Porcupine Tree, Londres, 9 novembre 2007

Janéthejurist
Pour les fans du groupe, à quelques jours des dates françaises de la seconde partie de la tournée Fear of a Blank Planet.


Londres, vendredi 9 novembre 2007.

Il pleut. Sur Highgate Road, les voitures défilent. C’est l’heure de sortie des bureaux et la nuit a déjà recouvert la mégalopole anglaise. « The Forum » : les grosses lettres rouges déchirent la pénombre environnant les grises bâtisses. Sur les trottoirs, côté gauche en remontant vers le nord, des centaines de jeunes gens patientent, discutent, dans une file bien ordonnée. A trois quarts d’heure de l’ouverture des portes, les fans de Porcupine Tree sont déjà là. On parle anglais, bien sûr, mais également espagnol, allemand, polonais ou hébreu.
La date londonienne a fait des émules parmi les inconditionnels du groupe. Tous sont venus pour voir le groupe évoluer « à domicile » et partager l’expérience d’un concert de PT auprès de ses premiers supporters. Et personne ne sera déçu.

La pluie cesse, les portes s’ouvrent. Les plus mordus se ruent sur les premiers rangs de la fosse. Les autres posent leur coude sur le bar ou dépensent quelques livres au stand de produits dérivés. Dans cette vieille salle aux faux airs de théâtre baroque, deux possibilités : soit assis à l’étage, soit debout dans la fosse, avec tarif de circonstance. Nous optons pour le rez-de-chaussée. Et c’est là que l’on se rend compte que les Anglais sont plutôt grands. En tournant la tête vers l’arrière de la salle, mon amie remarque des barrières bordant les escaliers menant à la fosse. Un espace handicapé a été aménagé à cet endroit, pour que les gens en fauteuil puissent légèrement surplomber la fosse, et profiter du concert comme il se doit. Nous nous rapprochons de cet espace et nous accoudons aux barrières qui l’entourent. Idéalement placés, nous bénéficions d’une vue dégagée sur toute la scène. Au poil !

Anathema débute alors que la salle n’est pas encore remplie. Le groupe profite de son passage pour glisser trois nouveaux morceaux dans une setlist tournant autour de A Natural Disaster et Alternative IV. Sympas, sans être transcendants, ils comportent tous ces montées en puissance progressives qui sont la marque de fabrique du groupe. Une prestation sans grande surprise pour qui a déjà vu Anathema sur scène. Mais une chose de sûre : le groupe vit toujours autant sa musique et Vincent Cavanagh est un frontman d’exception.
Du coup, les minutes défilent à vitesse grand V, et alors que le groupe n’en est qu’à la moitié de Comfortably Numb, sa reprise phare du Floyd, tout s’arrête, alors que les roadies du Tree débarquent sur scène. Visiblement, le groupe a allègrement dépassé le temps qui lui était imparti et doit quitter la scène au plus vite. Fortement ovationnés par un public de connaisseurs (beaucoup de « vieux progueux » fredonnaient les paroles), les cinq britanniques quittent les planches la mine déconfite.

La fosse se densifie. Les retardataires et autres piliers de bars affluent vers la scène. Une légère excitation semble gagner la salle. Sold out depuis plusieurs semaines, le Forum se fait bruyant. Alors que les roadies s’affairent, on se plaît à penser que si le son est aussi bon que pour la première partie, on risque d’assister à un concert d’exception. A côté des escaliers, quelques dizaines de personnes ont fait comme nous, rejoignant les barrières pour disposer d’une vue d’ensemble, à trois mètres de la table de mixage. Les lumières s’éteignent.

Sous les vivas, on a du mal à distinguer la musique d’ouverture qui monte lentement. Le groupe débarque sur scène. Barbieri, d’abord, Harrison, Wesley et Edwin, ensuite, et Wilson, enfin, acclamé comme il se doit. Devant nous, des ados piaffent d’impatience, gesticulent, crient. Leurs parents ont également revêtu les t-shirts aux pilules rouges et blanches frappées des initiales du groupe. Porcupine Tree, un groupe intergénérations ?
Les premières notes de What Happens Now retentissent, mystérieuses. M’attendant à une véritable montée en puissance, je suis pourtant déçu. Le son n’est pas encore au top, et les transitions ne sont pas aussi marquées que sur cd. A vrai dire, la magie n’opère pas, malgré l’incroyable passage totalement décalé où Gavin fait montre de ses qualités de polyrythmicien. Drôle d’entrée en matière, trop peu pêchue pour remporter les suffrages.
Sans temps mort, Wilson gratte la mélodie bancale introduisant Blackest Eyes. Enorme clameur. L’ingé son a fait son boulot et le déluge de riffs métal renverse littéralement la salle. On entre dans le vif du sujet, avec un public s’égosillant jusqu’à la dernière seconde. Première constatation : le son est au top. J’ai beau avoir une petite expérience des concerts (en tant que zicos et spectateur), je reste soufflé par la qualité du mix qui, pour une fois, n’est pas trop fort ! On en perçoit le moindre coup de baguette d’Harrison ou les nappes délicates de Barbieri. Quatrième concert de PT, et au bout de deux chansons, mes oreilles attestent déjà que le meilleur son, c’est bien celui-là.

