* Ghost Dog * a écrit :
Merci aussi pour ton analyse (très détaillée !)
De rien !
* Ghost Dog * a écrit :
@ Scholl : très intéressant tes histoires de traitements.
Merci ! Tant mieux si ce genre d'informations peut servir à d'autres.
* Ghost Dog * a écrit :
Et c'est une sacré épaisseur pour tes bass traps ! C'est de la laine de roche ?
Ils sont effectivement plutôt gros. Le bloc dont on voit la tranche non couverte fait 60cm de profondeur, 115cm de hauteur et 87cm de large. Le bloc à côté est identique et les autres sont de volume équivalent. Quant au matériau absorbeur c'est de la laine de verre de faible densité (Isover IBR en rouleau, 12kg/m^3).
* Ghost Dog * a écrit :
Ça a l'air très efficace, par contre pour le côté esthétique... ça va rester comme ça ?
C'est super encombrant, super moche et ça demande du boulot mais c'est très efficace en effet ! Ce que j'ai fait pour l'instant correspond à moins de 1/3 du volume total de traitement prévu dans la pièce mais je ne m'attendais pas à ce que ça marche aussi bien sur la résonance à 34hz, les fréquences graves étant les plus difficiles à absorber.
Après pour la partie esthétique, le bloc dont la tranche est non couverte en blanc ne restera pas en l'état : un autre bloc identique et complètement couvert est prévu à côté. J'ai par ailleurs des idées pour "colmater" les écarts entre blocs ultérieurement. Malgré tout ça restera plutôt moche au final (surtout que c'est dans mon séjour !) mais au moins ça sera efficace à moindre frais.
Si ça peut intéresser/donner des idées à des gens, voilà une présentation plus détaillée de mon plan de traitement de ma pièce (Achtung ! Contenu potentiellement emmerd... très ennuyeux en mode Mylife, désolé pour les gens non intéressés et ceux qui sont déjà au fait de ce que je vais aborder.)
La situation de départ
J'ai récemment emménagé dans un F2 avec un séjour + cuisine de 27 m². Grâce à l'expérience que j'avais acquise pour le traitement de ma précédente pièce de travail, j'ai choisi (entre autres choses) mon nouvel appart en fonction de la taille et la forme de sa pièce principale. Une fois le déménagement effectué, j'ai prévu à l'avance le positionnement des enceintes, de ma zone d'écoute, des meubles et des traitements acoustiques.
(pour l'image faite pas gaffe à l'anglais, c'était prévu pour le forum JohnSayersStudioDesign à la base)
Die langweilige Theorie
Je ne vais trop pas m'étendre sur les phénomènes acoustiques inhérents aux pièces que l'on retrouve dans nos habitations (je suis de toute façon loin d'être un expert). Mais il faut en gros savoir que la réponse dans les basses fréquences sera invariablement irrégulière d'un point de vue fréquentiel et temporel : l'amplitude ainsi que la durée du son varient en fonction de la fréquence. D'où des creux, des bosses et des fréquences qui résonnent plus longtemps que d'autres. Évidement, tout ça c'est bien pourri pour mixer.
Le problème est que les graves sont, et de loin, bien plus difficiles à traiter que les aigus. On voit souvent des amateurs traiter leur pièce en recouvrant intégralement les murs de mousse acoustique fine ou encore des tapis. C'est une erreur. Seuls les aigus et haut-médiums seront atténués tandis que les problèmes des basses fréquences seront toujours présents. Les espaces trop atténués dans les aigus sonnent de manière non naturelle est sont très désagréables car, psycho-acoustiquement, nous nous basons entre autres sur les réflexions du son pour nous repérer dans l'espace. Les hautes fréquences doivent être contrôlées mais pas disparaître. On recherche une réverbération diffuse (dont la durée est fonction du volume interne de la pièce), mais on veut éviter les flutter echos et les premières réflexions à la position d'écoute.
La plupart des traitements acoustiques sont basés sur des absorbeurs poreux (laines minérales, mousses acoustiques etc.). Cette absorption fonctionne en freinant les molécules d'air en vibration par frottement. Ce freinage est maximum à la portion de l'onde où la vélocité des molécules est maximum : cette vélocité maximum se trouve à 1/4 de la longueur d'onde. Quand une onde sonore impacte un mur, la pression est maximale et la vélocité nulle contre le mur et la vélocité est maximale à une distance de ce mur égale à 1/4 de la longueur d'onde. Attention à ne pas confondre la célérité de l'onde sonore (340 m/s) et la vélocité du va et vient des molécules d'air composant le milieu de propagation de l'onde.
Tout ceci explique pourquoi les basses sont si difficiles à traiter : leur longueur d'onde est beaucoup plus élevée que celle des hautes fréquences. Par exemple, pour que l'efficacité d'un absorbeur soit maximale à 50hz, il faudrait qu'il soit éloigné du mur de 1.70m. Si l'absorbeur est plus proche du mur il absorbera toujours 50hz mais moins efficacement.
Il existe des absorbeurs à membrane basés sur la pression du son, fonctionnant au mieux contre le mur et prenant bien moins de place pour traiter les basses fréquences. Ils ont cependant l'inconvénient de fonctionner sur une bande fréquentielle réduite contrairement aux absorbeurs poreux qui fonctionnent sur tout le spectre. Ils sont par ailleurs beaucoup plus complexes à concevoir ce qui réserve leur fabrication aux professionnels ou aux particuliers experts.
Conception de mes absorbeurs
Considérant ce qui a été dit plus haut, j'ai décidé de diviser mes traitements en deux types d'absorbeurs avec des rôles différents.
