Pas de sophisme, s'il te plait: ce n'est pas mon avis qui a plus d'intérêt que le tien ou celui de de Flo. Il ne s’agit pas non plus de s'en tenir aux "avis autorisé". Ton opinion, comme la mienne, on en n'a rien à foutre dans un débat scientifique.
Il y a une problématique scientifique. Pour répondre à cette problématique, des expériences ont été menées. J'ai donné des liens vers un certain nombre d'entre elles.
Toi et Flo avez exprimé des opinions sur cette problématique scientifique et vous ne l’avez pas étayé par des éléments scientifiquement validés.
Tu peux nier les résultats observés si ça te chantes: certaines personnes pensent que la terre est plate ou que notre monde a été créé par Dieu en 7 jours.
Evidemment c’est plus simple de ne pas répondre sur le fond du débat quand il ne va pas dans ton sens.
Gilles Mercier a écrit :
[...]
Les mouvements anti-OGM sont les héritiers de Lyssenko. Le lyssenkisme avait divisé la science en science nouvelle qui allait révolutionner l’agriculture et en science bourgeoise dévolue au maintien de l’ordre capitaliste. Des biologistes de la science nouvelle, emportés par cet élan révolutionnaire, affirmaient avoir transformé des virus en bactéries ou converti des cellules végétales en cellules animales. L’argumentation scientifique fut balayée au profit de la propagande qui versa dans l’hystérie. Les partisans de Lyssenko partirent à l’assaut des autres branches de la science, Freud, Einstein et la mécanique quantique furent visés. Ceux qui s’opposaient à cette vision idéologique de la science étaient rejetés, catalogués de réactionnaires vendus à l’impérialisme. Le bilan fut catastrophique, la biologie et l’agronomie soviétique mirent trente années à s’en remettre.
Il y avait une science au profit de la bourgeoisie, il y a maintenant une science et des scientifiques à la solde des multinationales. Lutter contre les OGM serait lutter contre l’ordre des multinationales. Mais, il est pour le moins étonnant de trouver à la pointe de ce combat des personnalités et des journaux qui jusqu’à maintenant ont toujours défendu cet ordre.
Mme C. Lepage, du Modem, M. N. Mamère, des Verts, ne nous avaient pas habitués à de tels combats. Le CRIIGEN de Mme Lepage est financé par la multinationale Carrefour, grande adepte du bio. Mme S. Royal, qui protège le Poitou de l’intrusion mortifère des transgènes et qui lors de sa campagne électorale des présidentielles fit des OGM des génériques de la thalidomide, ne considère-t-elle pas le smic à 1500 € brut comme démagogique ! Que dire des journaux Le Monde et Libération financés par les grandes entreprises qui régulièrement relaient le discours anti-OGM ? En Europe, l’Autriche et la Pologne en pointe dans le conservatisme des idées (et la dérégulation sociale pour la Pologne) le sont tout autant dans le combat anti-OGM.
Quant à José Bové, il bénéficie d’une sympathie des médias et de la presse ainsi que d’un statut d’extraterritorialité dont n’a jamais bénéficié aucun militant syndical salarié. Lui, qui accumule les peines de prisons avec sursis, bénéficie d’une mansuétude stupéfiante de la part de la justice qui jusqu’à présent n’avait pas l’habitude de plaisanter avec le viol du droit de propriété. Sa grève de la faim commencée après les fêtes, fut particulièrement bien couverte par les médias. Il bénéficia de la visite de Mme Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat chargée de l’écologie, qui payant de sa personne, n’hésita pas à lui faire la bise. Mme Royal, toujours elle, vint lui dire tout le bien qu’elle pensait de son combat !
Mais la lutte contre l’ordre des multinationales s’est surtout focalisée sur la lutte contre les OGM. Depuis ses 1,2% des présidentielles, il ne s’est exprimé que sur ce problème, pourtant ce ne sont pas les sujets qui manquent dans l’actualité économique et sociale !
Quel est donc le fond idéologique anti-OGM ?
La plupart des mouvements anti-OGM sont antinucléaires et anti-nanotechnologie. Cette cohérence que beaucoup feignent d’ignorer traduit une opposition fondamentale à la technologie rendue responsable de la dégradation de la nature pour les uns et des méfaits du capitalisme pour les autres.
La première moitié du 19e siècle fut marquée par des mouvements dirigés contre les machines. Les ouvriers passés de l’état d’artisans à celui de prolétaires brisaient les machines rendues responsables de leur exploitation, de la déqualification du travail. Ces mouvements disparurent définitivement peu avant 1850. En 1936 comme en 1968 les ouvriers entretinrent les machines dans les entreprises en grève. Le mouvement anti-OGM nous ramène 200 années en arrière. Des couches sociales et salariales s’en prennent à la technologie au lieu de s’en prendre à l’ordre social face à la dégradation de leur condition de vie, à la remise en cause de leur statut social.
