Guitariste.com a eu l'occasion de s'entretenir avec Hartley Peavey, le fondateur de la marque qui porte son nom depuis 1965, pour découvrir avec lui les dernières actualités de Peavey Electronics et Trace Elliot. Si tout le monde connait le Classic 30 et le Bandit 112, combien savent que Peavey détient plus de 180 brevets ? L'innovation et la culture de la différence sont au coeur de l'objectif simple que Hartley s'est fixé lui-même il y a 53 ans : être le meilleur !

Bonjour Hartley, quoi de neuf chez Peavey en 2018 ? 

Peavey a toujours essayé d'innover et d'apporter sur le marché des produits nouveaux et excitants contrairement à ce que font bon nombre de nos principaux concurrents qui continuent de sortir des... reissues (rééditions). Le fait qu'ils continuent de réintroduire leurs anciens produits est très révélateur et illustre un manque d'innovation et/ou de créativité. En 53 ans d'activité, Peavey n'a jamais sorti de réédition... Pourquoi ? Tout simplement parce que chaque année, nos produits s'améliorent et nous n'avons jamais jugé nécessaire de ressortir nos anciens appareils puisque les nouveaux sont bien meilleurs. Ces entreprises qui semblent incapables de s'éloigner de leurs vieilles habitudes dépendent apparemment de ces réintroductions sans fin de leurs vieux modèles.

Vos nouveaux amplis basse de la série MAX® présentés au Summer NAMM 18 avec des haut-parleurs inclinés. Quand pouvons-nous les voir en magasin en France ?

Notre nouvelle série d'amplis basse MAX® a été présentée au Summer NAMM, et ils sont sensiblement différents de nos anciens modèles, avec un look et des performances différents de ce que proposent nos concurrents. Notre quête continue d'être les meilleurs nous OBLIGE à constamment réinventer nos équipements ainsi que nous-mêmes. La fabrication de ces nouveaux amplis MAX® a commencé le mois dernier (octobre) et ils devraient arriver sur le marché français début 2019.

Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est le Peavey Learning Center ? Est-ce uniquement dédié aux débutants ou est-ce que les guitaristes de tous niveaux y trouveront quelque chose de nouveau à apprendre ?

Avec le Peavey Learning Center nous nous efforçons de fournir des cours de guitare aux débutants ainsi qu'aux guitaristes de niveau intermédiaire. Avec le développement des cours et des informations disponibles sur internet, nous avons estimé qu'il serait judicieux de fournir des leçons sur le web pour ceux qui souhaitent commencer à jouer ou pour aider ceux qui ont déjà commencé à s'améliorer. Ces cours de guitare en ligne (en anglais uniquement, NDLR) sont gratuits et font partie de nos efforts pour élargir le marché de la guitare en proposant un "parcours" pour apprendre à mieux jouer aux débutants et aux guitaristes de niveau intermédiaire. Vous pouvez le vérifier sur https://learn.peavey.com   

Hartley, vous revendiquez une approche différente et le fait que vous créez régulièrement de nouveaux produits qui ont amené l'entreprise Peavey à déposer plus de 180 brevets. Y-a-t-il certaines innovations ou inventions pour lesquelles vous aviez de grands espoirs qui ne se sont pas concrétisées en succès commerciaux ou au contraire, certaines dont le succès vous aurez surpris ? Si vous deviez en retenir 1 ou 2, lesquelles illustreraient le mieux l'héritage de Peavey ?

Lorsque j'ai créé l'entreprise en 1965 (il y a 53 ans), j'avais un objectif simple... "être le meilleur". Évidemment, on ne devient pas le meilleur sans être DIFFÉRENT! .... Peavey EST une entreprise très différente de ses concurrents, détenant probablement plus de brevets que la majorité de nos concurrents réunis. Les brevets se méritent en combinant des idées nouvelles et différentes, pas en faisant des rééditions. Bien que mon entreprise ait connu un nombre considérable de succès, nous avons aussi rencontré quelques échecs.
Peavey a sorti le kit de batterie Radial Pro avec le meilleur son jamais créé, en utilisant une technique de fabrication radiale brevetée, sans coquille ni autre accessoire atténuant la résonance... mais évidemment, ils avaient un look différent qui était nécessaire pour produire le meilleur son de batterie acoustique au monde. Malheureusement, nos batteries ne furent pas un succès puisque nous avons découvert que les batteurs voulaient une apparence plus conventionnelle.

À la fin des années 80, Peavey a sorti une gamme de claviers synthétiseurs avec un logiciel révolutionnaire évolutif. Le succès commercial a été très limité car notre idée était de proposer sur le marché un synthé puis de vendre les sons et les mises à jour de logiciel. Malheureusement, malgré notre nouvelle direction, le succès n'a pas été au rendez-vous, même si cela aurait probablement pu être le cas. Heureusement, ces deux expériences relativement infructueuses ont été largement éclipsées par les nombreux succès de nos produits et innovations que notre entreprise à amenés sur le marché depuis plus de 5 décennies, avec le même propriétaire et la même direction aux commandes.

Êtes-vous toujours aux côtés des ingénieurs pour développer les nouveaux produits et pouvez-vous nous expliquer comment votre rôle a évolué au fil des années ? Jouez-vous toujours de la guitare ?

Je suis toujours très impliqué dans le développement de nos produits et il est très rare qu'un produit sorte de nos usines sans que j'aies été consulté ou impliqué. Même si à un moment j'ai cru que j'étais un guitariste, la triste vérité c'est que jouer de la guitare n'est pas mon vrai talent. Au fil des ans, mon mauvais niveau de jeu à la guitare s'est fait remplacer par mon implication dans les différentes technologies, en électronique et développement de haut-parleurs. J'en profite pour souligner que Peavey est l'une des rares entreprises au monde qui fabrique ses propres haut-parleurs. Comme tous nos autres produits, les haut-parleurs Peavey Black Widow® et Scorpion® sont très différents de ceux de nos concurrents.

