Vous et les livres...

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jules_albert


https://www.lechappee.org/coll(...)poche

Déconstruire... D'un concept plutôt ésotérique, les gauches "radicales" ont fait un programme systématique consistant à suspecter un rapport de domination sous chaque idée ou comportement. Les théories de la déconstruction, aujourd'hui portées par la culture "woke", créent un climat de suspicion et d'intimidation inédit. Elles prospèrent sur le désert humain de la tyrannie des identités. En dépit de leurs prétentions "émancipatrices" ou "critiques", elles restent aveugles au fait majeur de notre temps : le tournant totalitaire du capitalisme technologique.
Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
Kandide
jules_albert a écrit :
En dépit de leurs prétentions "émancipatrices" ou "critiques", elles restent aveugles au fait majeur de notre temps : le tournant totalitaire du capitalisme technologique.
jules_albert
Kandide a écrit :
jules_albert a écrit :
En dépit de leurs prétentions "émancipatrices" ou "critiques", elles restent aveugles au fait majeur de notre temps : le tournant totalitaire du capitalisme technologique.




Extrait de la postface de Celia Izoard, excellente traductrice de 1984 (éditions Agone) :

Pour goûter toute l'ironie de ce spot publicitaire, il faut rappeler que la critique et la pensée orwellienne étaient au cœur de l'inspiration qui a présidé à l'avènement de la révolution numérique. À la fin des années 1970, pour les mouvements contestataires, une société fondant sa croissance sur celle d'un complexe militaro-industriel était vouée à dissoudre jusqu'au goût même de la liberté. À l'époque, face à IBM, emblème de l'État répressif associé aux grands groupes monopolistiques, les geeks "peace and love" s'étaient emparés des ordinateurs et des réseaux dans l'espoir d'inspirer des communautés virtuelles conviviales soustraites à l'emprise des bureaucraties. Si le modèle de la Silicon Valley est bien l'héritier du projet Manhattan (qui a mis au point la bombe atomique durant la Seconde Guerre mondiale) et des investissements publics dans la recherche en électronique, il est aussi le fruit des rêves de toute une frange de la contre-culture californienne issue des campus universitaires.

L'utopie cybernétique s'est bel et bien matérialisée. Plebiscitée par les classes moyennes, qui ont éprouvé dans la "société de consommation" une euphorie de liberté et de puissance. Mais ce qui s'annonçait comme une révolution face aux tendances totalitaires de la société de masse les a prodigieusement renforcées. L'omniprésence technologique a rendu caduque toute aspiration à retrouver une autonomie matérielle à échelle humaine. Et elle a moins rapproché les individus les uns des autres qu'elle ne les a rapprochés des machines, décuplant notre vulnérabilité à la manipulation de masse.

"L'aboutissement logique du progrès mécanique, notait Orwell en 1937, est de réduire l'être humain à quelque chose qui tiendrait du cerveau enfermé dans un bocal." On trouverait difficilement meilleure image pour décrire la situation créée par le capitalisme numérique. Nous vivons dans un monde où nombre de tâches professionnelles, de loisirs et de conversations ont lieu derrière des écrans. De plus en plus, les possibilités infinies offertes par le mouvement du corps et les cinq sens sont remplacées par une hypertrophie du cerveau, exclusivement alimenté par la vue et l'ouïe. À l'heure où le transfert des activités humaines en ligne justifie la fermeture des espaces publics, notre expérience du monde se déroule sur les parois de verre des bocaux numériques.

L'isolement engendré par notre quotidien numérique crée une atmosphère d'irréalité et de scepticisme qui rappelle singulièrement ce "théâtre d'ombres" qu'est le régime océanien, dans lequel Winston constate que "tout se perd dans la brume". La trame de notre perception du monde et des autres est aujourd'hui faite d'innombrables messages et suggestions de moteurs de recherche déterminés par des algorithmes qui adaptent la réalité à nos préférences. "Quand vous tapez "changement climatique" sur Google, selon où vous vivez, vous aurez des réponses différentes, explique Justin Rosenstein, ancien ingénieur de Facebook et Google. Dans certaines villes, on vous suggérera "Le réchauffement climatique est un canular", dans d'autres, "Le changement climatique détruit la nature". Cela dépend d'où vous faites la demande et des centres d'intérêt que Google vous connaît."