Contrairement aux affirmations d’Arte, ce ne sont pas les OGM qui sont responsables du suicide des paysans en Inde mais l’endettement auquel ils sont contraints. Ce ne sont pas les OGM qui sont responsables de la dégradation des sols en Argentine, mais le fait que l’Etat argentin ne fait rien pour réguler l’extension des terres cultivées.
Le mouvement anti-technologie a deux composantes très proches l’une de l’autre, l’une contestataire de l’ordre social (l’altermondialisme), l’autre, fondamentaliste, gardienne de l’intégrité de la nature. Une fois débarrassé des oripeaux contestataires de l’ordre social, le discours altermondialiste se confond avec celui des intégristes de l’ordre naturel. Jean Marie Pelt, du comité scientifique du CRIIGEN écrit dans Plantes et Aliments transgéniques :
« La transgénèse est une transgression qui va à l’encontre des principes éternels établis par les mythologies les plus anciennes »
« L’idéologie du mélange sans limite prend à revers toute la tradition occidentale. Qu’il s’agisse des audaces de Prométhée dans la mythologie grecque ou de l’exclusion du Jardin d’Eden…on assiste toujours à la même mise en garde : Ne franchissez pas la ligne, sinon il risque de vous en cuire »
« Le désenchantement de la nature et l’absence complète de prise en compte de ses dimensions spirituelles se trouvent à l’origine des errances et des probables errements du génie génétique ».
La crise du mouvement altermondialiste laisse le champ libre aux forces des ténèbres. Ces dernières représentées par une nébuleuse d’associations au discours radical sont financées par des fondations gérant des centaines de millions d’euros (Fondation Charles-Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme (FPH), Ford Foundation, Rockfeller Foundation). La radicalité prônée par certains s’accommode très bien de la manne de fondations gérant des fonds et cotées en bourse. Qui manipule qui ?
Tout ce joli monde distille une idéologie que certains ont visiblement intérêt à voir se propager. Les théories de Jacques Ellul (1) , Bernard Charbonneau (1), René Dumont (2), Barry Commoner (3), Jean Paul Besset (4),… sont communes à la plupart des anti-OGM :
« Le retour à une nécessaire frugalité » (1),
« le XXe siècle est un siècle maudit, il n’y a jamais eu autant de conneries que durant ce siècle, la première étant l’explosion démographique » (2)
« La technologie menace notre survie même » (3)
« le progrès est menacé par là où il a commencé : l’agriculture » (4 ).
Il faut revenir à un ordre naturel où l’Homme produit essentiellement pour lui-même. Cet ordre naturel n’a nul besoin de technologie, d’écoles (voir les théories d’Ivan Illich), le commerce se réduit à un commerce de proximité. Dans un discours intitulé « Pour en finir avec l’idéologie du progrès », J. Bové explique pourquoi les paysans du tiers monde doivent absolument continuer à travailler à la main : « Aujourd’hui, sur la planète, 28 millions de paysans travaillent avec un tracteur, 200 millions travaillent avec la traction animale et plus de 1.3 milliard travaillent à la main… Que deviendront ces populations si l’agriculture rentre dans la logique productiviste au niveau mondial ? Ce ne sont pas des millions de paysans qui disparaîtront, comme en Europe ou en Amérique du Nord, mais des centaines de millions, peut-être 1 milliard ou plus » et de conclure que « ces gens là n’auraient plus de place » (Colloque « Défaire le développement, refaire le monde » 2002, (http://economie-social.lesverts.fr/spip.php?article7).
Est-ce ce monde que Mme Marie-Monique Robin et Arte veulent nous imposer ?
Comment l’obscurantisme peut il bénéficier de tant de complaisances dans la patrie de Descartes ?
Le chômage massif, l’insécurité sociale, la multiplication des conflits internationaux, couplés à l’absence totale de perspectives constituent un terrain propice aux peurs, à l’irrationnel. La peur de l’avenir renvoie à un passé mythifié, idéalisé. Ce terreau alimente le courant obscurantiste décrit précédemment, représenté au gouvernement par Mme Kosciusko-Morizet. Aucune des forces politiques qui comptent dans ce pays ne combat l’obscurantisme ! Elles le flattent par opportunisme. Il est plus facile d’abonder dans le sens des peurs que d’affronter son électorat. L’électoralisme est pain bénit pour les lobbies, qui ont le champ libre. N’oublions pas que derrière la Fondation N. Hulot se profile TF1. Ce qui explique la promotion dont bénéficie la nébuleuse des associations écologiques de la part de la presse et des médias. Très peu de journalistes ont une formation scientifique, le journalisme scientifique est une discipline sinistrée. Les travailleurs scientifiques, voilà les responsables des désordres de la planète. Pour protéger la société, leur travail doit rester confiné au laboratoire. Pouvoir politique et mouvements écologiques se retrouvent pour corseter la recherche.