L'an dernier, vous avez sorti la guitare HP2, marquant le retour d'un des designs les plus célèbres de l'histoire de Peavey, et à mon humble avis, l'un des manche les plus agréables à jouer. Ce modèle était associé à un célèbre guitariste. Pouvez-vous nous éclairer sur le processus de conception d'une guitare Signature ou d'un ampli si vous préférez? Le but est-il uniquement de fournir à l'artiste ce qu'il veut à 100% ou essayez-vous d'y ajouter quelques extra pour séduire un plus grand nombre de clients potentiels ?

En 2017, nous avons réintroduit une guitare conçue par Jim DeCola pour un guitariste célèbre. C'était le résultat direct d'une demande de partout dans le monde. Ce n'était vraiment pas une réédition, puisque la guitare a été fabriquée à l'identique avec les mêmes outils et le même logiciel qu'auparavant. C'est la même guitare, sans le nom célèbre. Concevoir une guitare ou un ampli signature pour un artiste célèbre est un processus complexe. Malheureusement, notre langage est souvent imparfait pour décrire les "tonalités", alors le processus implique généralement de modifier un design existant jusqu'à arriver aux sonorités désirées, confort de jeu, l'apparence, etc.
Nous avons rencontré beaucoup de succès en travaillant avec des artistes célèbres au fil des ans, aussi bien sur des amplis que sur des guitares et basses. Contrairement à la plupart de nos concurrents, Peavey n'a pas une son "SIGNATURE". Chacun de nos amplis est conçu pour convenir spécifiquement à un artiste avec qui nous travaillons, ou à un genre en particulier. En concentrant nos efforts, nous avons ainsi optimisé la sonorité et les performances dans le but essentiel de servir au maximum l'artiste ou le genre, plutôt que d'avoir un seul son en général, comme le font bon nombre de nos concurrents. Grâce à nos nombreuses années d'expérience et notre connaissance approfondie des technologies, nous sommes souvent en mesure d'améliorer les performances au-delà des attentes des artistes.
Notre dernier ampli réalisé en collaboration avec Misha Mansoor est probablement l'un des amplis à lampes les plus sophistiqués jamais proposés au public. L'Invective  offre des sons clairs et des modes de distorsion sans équivalent ainsi qu'un grand nombre d'innovations qu'on ne trouve nulle part ailleurs.

Avec Trace Elliot®, vous avez sorti la petite tête d'ampli portable ELF et les pédaliers de préamplification basse et guitare acoustique Transit. Les mini têtes d'amplis Peavey rencontrent également un franc succès. Constatez-vous une mutation des grands stacks lourds et puissants vers des solutions plus faciles à transporter et polyvalentes ? Ou pensez-vous que les deux peuvent coexister?

Comme la plupart des gens ont pu le constater, les systèmes de sonorisation sont aujourd'hui bien meilleurs que par le passé. Grâce à cela, les gros amplis ne sont souvent pas nécessaires et en conséquence, de nombreux musiciens cherchent du matériel plus petit et portable. Même si l'on observe une tendance vers ce matériel plus léger, de nombreux guitaristes et bassistes professionnels apprécient toujours l'"interaction" qu'offre un ampli, et généralement cela implique un système avec des haut-parleurs plus grands. La technologie nous permet de concevoir des produits électroniques légers qui sont très puissants et les nouveaux matériaux des aimants permettent de produire d'excellents haut-parleurs tout en réduisant le poids de 50%. La réalité c'est que des deux côtés du marché, on constate des développements considérables, aussi bien pour les gros amplis puissants tels que l'Invective évoqué précédemment, que pour les amplis petits et légers comme l'ELF de notre division Trace Elliot®. Notre objectif avec l'ELF était de proposer un ampli de qualité professionnelle qui soit petit et puissant avec 200 Watts pour 730g.

Avez-vous remarqué des différences dans l'évolution des marchés de la musique en Europe par rapport aux Etats-Unis ? Que ce soit en terme de croissance (ou manque éventuel) ou le fait que certains produits rencontrent plus de succès d'un côté que de l'autre ?

Des différences significatives ont toujours existé entre les marchés américains et européens. Les enceintes amplifiées se sont fortement développées en Europe avant de devenir populaires aux USA. À part cela, les niveaux d'exigences de performances toujours plus élevées en matière de sonorisation et d'amplification pour instruments ont évolué de façon significative des deux côtés de l'Atlantique, convergeant vers ce qu'on peut appeler une norme mondiale. 

Je tiens à remercier nos revendeurs, nos distributeurs et nos clients à travers le monde pour le soutien durant toutes ces années. De nombreuses caractéristiques et fonctions de nos équipements nous ont été suggérées par nos clients, et nous avons été capables d' intégrer leurs suggestions dans nos produits au fil des décennies. Nous les écoutons car c'est important pour nous... en espérant que ça se voie. C'est un honneur pour moi de travailler avec Peavey depuis plus de 53 ans (j'ai fabriqué mon premier ampli en 1957). Je suis heureux de dire qu'après toutes ces années, je suis toujours là tous les jours. Chaque jour, j'ai l'occasion d'apprendre quelque chose de nouveau et c'est ce qui m'intéresse. Et cette implication totale dans l'entreprise nous a permis, à moi et à la Compagnie, d'évoluer, de nous développer au-delà de nos rêves et je suis heureux que ce processus continue encore aujourd'hui.

Distributeur pour la France :  Face.be

Interview de Hartley Peavey