Ce "cerveau dans un bocal" est donc en passe de devenir un trait dominant de notre quotidien. Et comme dans 1984, où les livres sont écrits par des machines, on voit apparaître les premiers romans intégralement rédigés par des algorithmes. À l'instar de Winston Smith, un internaute ordinaire peut vivre à son insu "comme un scarabée sous une loupe", ou, pour le dire avec les mots de Tristan Harris, un ex-designer de Google décrivant l'intelligence artificielle développée par les plateformes, "comme une araignée dont on stimulerait expérimentalement les pattes pour voir quel nerf va répondre". Cette mécanique de prédiction et de manipulation des comportements, généralisées à des fins commerciales, est aujourd'hui tout aussi banalement mise à la disposition des États.

L'avertissement d'Orwell au moment de la parution de 1984 est là pour nous le rappeler : "La morale à tirer de ce dangereux cauchemar est simple : Ne permettez pas qu'il se réalise. Cela dépend de vous."
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Slyonline2
"Think Différent" qu'ils disaient...
Être plutôt que paraître, brouter plutôt que paître...
Kandide
jules_albert a écrit :
Extrait de la postface de Celia Izoard, excellente traductrice de 1984 (éditions Agone) :

Pour goûter toute l'ironie de ce spot publicitaire, il faut rappeler que la critique et la pensée orwellienne étaient au cœur de l'inspiration qui a présidé à l'avènement de la révolution numérique. À la fin des années 1970, pour les mouvements contestataires, une société fondant sa croissance sur celle d'un complexe militaro-industriel était vouée à dissoudre jusqu'au goût même de la liberté. À l'époque, face à IBM, emblème de l'État répressif associé aux grands groupes monopolistiques, les geeks "peace and love" s'étaient emparés des ordinateurs et des réseaux dans l'espoir d'inspirer des communautés virtuelles conviviales soustraites à l'emprise des bureaucraties. Si le modèle de la Silicon Valley est bien l'héritier du projet Manhattan (qui a mis au point la bombe atomique durant la Seconde Guerre mondiale) et des investissements publics dans la recherche en électronique, il est aussi le fruit des rêves de toute une frange de la contre-culture californienne issue des campus universitaires.

L'utopie cybernétique s'est bel et bien matérialisée. Plebiscitée par les classes moyennes, qui ont éprouvé dans la "société de consommation" une euphorie de liberté et de puissance. Mais ce qui s'annonçait comme une révolution face aux tendances totalitaires de la société de masse les a prodigieusement renforcées. L'omniprésence technologique a rendu caduque toute aspiration à retrouver une autonomie matérielle à échelle humaine. Et elle a moins rapproché les individus les uns des autres qu'elle ne les a rapprochés des machines, décuplant notre vulnérabilité à la manipulation de masse.

"L'aboutissement logique du progrès mécanique, notait Orwell en 1937, est de réduire l'être humain à quelque chose qui tiendrait du cerveau enfermé dans un bocal." On trouverait difficilement meilleure image pour décrire la situation créée par le capitalisme numérique. Nous vivons dans un monde où nombre de tâches professionnelles, de loisirs et de conversations ont lieu derrière des écrans. De plus en plus, les possibilités infinies offertes par le mouvement du corps et les cinq sens sont remplacées par une hypertrophie du cerveau, exclusivement alimenté par la vue et l'ouïe. À l'heure où le transfert des activités humaines en ligne justifie la fermeture des espaces publics, notre expérience du monde se déroule sur les parois de verre des bocaux numériques.

L'isolement engendré par notre quotidien numérique crée une atmosphère d'irréalité et de scepticisme qui rappelle singulièrement ce "théâtre d'ombres" qu'est le régime océanien, dans lequel Winston constate que "tout se perd dans la brume". La trame de notre perception du monde et des autres est aujourd'hui faite d'innombrables messages et suggestions de moteurs de recherche déterminés par des algorithmes qui adaptent la réalité à nos préférences. "Quand vous tapez "changement climatique" sur Google, selon où vous vivez, vous aurez des réponses différentes, explique Justin Rosenstein, ancien ingénieur de Facebook et Google. Dans certaines villes, on vous suggérera "Le réchauffement climatique est un canular", dans d'autres, "Le changement climatique détruit la nature". Cela dépend d'où vous faites la demande et des centres d'intérêt que Google vous connaît."

Ce "cerveau dans un bocal" est donc en passe de devenir un trait dominant de notre quotidien. Et comme dans 1984, où les livres sont écrits par des machines, on voit apparaître les premiers romans intégralement rédigés par des algorithmes. À l'instar de Winston Smith, un internaute ordinaire peut vivre à son insu "comme un scarabée sous une loupe", ou, pour le dire avec les mots de Tristan Harris, un ex-designer de Google décrivant l'intelligence artificielle développée par les plateformes, "comme une araignée dont on stimulerait expérimentalement les pattes pour voir quel nerf va répondre". Cette mécanique de prédiction et de manipulation des comportements, généralisées à des fins commerciales, est aujourd'hui tout aussi banalement mise à la disposition des États.