The Sound of Musak calme un peu le jeu, suivi par un Lazarus au poil. Nil Recurring pointe le bout de son nez. Bien vite, les PRS de Wes et Steven donnent le ton. Vous voulez du gros son ? En voilà. Tranchantes, nettes, elles renforcent le côté étrange et brutal de ce titre. Grosse sensation. Pas le temps de souffler que Steven demande au public : « ça vous dirait une chanson d’environ dix-sept minutes et quarante-six secondes ? » Anesthetyze démarre dans le délire du Forum. Monstrueuse interprétation de ce titre dantesque. A genoux, la fosse en redemande. Une guitare acoustique est apportée à Wilson. Trains ? Drown with Me ? Non, Waiting (phase I) ! Une première, pour le fan de Signify que je suis. Alors que les « jeunes » semblent un peu perdus en entendant les premiers accords, les plus anciens se délectent. A la manière de Sever, revisité lors de la tournée précédente, Waiting est dépoussiéré avec brio. Quel plaisir d’entendre enfin ce titre !
Après le calme, la tempête. Retour au gros son avec Open Car et son passage instru désormais intégré à la chanson. Mais comment font-ils pour avoir ce son ? Et une tuerie de plus ! Après ça, on se demande à quelle sauce le groupe va bien pouvoir nous manger ! Et la surprise ne se fait pas attendre, les accords de clavier n’étant que trop familier. C’est bien Dark Matter qu’on tient là, une des plus belles chansons du groupe. Mais bizarrement, à la manière de la première chanson, les enchaînements semblent quelquefois « limites ». Harrison en rajoute sur les roulements, oubliant la manière si dépouillée avec laquelle Maitland faisait groover ce titre. La partie centrale au clavier, façon orgue, est même remplacée par une partie guitare exécutée par Wesley. J’en perds mon latin. C’est bien la première fois que je ne prends pas de plaisir en entendant Dark Matter. A retravailler, donc.
Cheating the Polygraph se lance doucement. Les riffs sabbathiens fonctionnent à merveille et le titre, taillé pour la scène, charme l’auditoire. Tout comme l’excellent Way out of Here (pourtant le plus faible titre de FOABP à mon avis) fort de parties guitares incisives et qui a succédé à un A Smart Kid, sublime, qu’on aimerait entendre plus souvent. Puis vient le tour de Sleep Together, au refrain repris en cœur par des centaines, des milliers de gorge. Le temps de saluer son public, et le groupe disparaît.

La foule, elle, continue d’acclamer ses héros. Quelques « hou hou » plus tard, les musiciens réapparaissent. Wilson avise : « Cette chanson, nous ne l’avons pas jouée sur le sol anglais depuis dix ans. » Regardant le public : « A cette époque, vous n’étiez pas si nombreux ! ». Et d’entamer seul, à la guitare, les premiers couplets de The Sky Moves Sideways. Sensation au Forum. Le groupe rejoint son leader et se rue dans une version éclair (paraissant durer cinq minutes !) de ce classique. Fabuleux cadeau offert à ses fans ultimes, grandement reconnaissants. La guitare acoustique est de retour. Trains est accompagné d’une intense clameur. Lors de la coupure précédant la dernière partie de la chanson, la fosse se transforme en une marée de mains levées. Rythme hispanisant à la sauce anglaise : une réussite ! Le concert se termine par Halo, indéboulonnable conclusion des shows de la bande à Wilson. Porcupine Tree vient de jouer pendant près de deux heures et le public en redemande. Malgré les nombreuses acclamations, le groupe se retire, non sans avoir longuement salué le public londonien. De l’avis de tous, ce concert était un des meilleurs donnés par le groupe ces dernières années. Pour moi, aucun doute, c’était bien le plus exceptionnel.

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