Afin de piloter la recherche, les pouvoirs politiques et leurs relais dans la presse n’ont cessé depuis des années de culpabiliser les scientifiques : « les chercheurs ne s’intéressent qu’à leur recherche et non à la société ! ». Ce discours des pouvoirs politiques successifs rejoint celui des mouvements écologiques.
La marginalisation de toutes les instances scientifiques a ôté à la communauté scientifique tous les moyens d’expression et d’intervention sur les enjeux et les stratégies de recherche qui ne sont plus abordées que dans les Académies et les sociétés savantes !
La situation est très préoccupante. D’autant plus préoccupante que la décision politicienne du président de la République concernant le maïs MON810 valide l’argumentaire des associations anti-OGM. Pourquoi devraient-elles s’arrêter là ? Elles veulent maintenant aller plus loin en remettant en cause l’utilisation des biotechnologies dans le végétal à l’occasion du débat parlementaire sur les OGM !! Après dix années de lutte anti-OGM, l’enseignement de la biologie végétale à l’université est sinistré, les entreprises françaises de biotechnologie végétale ont quitté l’hexagone. La recherche publique sur les OGM végétaux est quasi clandestine. Cela ne semble absolument pas contrarier la ministre de la recherche ni le ministre de l’agriculture. Alors que l’innovation est le maitre mot du président de la République, il a cruellement fait défaut dans son discours prononcé au dernier au salon de l’Agriculture. Pas une seule fois, N. Sarkosy n’a parlé de la nécessité de développer la recherche en agriculture. Le développement d’outils nécessaires à une agriculture moderne n’est pas le souci du président de la République ni de ses exécutants, alors que le réchauffement climatique impose le développement de tels outils. Les pays qui n’auront pas investi dans la production de variétés nouvelles adaptées aux évolutions climatiques seront totalement dépendants de ceux qui auront réalisé ces investissements. La souveraineté alimentaire mise en avant en permanence par les tenants de la décroissance aboutit à la dépendance économique et à la soumission politique.
Les entreprises de biotechnologie américaine comme Monsanto sont les grandes gagnantes, leurs concurrents français ont été évincés par les campagnes d’arrachages.
Comme dans l’ex-Union Soviétique, devrons-nous attendre 30 ans avant que le niveau des biotechnologies végétales rejoigne le niveau international ?
Non, les scientifiques ne sont pas responsables des désastres écologiques, du désordre international, de la misère sociale. Les maux de la société ne seront pas résolus par un retour à une société d’autosuffisance : « Si nous voulons survivre sur cette planète, il faut nous inspirer des sociétés traditionnelles : vivre dans des villages presque autosuffisants, se consacrant à la production de leur propre nourriture et à la manufacture d’objets techniquement simples » Teddy Goldsmith, l’Écologiste n° 8 octobre 2002. L’obscurantisme, cela suffit !
Face au déferlement de l’irrationnel, les scientifiques doivent intervenir.
Afin de piloter l’ensemble des stratégies de recherche, le gouvernement veut réduire les organismes publics de recherche à des fantômes sous la tutelle du Ministère de la recherche et cantonner les scientifiques à être de simples exécutants.
Tout ce qui permet à la communauté scientifique d’intervenir dans la définition des stratégies de recherche réduit d’autant le poids des groupes de pression, d’où l’importance de la lutte pour l’existence d’organismes de recherche qui définissent leurs orientations scientifiques à travers leurs instances. La rationalité des choix de recherche dépend du débat scientifique mené dans les instances des organismes, qui ne doivent pas être des chambres d’enregistrement.
Bien entendu, les associations comme l’AFIS, les sociétés savantes, les Académies doivent militer pour la rationalité. Mais la rationalité est rarement gagnante face à l’irrationnel, surtout quand cette dernière bénéficie de tant de complaisances.
Le rapport des forces n’est pas en faveur des travailleurs scientifiques, compte tenu des choix gouvernementaux et du choix de l’ensemble des forces politiques de la presse et des médias de flatter l’irrationnel. Ce qui est déterminant dans le combat contre l’obscurantisme, c’est l’intervention des travailleurs scientifiques pour l’autonomie de la démarche scientifique, la liberté de recherche.
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Gilles Mercier est chargé de recherche à l’INSERM, syndicaliste CGT et membre du Parti Communiste Français.