L'avertissement d'Orwell au moment de la parution de 1984 est là pour nous le rappeler : "La morale à tirer de ce dangereux cauchemar est simple : Ne permettez pas qu'il se réalise. Cela dépend de vous."
Tellement vrai que cela est flippant.
Je ne sais même pas si je serai capable de relire 1984 aujourd'hui.

Lorsque j'étais plus jeune j'avais cette "belle" insouciance de la jeunesse, maintenant je l'ai perdu ; elle s'est métamorphosée en une certaine lucidité qui amène de la souffrance en songeant à cette liberté qui nous échappent.

La technologie est, ou était, la promesse de nous délivrer des tâches ingrates... donc nous donner de la Liberté... Mais qu'en est-il vraiment?
L'outil qui devait nous aider devient une entrave, pire encore une chaîne qui se resserre de plus en plus... Qui est le maître, qui est l'esclave ?

Parfois, il faudrait mieux ne pas savoir...
Autant l'ignorance est un fléau, autant la connaissance ne nous délivre pas... ???
La technologie aussi sophistiquée soit-elle, n'est pas la Connaissance...

Je ne sais que penser, je suis très mal à l'aise et je pense qu'effectivement je ne pourrais pas relire 1984.
Adam Bopel
Petite fringale de livres, ces derniers temps ; après avoir dévoré Trois jours et une vie (de Pierre Lemaître) après avoir vu l'adaptation ciné sur ARTE, puis Blanc (de Sylvain Tesson), je suis tombé samedi, en furetant dans une librairie, sur Requiem des innocents, de Louis Calaferte (auteur que je ne connaissais guère).
Après avoir feuilleté les premières pages de ce bouquin, je n'ai pas pu m'en détacher. Je suis en train de terminer ce livre terrible sur l'enfance et la misère, au temps de l'enfance et de l'adolescence de l'auteur. Un choc !



Voici ce qui est écrit en quatrième de couverture :

Ce livre n'est pas un roman. Ici, nulle place pour l'imagination. La zone d'une grande ville, des baraques, le terrain vague, les cris, les coups, la crasse, l'alcool, la sexualité, la brutalité et l'ignorance, la perversité, les jeux cruels des enfants désœuvrés, tout est vrai. Vrai, aussi, le personnage du maître d'école, cherchant à leur donner le goût et l'ambition de la dignité humaine. " Je n'ignore point, dit l'auteur, que ces pages n'ont de valeur qu'en vertu de l'émotion qui, si toutefois j'y réussis, doit sourdre de cette succession de scènes, de faits, tous réels que j'ai dépeints. " Salué comme une révélation en 1952, Requiem des innocents est le premier livre de Louis Calaferte. Il garde aujourd'hui toute sa virulence et demeure un des grands cris de révolte contre la misère et l'injustice du monde moderne.
Kandide
jules_albert a écrit :
L'avertissement d'Orwell au moment de la parution de 1984 est là pour nous le rappeler : "La morale à tirer de ce dangereux cauchemar est simple : Ne permettez pas qu'il se réalise. Cela dépend de vous."
Hélas...
Au nom de la sécurité et de je ne sais quel lobby... on y part droit dedans.


PEACE & LOVE
Si cela veut encore dire quelque chose...
HATE & WAR
(comme dirait The Clash)
jules_albert


https://www.lechappee.org/coll(...)utent

Si je m’adresse aux ingénieurs, c’est parce que je les connais bien. Je suis – ou j’étais ? – l’un d’entre eux. Artisans d’un devenir technologique qui façonne nos existences et structure nos sociétés, ils sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à ressentir de la dissonance cognitive. Quelque chose en eux sait que leur travail creuse le sillon de trajectoires insoutenables pour nos vies et pour la Terre.
Pourquoi alors n’y a-t-il pas plus d’ingénieurs qui désertent ? C’est la question que je me propose d’élucider dans ce livre, en me plaçant dans une perspective résolument politique. Il serait en effet plus que souhaitable, pour eux, mais aussi pour nous tous, qu’ils refusent de se résigner, qu’ils cessent de nuire au plus vite, et pour cela qu’ils s’évadent de leurs cages dorées.

