ce texte de jean-pierre baudet vient d'être publié sur son site, il s'agit d'une analyse de la relation entre capitalisme et religion.
La naissance du capital et de la valeur à partir du culte religieux :
http://www.lesamisdenemesis.com/?p=1293
extrait:
Pour tenter de répondre à notre question initiale (« Y a-t-il un modèle secret et sous-jacent que la religion et le capital auraient en commun ? »),
Sacrifier sans fin vise à convaincre ses lecteurs de l’irrationalité fondamentale de notre comportement prétendument rationnel ; à éveiller le sentiment du lien inséparable entre la rationalité économique et la croyance religieuse, et du fait que nous sommes prisonniers d’une façon de penser et d’agir qui embrouille et obscurcit notre approche de la réalité.
Le tissu tout entier de la pensée économique mérite d’être examiné avec la plus grande suspicion. Les théories du complot ont envahi notre paysage mental, construisant les scénarios les plus incroyables, mais le seul complot dont nous sommes absolument sûrs – la conspiration de la valeur – est comme par hasard ignoré. La valeur d’échange est utilisée pour manipuler la valeur d’usage à un point tel que rien ne peut être approché pour ce qu’il est, parce qu’il est toujours considéré en termes de valeur économique potentielle.
Le dépassement du capitalisme dans sa forme la plus récente n’est pas du tout simplement une question de modifier la répartition de la richesse entre les riches et les pauvres, entre les capitaines d’industrie et les travailleurs salariés : ils sont tous si bien engagés dans la production et la consommation qu’ils en ont perdu l’utilisation de leur vie. La question n’est pas de restaurer un équilibre qui aurait été perdu, mais que le système
ne peut pas trouver un équilibre stable. « La crise » n’est pas un accident, mais l’état normal des choses, elle n’est pas un événement qui a lieu à la fin d’une histoire, mais quelque chose de profondément ancré dans chaque instant de la vie quotidienne. Production et consommation sont comme une prière inutile envers un dieu impitoyable, elles se traduisent par une énorme accumulation de sacrifices microscopiques, tous possédés par un « au-delà » économique.
Je préfère plaider pour de nouvelles Lumières, mais cette fois sans zone d’ombre, sans reconduction à courte vue des règles du vieux monde. Une ombre est précisément ce que nous ne pouvons plus nous permettre. Les anciennes Lumières opéraient au nom de l’économie et de la rationalité technologique, et aucune lumière n’a été faite sur le sujet de l’action lui-même, qui est resté protégé par l’obscurité. Ce sujet de l’action n’était rien de plus que l’intérêt brut traquant son objet – le monde – et recherchant la meilleure façon de le manipuler (voir par exemple Theodor W. Adorno et Max Horkheimer,
Dialectique de la Raison, 1944). Si les Lumières sont destinées à remplir leur promesse, nous devons dire adieu au sacrifice et à la valeur, apprendre à parler et à agir en notre nom, et comprendre que ce qui compte vraiment n’est pas la quantité de plus-value que nous extrayons d’un monde en lambeaux, mais la façon dont nous vivons réellement dans ce monde et ce que nous pourrions être si nous n’étions pas confinés dans une prison archaïque.
L’aliénation religieuse était le laboratoire de l’aliénation politique et économique. C’était la
maternelle de la dépossession. Comportements politiques et économiques se sont multipliés autour de ce noyau religieux sans jamais chercher à se libérer de l’aliénation d’origine, qui se manifeste maintenant dans l’acceptation de la domination économique.
Comme la théologie, la théorie économique traite de quelque chose qu’elle est fondamentalement incapable de comprendre. Vous ne pouvez pas comprendre quelque chose en restant à l’intérieur, sous son emprise.
nota bene : au début de son texte, baudet mentionne "la religion du capital" de paul lafargue dont il conseille vivement la lecture. ce texte de lafargue se trouve dans le volume "paresse et révolution" paru en 2009.