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La réunion de Téhéran sur la Shoah suscite l'indignation
LE MONDE | 12.12.06 | 11h50 • Mis à jour le 12.12.06 | 11h50
La "conférence" organisée à Téhéran sur la Shoah - qui devait se conclure, mardi 12 décembre, par un message du président iranien Mahmoud Ahmedinejad - a suscité une vague de protestations indignées en Israël, aux Etats-Unis, en Europe.
Jamais une tribune internationale n'avait été ainsi offerte aux négationnistes de la Shoah comme Robert Faurisson et Georges Thiel, condamnés par la justice française, l'Américain David Duke, ex-dirigeant du Ku Klux Klan de Louisiane, ou l'Australien Fredrick Toeben, qui fut détenu en Allemagne pour incitation à la haine raciale. Les interventions rapportées par les agences de presse soulignent que cette "conférence", sous couvert d'antisionisme, réveille un vieux révisionnisme à prétention scientifique.
Selon l'AFP, Fredrick Toeben est venu à Téhéran avec une maquette du camp de concentration de Treblinka pour tenter de démontrer que l'existence des chambres à gaz est un "mensonge absolu". De son côté, Robert Faurisson a rendu hommage au président Ahmadinejad "pour son courage, son héroïsme, sa clarté". Après lui, il a répété que l'Holocauste est un "mythe". Cette "conférence" a d'ailleurs tourné au culte de la personnalité du président iranien, qui a compris "l'importance de l'Holocauste comme dogme qu'on ne peut pas questionner dans le monde occidental", comme l'a dit Fredrick Toeben.
Dès son discours d'ouverture, Manouchehr Mottaki, ministre iranien des affaires étrangères, avait levé l'équivoque sur le sens de la conférence : la dénonciation d'Israël à travers la mise en cause du sionisme, dont les "méthodes" sont comparées à celles du nazisme.
"Aujourd'hui, ceux qui prétendent être antinazis sont eux-mêmes des racistes et colonialistes et ce qu'ils ont fait à des gens n'est pas différent des crimes des nazis", a affirmé M.Mottaki. Pour lui, l'antisémitisme est un "phénomène européen" et "dans la longue histoire de l'Iran, il n'y a a aucun document établissant une seule manifestation d'antisémitisme". Quelques rabbins antisionistes participent à la réunion, comme le Britannique Ahron Cohen, pour qui "la Shoah a réellement existé et nous lui avons survécu. Mais elle ne peut en aucune manière être utilisée pour justifier les injustices qui frappent les Palestiniens." La communauté juive d'Iran (25000 personnes contre 60000 avant la révolution khomeiniste de 1979) a exprimé son opposition. Seul député juif du pays, Moris Motamed a déclaré que "nier l'Holocauste est une immense insulte".
Cet amalgame de thèses révisionnistes et antisionistes a suscité un tollé dans le monde. Surtout en Israël : "Cette conférence est nauséabonde et prouve l'ampleur de la haine vis-à-vis des juifs et d'Israël", a commenté le premier ministre, Ehoud Olmert.
A Washington, l'administration américaine a évoqué un "geste honteux". A Paris, Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a exprimé l'"inquiétude" du gouvernement.
A Berlin, lors d'une réunion du Centre pour l'éducation politique –qui refuse d'apparaître comme une "contre-conférence" qui ferait trop d'honneur à Téhéran– Raul Hilberg, l'un des principaux historiens de la Shoah, a dressé un nouveau bilan du génocide et répété que "tous les documents sont là pour prouver que ceux qui nient cette réalité ont tort".
Pierre Besnainou, président du Congrès juif européen, appelle les dirigeants européens à "prendre toutes les sanctions qui s'imposent" contre Téhéran.
Henri Tincq