J'met ma copie du bac, c'est pas un poème à proprement parlé (parceque je préfère la prose poétique), mais y'a une certaine poésie, dumoins à ma façon , j'essaye de pas être trop sérieux, enfin vous verrez bien. Pour info, c'était le sujet d'invention des épreuves anticipés du bac de français 1ere littéraire session 2005 : << Rédigez le monologue d'une personne désillusionnée>>, y'a pas, un sujet comme ça, c'est du pain bénit !
Me voilà maintenant en face de vous, prêt à quitter la vie comme on quitte une compagne trop dure avec qui on a ressenti tant de douleurs et dont on se demande <<Pourquoi si longtemps avec elle ??>> Pourquoi ? Peut être que je l' aimais en vérité, ... Peut être, peut être... Toujours ces approximations, comme ma mère, quand elle s' est rendu compte qu' elle était peut être enceinte, comme mon père quand il s' est dit qu' il allait peut être prendre le large, c' est sûr, un marmot ça n' apporte que des emmerdes... J' en reviens à la vie, peut être devrais je lui écrire une lettre de rupture ? Elle commencerait avec un beau <<Ce soir mon amour je t' écris pour te dire que je te quitte...>> et finirait par <<ne m' en veut pas, c' est mieux ainsi.>> Non. La vie n' a pas besoin que je me justifie, elle comprend très bien pourquoi je m' en vais d' elle. On dit parfois que la vie ne fait pas de cadeaux. C' est vrai, je peux l' affirmer, ma vie ne m' a pas fait de cadeaux, mais il faut dire ce qui est; je ne lui en ai pas fait non plus. Je ne vais pas dire que la vie m' a été infligée, je l' ai plutôt volée. Oui, j' ai volé cet instant d' inconscience ou mes parents auraient pu s' abstenir et finalement, m' éviter, moi, enfant non désiré. Ma mère m' a expulsé de son ventre au bout de sept mois de gestation, forcément, sept mois pour un parasite que l' on porte à bout de corps, c' est déjà trop. A peine étais-je né que ma mère pleurait. Non pas de bonheur, mais d' angoisse. << Comment vais je m' en débarrasser ?>> se demandait elle. Comment se débarrasser de ce petit être hurlant ? Le noyer comme on noie une portée de chatons ? L' empoisonner ? L' étouffer ? Jamais elle n' avait autant réfléchi de sa vie... Sa lâcheté me sauva. Mais à quel prix... Qu' est ce qu' une mère pour vous ? Quelle image avez vous de de la vôtre ?Bon nombre de gens se souviennent d' une mère tendre, belle et douce. Moi pas. Ma mère me l' a bien rendu, le coup de lui chaparder ma vie. Jamais de douceur dans sa voix, dans son regard, dans ses gestes. Je n' ai jamais appris à être serré dans des bras, à embrasser, à aimer. Pour vous dire, elle ne m'a même pas allaité. Je suis devenu un enfant perdu. Traînant dans les rues, la poussière, la crasse et me faisant battre par ma mère, le soir, le matin, dès que je manifestais ma personne, dès que je la narguais de mon larcin. J' ai dû grandir plus vite. A quatorze ans, je m' enfuyais, délestant ma mère de ce poids, cette tare que j' étais comme une tumeur qu' on arrache. J' étais le cancer de sa vie, la dégénérescence de sa minable existence. Ainsi partis, j' errais dans les bas fonds de la société , la crasse et les déchets créés par toute cette bêtise humaine. Comment une communauté d' entités peut elle générer autant de laissés pour compte ? Comment autant d' être humains peuvent vivre sans intérêt ? Toutes ces questions sans réponses m' on suivies durant mes voyages. Mais quels voyages ! Pour m' échapper, au moins quelques instants, j' ai découvert la drogue. La drogue, enfant illégitime du plaisir, porte interdite menant une fuite illusoire. Destructrice et tentaculaire, on n' en sort pas. Je trouvais là une nouvelle compagne: je trompais la vie avec la drogue. Ce petit jeu ne dura pas longtemps, elle s' en rendit vite compte. Sa crise de jalousie fut terrible et me transforma en cette apparence humaine que je suis maintenant. Mes os saillants manquent de sortir tellement on les voit, ma peau n' est plus qu' une membrane craquelée et poisseuse tendue par deux bouts de cartilage, mes cheveux ainsi que mes dents m' ont quitté et mes yeux sont secs et enfoncés dans mon crâne. Je n' ai plus de visage, juste un morceau de chair pourrie. Mon existence n' est plus rien, n' a jamais été de toutes façons ! Je suis mort avant d' être né, je n' ai été qu' une aberration de la vie, un cafard parasitant celle des autres. Mais alors, pourquoi maintenant, pourquoi je me demande comment j' ai fait pour rester si longtemps avec la vie ? Je n' ai jamais haï ma vie, ni personne. Alors je me demande, pourquoi ai-je volé mon existence ? J' ai peut être aimé la vie pour savoir ce que c' est d' aimer. C' est la seule chose que j' ai pu aimer de toutes manières ! Ce n' est peut être pas de sa faute, à la vie, si la mienne ne fut que douleur et saleté. Mais je me perds et oublie ce pourquoi je suis ici. Je suis ici pour rompre avec la vie. << C' est ce soir mon amour que je t' écris...>>, vous vous souvenez ? Alors oui, mon amour, cette fois c' est décidé, je te quitte, je te rends mon existence inutile en espérant que tu la jettes, pour que personne ne s' en empare de nouveau. Je sens tous ces produits dévaler mes veines, mon coeur ralentir, et, peu à peu, la vie s' échapper de moi comme une bouffée de cigarette que l' on recrache. Adieu mon amour, c' est mieux ainsi.