Depuis l'arrivée sur le marché de Fractal Audio en 2006, les modélisateurs/multi effets tout en un ont regagné leurs lettres de noblesse, redevenant des outils professionnels et de haute qualité, bien au-dessus de la réputation de couteau suisse du pauvre de la ligne de produits Line6 de l'époque. Cependant, la difficulté d'accès de ces matériels est restée un frein pour tous les "non-geek" jusqu'à ce qu'en 2015, Line6 (encore eux !) révolutionnent le genre avec un pédalier complet, transportable et à l'interface intuitive : le Helix. Le succès de cette machine a immédiatement inspiré nombre de marques, et des transfuges de chez Avid ont repris et repensé les bases logicielles du vieillissant Eleven Rack pour créer le pédalier Headrush Pedalboard, dont nous allons aujourd'hui tester la nouvelle version compacte : le GIGBOARD "Ta Ta Tsoiiiiin" !

Montée à Board

Soyons honnêtes et arrêtons de nous la péter genre "j'ai tout vu" hein, je dois admettre que c'est le premier de ces nouveaux multis haut de gamme que j'ai entre les mains pour un examen approfondi, et en premier lieu l'aspect est fort encourageant. Nous avons là une belle machine en aluminium noir texturé, lourde juste ce qu'il faut avec un hardware bien assemblé et qui semble de qualité. La mise en route du système est un peu longue (15 secondes environ) mais le grand écran tactile est très beau et très lumineux. L'interface utilisateur me semble très lisible même d'assez loin. Après, j'avoue qu'en pensant scène, ces machines avec l'équivalent d'une tablette posée au sol entre les pieds d'un guitariste fou et les gobelets de bière d'un public en sueur, ça ne me rassure pas. Cela dit,  je n'ai pas entendu parler d'accidents d'écran sur ces machines, donc je psychote peut-être un peu, mais bon...

Gig pour Geek

Comme à mon habitude, je commence à tripatouiller la machine sans m'aider du mode d'emploi, pour pouvoir jauger de son intuitivité. Ma première impression est très bonne : pour qui a déjà manipulé un smartphone dans sa vie, c'est-à-dire tout le monde sauf tatie Francine qui a déjà mis dix ans à comprendre le concept de la souris et du double clic (oooooh moi tu sais le téléphone et toutes ces fusées-là, hein, moi ce que j'en dis... allez je retourne préparer la piperade hein !), bref, pour la grande majorité, il sera facile de comprendre qu' un clic active ou désactive la pédale, que le glisser/déposer fonctionne comme n'importe quelle interface d'OS, ainsi que le double clic qui donne accès aux paramètres.

A propos des paramètres, notons qu'ils se règlent rapidement grâce à des faders tactiles mais que la grosse molette à côté du master volume permet également un réglage fin au dixième de valeur. Bien vu, surtout pour les gros doigts.

Bref, construire un "rig" est un jeu d'enfant et en éditer un parmi les presets existants l'est tout autant.

Ca s'utilise comme les icones de ton Galaxtus Ifoune huwey X 34B.

Gigboard-el

Nous allons approfondir un peu pour commencer à comprendre l'architecture du système et comment organiser nos rigs et nos presets, et c'est là, à mes yeux, que ça se corse un petit peu. Je veux dire, on sent que l'UI (User Interface, bande de noobz) a été conçue pour le grand frère Headrush Pedalboard, et que le Gigboard est un peu juste avec ses quatre footswitches et son seul bouton de contrôle instantané. 

Nous avons un système de gestion des rigs par setlist, une fonction stompbox pour activer/désactiver des effets en instantané, un mode hybride pour parcourir les rigs en gardant la moitié des switches en mode stompbox, un mode "mains libres" pour accéder à des paramètres au pied, un looper et une page "tuner" incluant l'accorder, un mute et le tap tempo. Et tout cela est excellent et fichtrement bien pensé, avec un big up à l'accordeur ultra-précis et visible ainsi que les boutons stompbox aux couleurs customisables. Mais avec seulement 4 switches, c'est la jonglerie entre les appuis longs, les défilements d'écran et les 3 "je sors d'une page pour accéder à une autre". D'ailleurs, pour moi qui suis un delay-ophile, l'accès au tap tempo, obligé de se faire via un appui long, est rédhibitoire. C'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup. Toc.

Bon puisqu'on en est sur le négatif, je vais continuer un peu, hein, juste avec, encore une fois, deux "détails" : le premier est l'absence de logiciel d'édition sur ordi via USB, ce que je ne comprends pas sur une machine aussi orientée "moderne". Gérer ses setlists et ses rigs sur un grand écran, importer ses IR et ses presets via une interface logicielle (on peut le faire, mais en utilisant le Headrush comme un simple dossier de fichiers, en mode "USB transfer "), c'est pourtant un confort important... là pour le coup, Headrush sont à la ramasse par rapport à la concurrence, désolé de le dire !

Et second détail : face aux limitations physiques de l'appareil, certains parmi vous ont pu se dire qu'ils pourraient se servir des prises MIDI de l'appareil pour accéder aux fonctions de manière plus souple ? Eh bien il faut savoir que l'implémentation MIDI se limite au strict minimum, c'est-à-dire l'envoi et la réception de messages Program Change. Autant dire que l'évolutivité de la machine à ce niveau est donc assez faible...