Entretien avec l'auteur : https://www.lechappee.org/actu(...)itive

"En regardant mes compétences en robotique, je ne trouvais pas de jobs réellement utiles, à « impact positif » pour employer un néologisme à la mode. Beaucoup de ces emplois consistent à aider des structures qui elles-mêmes veulent aider des projets écologiques, type conseil en RSE, mais c’est rarement satisfaisant car leurs clients sont soumis aux lois du marché, à la concurrence, et ces activités ne changent en rien la donne."
Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
Kandide
jules_albert a écrit :


https://www.lechappee.org/coll(...)utent

Si je m’adresse aux ingénieurs, c’est parce que je les connais bien. Je suis – ou j’étais ? – l’un d’entre eux. Artisans d’un devenir technologique qui façonne nos existences et structure nos sociétés, ils sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à ressentir de la dissonance cognitive. Quelque chose en eux sait que leur travail creuse le sillon de trajectoires insoutenables pour nos vies et pour la Terre.
Pourquoi alors n’y a-t-il pas plus d’ingénieurs qui désertent ? C’est la question que je me propose d’élucider dans ce livre, en me plaçant dans une perspective résolument politique. Il serait en effet plus que souhaitable, pour eux, mais aussi pour nous tous, qu’ils refusent de se résigner, qu’ils cessent de nuire au plus vite, et pour cela qu’ils s’évadent de leurs cages dorées.

Entretien avec l'auteur : https://www.lechappee.org/actu(...)itive

"En regardant mes compétences en robotique, je ne trouvais pas de jobs réellement utiles, à « impact positif » pour employer un néologisme à la mode. Beaucoup de ces emplois consistent à aider des structures qui elles-mêmes veulent aider des projets écologiques, type conseil en RSE, mais c’est rarement satisfaisant car leurs clients sont soumis aux lois du marché, à la concurrence, et ces activités ne changent en rien la donne."
Kandide
Faut que je me rajoute Hanna Arendt dans la liste de lecture, cela fait un moment que j'entends parler d'elle.
J'ai déjà repéré "La condition de l'homme moderne"
Lao
  • Lao
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  • MP
  • #5668
  • Publié par
    Lao
    le 08 Jun 23, 19:00
Je viens de finir 'La sirène rouge' de Maurice Dantec. Je n'avais vraiment pas trop aimé 'Les racines du mal', trop alambiqué de mon point de vue.
Bon, là il faut faire l'impasse sur certains éléments de l'environnement daté de 1993, donc les PC de course c'est avec Windows 3.1 et des intel 486, le téléphone c'est des cabines sur la route et on a des références aux conflits liés au démantèlement de la Yougoslavie.... mais les personnages sont bien originaux, bien définis et bien détourés, la course poursuite assez évidente à comprendre ... tout ça fait une histoire assez accrocheuse et facile à lire. Du coup, j'ai un peu revu mon opinion sur cet auteur.
Je n'ai pas vu le film.
Raphc
Je suis en mode Python depuis quelque temps. Je viens de lire l'autobiographie de Cleese



Pas dénué d'interet mais pas si extraordinaire. Bien si on veut savoir d'ou il vient en terme d'éducation, son parcours avant les MP, la vie d'un enfant au sortir de la guerre, mais il y a deux gros points noirs pour moi. 1) C'est pas si marrant que ca et son style est pas génial, 2) Il s'arrete a la formation des Monty Python, il n'y a presque rien dessus (hormis son travail avant avec Chapman). Donc on reste un peu sur sa faim (un peu comme les mémoires de Gotlib, on il s'arrete a son premier amour, mais ou par contre le style est génial).
A choisir la "presque" autobiographie de Chapman (A Liar's Autobiography: Volume VI) est bien mieux.


En revanche je termine ca:


Qui est absolument génial. Basé sur des entretiens croisés avec les MP (et les membres de la famille de Chapman qui fait le mort). On voit la formation du groupe, comment faire très serieusement des conneries. La gestion de Chapman qui après avoir découvert son homosexualité et avoir réuni tous ses amis pour l'annoncer (y compris sa fiancée de l'époque, un peu surprise) tombe dans l'alcool (quand tu fais la fete avec Keith Moon, ca doit pas aider). Les batailles avec la BBC pour savoir le nombre acceptable de jurons... Et le financement des films, on sait que "la vie de Brian" a été financé par Harrison qui voulait "voir le film", ce que je ne savais pas c'est que "Sacré Graal" avait été financé, entre autre, par Led Zep, Pink Floyd et Ian Anderson de Jethro Tull...
Lao
  • Lao
  • Vintage Top utilisateur
  • MP
  • #5670
  • Publié par
    Lao
    le 09 Jun 23, 10:04
J'ai failli penser au langage Python (pas réveillé ce matin)

Par contre ça : "(un peu comme les mémoires de Gotlib, où il s’arrête à son premier amour, mais ou par contre le style est génial)." a suscité mon intérêt et m'a réveillé je vais voir ....

En ce moment sur backstage...