> Absorbeurs large bande
Constitués d'un panneau (135*60*10) de laine minérale de densité moyenne/élevée recouvert de ouate de polyester (pour l'étanchéité à la laine) et de tissus transparent au son, avec un cadre en bois. J'en avais construits une douzaine pour mon précédent appartement. Positionnés à des endroits stratégiques, leur rôle est d'éviter les premières réflexions sur tout le spectre hautes fréquences inclues autour de la position d'écoute (murs latéraux et plafond notamment).
> Absorbeurs basses fréquences
Bien qu'il soit possible, comme expliqué plus haut, de sur-atténuer les hautes fréquences, il est virtuellement impossible de
trop traiter les graves étant donné le volume de matériau absorbeur poreux requis. Pour cette raison, mes absorbeurs graves doivent à la fois être très imposants, nombreux, et ne pas absorber les médiums et aigus.
Pour expliquer le choix précis du matériau absorbeur je dois faire un encart rapide sur la théorie. On a vu que pour traiter efficacement les graves avec un absorbeur poreux, il fallait que celui-ci soit très épais et/ou situé au quart de la longueur d'onde. Or, si l'on construit un bloc absorbeur très épais, le matériau absorbeur commence lui-même à devenir réfléchissant au son, et donc à perdre en efficacité. Il faut choisir son matériau en fonction de l'épaisseur du bloc. Le facteur à prendre en compte est la
résistivité du flux d’air statique (SAR) du matériau. Il s'agit de la capacité d'un matériau poreux à opposer une résistance au mouvement des molécules d'air. Plus il est élevé, moins l'air passe facilement. La résistance totale d'un bloc absorbeur est égale au produit de son épaisseur et de sa SAR.
Voici un graphique d'un
calculateur en ligne comparant les coefficients d'absorption de deux absorbeurs de même profondeur de 60cm :
En bleu : SAR = 15000 N.s/m^4 comme mes absorbeurs large bande
En vert : SAR = 4000 N.s/m^4 comme mes absorbeurs grave.
On voit parfois le raccourci disant que la SAR équivaut à la densité du matériau mais ce n'est pas juste. Par exemple, à densité égale la laine de
roche présente la plupart du temps une SAR inférieure à celle de la laine de
verre. Considérant un matériaux identique la SAR augmentera effectivement avec la densité.
D'un point de pratique j'ai choisi de fabriquer des blocs absorbeurs dont l'épaisseur est comprise entre 40 et 60cm selon l'endroit dans la pièce. Mon choix de matériau s'est porté sur de la laine de verre de faible densité Isover IBR (SAR = 4000 N.s/m^4). Outre une efficacité supérieure à une épaisseur élevée, ces laines de faible densité sont significativement moins chères que les panneaux de laine plus denses à volume égal. Cependant, ces laines ont l'inconvénient d'être extrêmement molles. Ce qui m'amène à la partie suivante de la conception de mes blocs absorbeurs : la structure.
J'ai décidé de fabriquer un squelette en tasseaux de MDF pour contenir la laine de verre (1.6cm*244cm au Leroy Merlin).
Ça ressemble à ça :
La non-absorption des médiums-aigus est facile à obtenir : il suffit d'envelopper l'absorbeur de bâche plastique fine, réfléchissant les hautes fréquences mais perméable aux bas médiums et graves. Dans le cas de mes absorbeurs j'ai entièrement enveloppé la laine minérale dans de la bâche de protection pour peinture (qui a aussi le rôle d'emprisonner les particules et émanations gazeuses désagréables de la laine). J'ai également rajouté de la toile cirée blanche tendue par dessus la structure de MDF pour améliorer l'apparence, conserver la luminosité de la pièce et encore réfléchir davantage les médiums. D'après mes mesures, mes absorbeurs semblent devenir réfléchissants à partir de 500/600hz.
Positionnement des traitements
Outre leur caractéristiques, le placement des absorbeurs est important.
> Les absorbeurs large bande doivent être situés de sorte d'empêcher les première réflexions d'arriver à la position d'écoute, lesquelles sont dommageables à la précision de la scène sonore en plus d'induire un effet de filtrage en peigne par déphasage des ondes réfléchies par rapport au son direct.
> Les basses fréquences ont tendance à se regrouper aux jonctions et coins des surfaces de la pièce. Ces zones sont donc à traiter en priorité avec les absorbeurs grave. Il est également intéressant de traiter l'espace derrière les enceintes ou entre les deux enceintes pour éviter les phénomènes de SBIR (filtrage en peigne). Les basses fréquences se comportant de toute façon de manière omnidirectionnelle, il est quasiment toujours bénéfique de rajouter de l'absorption basse fréquence partout où il y a de place pour en mettre. La pièce sonnera toujours plus précise dans les graves.
Voilà des plans 3D présentant à peu près à quoi c'est sensé ressembler chez moi.
Les gros blocs en rouge sont les absorbeurs basses fréquences et les bleus sont les absorbeurs large bande.
Bref, j'espère que ce long post servira à certains, ou qu'il n'a pas été trop soporifique pour les autres. De mon humble expérience personnelle, un bon positionnement des enceintes, de la position d'écoute et une pièce bien traitée changent
complètement la qualité de la restitution sonore et donc la confiance accordée aux décisions de mixage.
Voilà quelques liens qui expliquent la même chose que moi mais en mieux ainsi que d'autres points importants sur lesquels je ne me suis pas penché :
http://realtraps.com/art_room-setup.htm
http://arqen.com/acoustics-101(...)ment/
https://ehomerecordingstudio.c(...)raps/
https://www.genelec.com/sites/(...)r.pdf