L'accordeur le plus visible et utilisable que je n'aie jamais vu sur un multi-effets !

USBien raisonnable ?

Alors, une des promesses du Gigboard est également, comme souvent avec ces machines, de faire office d'interface audio USB pour l'enregistrement et le mixage et, chose assez rare, pour le réamping. Là, j'avoue que les fonctionnalités du Headrush me plaisent bien : on peut enregistrer simultanément le signal processé par le Headrush et le signal brut de la guitare pour pouvoir le réutiliser plus tard et on peut repasser un signal déjà enregistré à travers le process du Headrush, en mode reamping donc.  On a donc une belle souplesse de travail pour le guitariste ! Dommage par contre que l'absence d'une entrée micro et/ou de la possibilité d'enregistrée l'entrée AUX fassent que la machine ne peut remplacer intégralement l'interface audio du home studiste.

Oui mais bon, est-ce que ça Rush la tête de sa mère ?

Eh bien pour être franc, oui. 

J'ai parcouru un peu au hasard quelques-uns des 270 (!) presets de la machine et il faut bien avouer que comme souvent il y a à boire et à manger, mais on constate très vite une vraie polyvalence dans les grains, qui peut aller jusqu'aux extrêmes. Et donc, par la force des choses, l'idéal va être de prendre du temps pour "construire" ses propres rigs, tant l'équilibre entre les EQ, les gains, les harmonies entre baffle et ampli, le placement des micros... peut être déterminant quant à la qualité du rendu.

Comme dans la vraie vie, en fait. 

Je crois que cela va me permettre de placer un conseil de routard à tous ceux qui sont tentés par ce genre de machine : avant de bosser dessus, comme dans un vrai studio, sachez ce que vous voulez et ayez déjà une petite idée de comment l'obtenir ! Avec 34 amplis, 15 baffles et 10 micros, sans même toucher aucun réglage, vous avez 5100 combinaisons possibles. De quoi très vite se perdre et saturer ses oreilles, et je pense que c'est là une des raisons qui font que certains sont déçus après des heures passées à tweaker.

C'est pour cela que je n'ai pas choisi de peaufiner une grosse quantité de sons dans ma petite démo, il est peu probable que dans l'énorme profusion de combinaisons, mon oreille en peau de loutre moisie me fasse vous présenter le Saint-Graal du son que VOUS cherchez !

(Et de toute manière, les deux bestioles étant strictement identiques en terme de possibilités sonores, je ne peux que vous encourager à aller voir du côté du test du Headrush Pedalboard par le collègue Nicolas Minier, qui vous a pondu, lui, une belle vidéo de plus d'une heure !)

Tout ce qu'il y a à retenir, c'est que comme de plus en plus souvent dans les modélisateurs modernes, on a du convaincant, du plus que convaincant et de l'excellent. Même si les cleans me semblaient manquer un peu de grain et que les enfonceurs de portes ouvertes diront que non, ça n'est toujours pas pareil qu'un stack à lampes chauffé à blanc depuis 3 heures sans master volume sous le soleil de Woodstock. L'ensemble des sons que j'ai pu tester s'avère crédible, avec un grain musical, une réelle dynamique et une jolie articulation des notes. Niveau effets, les possibilités ne sont pas celles d'un Lexicon en terme de complexité mais, encore une fois, sur la qualité sonore pure il n'y a pas de point faible : on est entre le plus que correct (tremolos) et le très très bon (reverb).

Je noterais juste que la machine semble plus à son aise en direct console/PC que dans la boucle d'un ampli où avec les réglages à plat les modélisations me semblent un peu sombres, mais c'est assez facile à compenser via le réglage global d'égalisation. 

Extraits audio : Yamaha RGX421 DL avec micros Tom Anderson. Enregistrement direct via carte son Steinberg UR22 sans post-traitement.

CONCLUSION

Tout y est en matière de qualité sonore (et ça reste l'essentiel, certes.), de qualité de fabrication, d'un ensemble résolument haut de gamme et pétri de possibilités ! Il faut juste se rappeler que l'ergonomie de cette petite machine fait suffisamment de compromis pour que l'on y regarde à deux fois avant de dépenser les 599 € de prix généralement constaté qui constituent un très bon rapport qualité prix, mais qui ne sont pas rien ! Pour résumer ma pensée, en studio c'est top, comme compagnon de travail du guitariste nomade c'est super top, mais sur scène, il faut impérativement vérifier si les limites de la machine n'empiètent pas sur votre besoin.

Sur ce, je vais quand même faire encore un peu joujou avec tant que l'importateur ne l'a pas récupéré, parce que si ça me fait encore envie, c'est que ça doit être bien ! Nadeeeeedieu.

LES PLUS

 - Les sons
 - La qualité de fabrication
 - L'interface au top
 - L'intuitivité de programmation
 - Les possibilités fonctionnelles

LES MOINS

 - L'ergonomie limitée par la taille
 - L'absence d'éditeur PC/Mac
 - Les fonctions MIDI très succinctes

Test du Headrush Gigboard