé des amis avec qui jouer et vous éclater. Je ne le regrette pas tant que ça. Du plus loin que je m'en souvienne, mes goûts et envies ont toujours été en décalage avec les autres. On fait des rencontres, des passionnés de musique et on constate que tous les noms d'artistes qui vous transportent sont totalement ignorés de vos interlocuteurs. Pas de connexion.

Déjà tout jeune, tous les groupes de copains faisaient du rock et jouaient super fort, bourrés ou défoncés (ça m'est arrivé, rassurez-vous ! ). Avec mon groupe, on jouait des morceaux peaufinés, mélodieux, avec de beaux vocaux et on jouait deux fois moins fort avec des solos écrits très mélodiques. Mon meilleur complice d'alors est malheureusement mort d'une maladie rare à 25 piges.

Et puis les musiciens ne sont pas tous à se satisfaire de faire quelques concerts en buvant des bières. Beaucoup veulent en vivre. Et quand tu montes un répertoire bien foutu, que tu commences à être engagé dans des festivals, et que des pros veulent ne signer que toi, t'organiser un album mais sans tes musicos. Ils n'en ont rien à foutre du "vivant" de tes concerts avec eux, et qu'est-ce qu'on pèse en face d'un gros agent ou d'un label international ? Ce métier a des réalités qui sont très éloignées de nos idéaux.

100% d'accord avec Zorzi. Il y a des gens qui sont des créatifs, ils ont leur vision du truc et sont rapidement pénibles dans un groupe. Ces gens là ont besoin de faire leur truc tout seul, éventuellement de recruter des pros, ou encore avoir la chance de tomber sur des musiciens très conciliants, ou bien être d'authentiques génies, auquel cas généralement les autres s'alignent.
Ca dépend vraiment des personnalités le groupe. Il y des groupes où j'étais vraiment à l'aise même si on faisait rien de super, d'autres où il y a eu une réelle créativité mais super pénible au final. J'ai tendance à préférer la première solution.

Pour ce qui est des "vieux"... j'ai 43 ans (encore pour quelques semaines..) Mais quand j'ai commencé sérieusement à jouer vers 20 ans, j'ai rejoint des gamins dont le plus jeune avait 45 et le doyen 75...

A la base, ils étaient jazzeux.

Le batteur, le plus jeune aimait des trucs plus "fun".

On est passés de "Sweet Georgia Brown et Autumn leaves" à Watermelon Man version Funky ou carrément du Proud Mary version très pêchue.

Certes, avec eux je ne faisais quasiment que des reprises, mais quel pied d'apprendre (j'ai eu l'impression de redémarrer à 0) avec des vieux briscards qui étaient bien plus ouverts au final que je ne l'imaginais.

Des solos en tapping, alors que j'étais censé faire du Jazz...

J'aime bien ce que raconte Zorzi. Finalement jouer en groupe ça m'a toujours fait chier, j'ai toujours vu ça comme un taf nécessaire, imposé par la nécessité de jouer en live.

Encore une fois, c'est un truc très français, ce machin de "personne ne s'intéresse aux mêmes trucs que moi"...Et je connais bien, je l'ai subi très fort les années qui ont précédé mon départ chez les brits...

Nous sommes la nation des combos bluesrock dégénérés, des groupes de reprise en basket, des formations à "compos influ. SRV, Pink Floyd et AC/DC". Ce que dit Garcymoore au-dessus - "Il y a des gens qui sont des créatifs, ils ont leur vision du truc et sont rapidement pénibles dans un groupe" - est assez emblématique de ce climat poisseux. C'est très étrange de voir le terme "créatif" connoté négativement. Mais en marge de ces trucs-là, il y a toujours eu des milieux différents, des fois très fermés, faute de trouver des gens aux goûts similaires dans la vie de tous les jours, qu'il faut simplement se donner la peine de trouver.

A un moment, 'faut faire le deuil du "woah, j'suis trop unique au monde"...Ca n'est pas le cas. Si un truc nous plaît, il y a des chances que ça plaise à quelqu'un d'autre. Après, ça ne devrait pas entrer en conflit avec l'idée de faire ses trucs tout seul...Les gens font bien ce qu'ils veulent...

Clair que jouer dans un groupe, c'est faire des concession sur le choix du répertoire pour commencer. L'individuel ne peut plus primer. Même si tous les hommes sont Ego.



Et comme ça demandera quand même un investissement personnel, restera t'il du temps pour monter plusieurs projets conjoints? (faire plusieurs groupes) Et gérer les dates en double.

Tu ne peux pas comparer un pays qui essaye d'assimiler une culture d'importation et celui qui en est à la source... Ce n'est pas spécialement français, tu verras le même phénomène dans n'importe quel pays du monde hors de la sphère anglo-saxonne.

Disons que le truc est basé sur un énorme malentendu...Les anglais ne savent pas bien mieux que le reste du monde ce qu'ils essaient de faire avec leur musique...Mais ceux que j'ai fréquenté (et fréquente toujours) pensent peu à ces choses-là, c'est à dire aux problèmes de style ou d'influence. Une idée de départ vaguement idiosyncratique est c'est parti.

Depuis mon retour, j'ai trouvé pas mal de musiciens français qui fonctionnent dans la même optique...et tout se passe beaucoup mieux.

Punaise, à vous lire, j'ai l'impression que ça n'a vraiment pas été rose pour vous...

Finalement, j'ai l'impression que ma vie de musicien (non pro) est plutôt simple !

Hormis qu'il n'y a pas moyen de trouver un de ces foutus bassistes !

D'accord avec ça. Quelque soit le projet, même si on fait des covers, il y a moyen de faire des choses pointues, à condition de trouver des personnes qui ont une culture similaire à la sienne.
C'est un des points essentiels sur lequel il ne faut pas transiger quand on monte un projet.

En France, il n'y a pas que des musiciens "influ SRV/Pink Floyd/ACDC". Dans mon réseau d'amis musiciens à Toulouse, il y a tout un tas de mecs très pointus, chacun dans leur domaine, que ce soit du rock, de la soul, du blues, du jazz etc. Avec internet le retard culturel avec les pays anglo-saxons est en train de se combler (pour ceux qui le souhaitent vraiment). Et à un moment donné, "les grands esprits" se rencontrent.