pour situer pere ubu dans le contexte de la musique industrielle, voici un passage du texte de jean-marc mandosio, "genèse de la musique industrielle" :
[...] la musique industrielle s'est développée, d'une façon ou d'une autre, non seulement en allemagne, mais aussi en angleterre et aux états-unis, où des groupes tels que devo, chrome ou pere ubu livrèrent leur propre version de la chose.
parmi les premiers morceaux de pere ubu, fondé en 1975 dans la ville industrielle de cleveland, il y avait "reality dub", qui n'était pas une chanson, mais une simulation extrêmement réaliste d'accident de voiture, et "thirty seconds over tokyo", tentative de reproduire l'environnement sonore total régnant à l'intérieur de bombardiers américains en route pour raser la capitale japonaise lors de la seconde guerre mondiale.
les propos des membres de pere ubu n'avaient rien à envier en matière de réalisme à ceux de kraftwerk ou de throbbing gristle : "la vie est dure, elle est perturbante, ce serait absurde de le nier, et c'est bien pour ça que notre musique n'a rien de doux ou de lumineux."
les solutions musicales adoptées par pere ubu étaient néanmoins très différentes de celles des deux groupes susnommés et relevaient davantage d'une sorte de post-rock expérimental.
on trouvait en outre chez eux un mélange de répulsion et de fascination envers le monde contemporain, avec une sensibilité à la poésie industrielle dont les accents étaient proches de l'ancien futurisme. dans ses premières interviews, le groupe décrivait la région d'où il était originaire avec lyrisme, séduit par ses péniches chargées de minerai qui descendaient le fleuve, le martèlement incessant de ses fonderies d'acier, ses nuits meurtries par la lumière aveuglante des hauts fourneaux, teintées de vert et de violet, les contours de ses treillis de canalisations et de ses cheminées vomissantes qui se détachaient à l'horizon : "nous trouvions cela magnifique. c'était comme visiter un musée d'art moderne ou quelque chose dans ce goût-là." [...]