Un intéressant entretien avec Reinhold Bogner qui explique son parcours, ses expérience et le conservatisme des guitaristes.
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Reinhold Bogner A 13 ans déjà, Reinhold Bogner crée son premier ampli à lampes à partir d’anciens schémas de circuits et de pièces détachées qui traînaient dans l’atelier de son père. Depuis, il a fabriqué des amplis pour les guitaristes comptant parmi les plus exigeants de la planète et, en 2008, il s’est associé à Line 6 pour créer des amplis à lampes absolument inédits.
Les amplis Bogner sont caractéristiques et immédiatement reconnaissables. Que penses-tu du débat entre sons «nouveaux» et sons «classiques»?
Nous avons tous commencé par regarder ce qui existait: Marshall, Fender etc. Ensuite, nous l’avons adapté et personnalisé mais le nombre de connexions possibles dans un ampli à lampes est relativement limité. C’est là que j’en étais il y a environ 30 ans. Entre-temps, je sais que «le» son AC30 ou Plexi n’existe pas car si vous comparez trois AC30 ou trois Plexi, ils délivrent tous un son différent.
Avant les années ‘70, la plupart des firmes avaient des ateliers à différents endroits. Sous des dehors identiques, la plupart des anciens amplis avaient des caractéristiques légèrement différentes. De plus, il y avait parfois des ruptures de stock ou des composants de prix différents. Ensuite, la plupart d’entre eux ont subi des réparations et ont été équipés de composants plus récents. Et puis, les amplis vieillissent différemment. Un ampli qui a passé 20, 30, 40 ou 50 ans en Californie n’a pas le même son que son frère jumeau en Europe. L’humidité et d’autres facteurs climatiques font une grande différence.
En fait, on ne copie jamais vraiment un son: il faut identifier ce qui nous plaît dans un son particulier. Qu’est-ce qui en constitue l’essence? La réponse à cette question est toujours un peu subjective. C’est la raison pour laquelle un musicien choisit un de mes amplis: ce j’entends lui plaît, probablement parce qu’il entend la même chose.
Est-il possible de créer un son entièrement nouveau, que personne n’a jamais entendu?
Bien sûr. Le problème n’est pas tant de créer le son: il faut aussi que le public l’adopte. Malheureusement, j’ai constaté à de nombreuses reprises combien les guitaristes sont conservateurs. Les vieux amplis Fender ou Marshall ne sont certainement pas mauvais mais c’est à peu près la seule chose que l’on entend. Il y a bien sûr des variations, des dégradations ou «améliorations» mais, en fait, rien ne change fondamentalement. Heureusement, il y a toujours des adeptes de l’expérimentation comme Robert Fripp ou David Torn puis il y a des artistes comme David Bowie ou Brian Eno qui font passer ces nouveautés auprès d’un large public. Ces musiciens restent néanmoins des exceptions.
Un nouveau son a besoin de l’artiste adéquat: il lui faut le bon «véhicule» pour être accepté par le public. Il faut créer une réaction du genre: «Waow, c’est cool! Si lui fait un truc pareil, je dois pouvoir le faire aussi.» S’il n’y a pas cette réaction, la plupart des gens rejettent le son en disant qu’il ne sonne absolument pas comme les Beatles etc.
Comment as-tu réussi à surmonter cette résistance et à faire accepter des produits qui sont en définitive tellement particuliers?
Quand j’ai commencé à fabriquer des amplis, c’était encore relativement facile. Je n’ai guère rencontré de résistance. Ensuite, j’ai créé quelques prototypes qui avaient un aspect et un son nettement différents de ceux des amplis traditionnels. L’intérêt qu’ils ont suscité était tellement minime qu’ils n’ont jamais été fabriqués en série. Cela a été une bonne école.
J’adore ce type d’expérimentation mais j’ai aussi compris qu’il ne fallait tout de même pas trop s’éloigner de la «norme». Après tout, je dois satisfaire mes fans et leur donner ce qu’ils attendent de moi mais j’essaie tout de même de leur montrer une nouvelle voie sans les obliger à aller dans cette direction. J’ai appris à mettre de l’eau dans mon vin et à ne pas forcer la main des guitaristes. Line 6 a probablement eu le même type de réaction quand la firme a inventé la modélisation il y a 15 ans. Il y a sûrement eu des musiciens qui ont dit: «Quoi? Un ordinateur? Et il produit des sons? Vous voulez rire?!» Il faut laisser du temps au temps.
Est-ce l’innovation qui rend ce partenariat avec Line 6 aussi intéressant à tes yeux?
Je sais que la technologie est l’avenir des amplis. Je ne suis pas aveugle: j’adore les amplis à lampes mais je vois aussi les problèmes qui y sont liés. Ils posent des problèmes environnementaux et des problèmes de production: les lampes viennent souvent de pays tiers et elles doivent être de bonne qualité. Ensuite, il y a le problème du poids et du transport d’une salle à une autre. Ces problèmes prennent une ampleur croissante alors même que la technologie s’améliore d’année en année.
Arrivera un moment où la technologie prendra le dessus. Il y aura sûrement toujours des gens pour ne jurer que par leur vieux Marshall mais ce ne sera qu’une minorité. C’est ce qui me fascine chez Line 6. Je ne peux pas empêcher la technologie d’avancer et je ne peux certainement pas vous empêcher d’écrire de nouveaux programmes. Il est donc plus intelligent de se joindre à ce processus, d’en tirer des leçons et d’y contribuer. Je sais que c’est l’avenir: autant joindre nos forces et concevoir d’excellents produits.
De plus, je ne fais pas d’amplis à lampes parce que je suis un fendu des lampes. Les lampes ne sont qu’un outil associé à la guitare. Je veux un excellent son, ni plus ni moins. Et si vous pouvez me le donner via mon iPhone, je suis preneur!
source:
http://fr.line6.com/news/general/1284