Succès surprise dans les charts français début 2012, l'album collaboratif entre Joe Bonamassa et Beth Hart confirme que tout ce que touche le golden boy du blues devient culte. Mais à l'occasion de la sortie d'un album de reprises, Don't Explain, nous avons décidé de parler à Beth Hart qui nous révèle les coulisses du projet mais aussi son ressenti dans la collaboration avec ce surdoué. (ndlr : entretien réalisé fin 2011)

Je suppose que l’idée de Don’t Explain est arrivée lors du duo enregistré sur leur dernier album solo de Joe Bonamassa ?
Beth Hart : Eh bien non ! Cette chanson a été faite le premier jour des sessions de Don’t Explain. Kevin Shirley m’a convaincu de faire quelques chœurs sur ce morceau et après nous avons bossé sur Don’t Explain.

Comment avez-vous décidé de bosser ensemble ?
B. H. : Joe était un de mes fans et il passait souvent mes chansons dans son émission de radio le dimanche. Il est venu me voir à un de mes concerts londoniens mais je ne l’ai pas rencontré. Un mois plus tard, nous nous sommes croisés à un festival en Suisse puis un mois après en Hollande. Nous avons parlé, enfin. Il m’a par la suite proposé de faire un album de reprises soul/blues à deux. J’ai tout de suite accepté.

Joe est connu pour être un féru de musique et il le montre régulièrement dans son émission. La liste des reprises est-elle donc à son image ou est-ce que tu as également pu y mettre ton grain de sel ?
B. H. : J’ai pu choisir pas mal de chansons et cela m’a même surpris. Il est très généreux. Il m’a dit qu’après tout je devais chanter donc il était important que je prenne des morceaux sur lesquels je sois à l’aise. Il a fait une liste de reprises dans son coin et j’ai fait ma liste dans le mien. Nous avons ensuite comparé. Au final, nous avons chacun une moitié d’album ! Cela s’est réparti au hasard sans qu’on se rende compte de la parité ! J’étais contente car je voulais absolument faire du Billie Holiday, Chocolate Jesus de Tom Waits, du Aretha Franklin et du Etta James. Je n'avais jamais entendu aucun des six morceaux choisis par Joe alors qu'il connaissait une bonne partie des miens. Nous avons fait ce disque de manière assez originale car il n'y avait pas de phase de pré-production et pas de répétitions non plus. J'étais hyper nerveuse en arrivant en studio le tout premier jour.

Ca n'a pas empêché l'album d'être dans la poche en un rien de temps, si ?
B. H. : C'est vrai. Le premier jour, trois morceaux étaient finis. Le lendemain, trois autres. Tout est entièrement live, même le chant. Kevin validait par un ok chaque prise et nous n'avons que rarement joué plus de trois ou quatre fois un titre donné. En deux fois deux jours c'était terminé ! Kevin n'a eu besoin que d'enregistrer quelques cordes avant de mixer le tout et de l'envoyer au label.

Joe fait tellement d'albums en une année qu'il ne doit pas avoir plus de temps à y consacrer (rires). Et comme il bosse toujours avec Kevin Shirley, les deux doivent avoir établi une méthode !
B. H. : C'est irréel ! Mais je suis hyper admirative de leur manière de faire. Il y a des albums bien plus produits qui existent et qui sont géniaux mais celui-ci a une vraie force par leur manière d'aborder les choses. Ils ne se prennent pas à la tête avec une liste interminable de trucs à faire et se focalisent entièrement sur la qualité d'interprétation. Crois-moi le résultat final ne s'en porte pas plus mal. Il y a des erreurs sur l'album mais c'est justement elles qui lui donnent du caractère.

Cette approche est assez différente de certains de tes albums solo, non ?
B. H. : C'est vrai. Nous mettions parfois des tonnes de couches et d'overdubs, notamment sur Screamin' For My Supper qui avait bien marché aux Etats-Unis. Leave The Light On ou 37 Days étaient plus live mais contenaient tout de même des overdubs. J'espère pouvoir bosser avec Kevin Shirley pour mon prochain album solo. J'ambitionne de faire un disque de nouvelles compositions mais toutes un peu dans l'esprit de Don't Explain.

Quelles sont les reprises sur Don't Explain qui te parlent le plus ?

B. H. : I'd Rather Go Blind est brillante. Nous avons copié l'arrangement d'un live qu'elle a donné. Sinner's Prayer, Your Heart Is As Black As Night et I'll Take Care Of You sont sûrement les trois autres qui me plaisent le plus. Melody Gardot a été une vraie révélation pour moi dans cet exercice. On peut apprendre tellement de choses d'autres artistes en reprenant leurs morceaux. Ce n'est pas toujours simple, il faut beaucoup bosser et pour cet album je devais bosser seule !

Tu as beaucoup de succès aux Etats-Unis et puis tout à coup, plus rien. Que s'est-il passé ?
B. H. : J'ai fait un genre de déprime. Je ne pouvais plus supporter le succès... J'ai été lâchée par mon label et je suis partie pendant quelques temps faire complètement autre chose. Je suis devenue sobre et j'ai voulu à nouveau faire de la musique, même sans contrat avec une maison de disques. J'ai pu sortir quelque chose malgré tout mais l'album n'a pas touché son public faute de promotion adéquate. Bizarrement, la Nouvelle Zélande et la Hollande ont voulu soutenir l'album et il a eu un relatif succès là-bas. C'était un second départ.

Qu'attends-tu de Don't Explain ?
B. H. : J'ai appris, à mon âge, de ne plus rien attendre de concret. Il faut faire de son mieux, profiter de chaque instant et espérer que des gens aimeront autant que soi. Si l'album est un flop ça ne veut pas dire qu'il est mauvais. Peut-être est-il tout simplement sorti au mauvais moment ? Le timing est tellement important sur ce genre de choses... Néanmoins, je pense que Don't Explain a une vraie chance d'avoir du succès car il a été très bien conçu. Les gens aiment des artistes comme Adele, Duffy ou Amy Winehouse donc ils pourraient retrouver des éléments intéressants chez nous aussi. Le public jeune a redécouvert que ce style de musique avait de quoi les captiver avec ces chanteuses de premier plan. Nous ressentons en tout cas un vif intérêt de la part de la presse et des radios.


Beth Hart & Joe Bonamassa – Don’t Explain
Provogue
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Beth Hart, Don’t Explain