AFP - dimanche 20 janvier 2008, 20h48
Louis de Cazenave est mort, Lazare Ponticelli devient le dernier poilu vivant
Louis de Cazenave, l'un des deux derniers poilus de la Première Guerre mondiale, s'est éteint dimanche au petit matin, à l'âge de 110 ans, faisant de Lazare Ponticelli, 110 ans et de quelques semaines son cadet, le dernier combattant français de la "Der des der" encore vivant.
Celui-ci rentrera dans l'histoire à ce titre mais M. Ponticelli récuse tout traitement de faveur: "Les premiers poilus qui sont tombés ont droit à autant d'honneur que moi qui suis le dernier", a-t-il dit en apprenant la mort de M. de Cazenave, selon des propos rapportés à l'AFP par sa fille chez qui il réside au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne).
M. de Cazenave est mort "paisiblement", entre cinq et sept heures du matin, a annoncé à l'AFP son fils de 76 ans, avec lequel il vivait à Brioude (Haute-Loire): "Il est mort comme il le désirait, chez lui; il s'est éteint comme une chandelle".
Les obsèques de l'ancien combattant, qui avait fêté le 16 octobre ses 110 ans, auront lieu mardi dans un lieu encore à déterminer, a indiqué la préfecture de Haute-Loire.
La disparition de M. de Cazenave, qui avait reçu à 98 ans, en 1995, la légion d'honneur, fait de M. Ponticelli, né comme lui en 1897, le dernier des 8,5 millions de "poilus".
Nicolas Sarkozy a fait part dans un communiqué de sa "grande émotion", adressant "à sa famille les condoléances attristées de la Nation".
"Sa disparition est l'occasion pour chacun d'entre nous d'avoir une pensée particulière pour les 1,4 million de combattants français qui ont fait le sacrifice de leur vie durant ce conflit, pour les 4,5 millions de blessés, pour les 8,5 millions de mobilisés", a ajouté le président.
Le ministre de la Défense Hervé Morin a souligné qu'il était parti "avec la discrétion et la simplicité qu'il cultivait comme un remède aux fracas et à l'horreur des combats".
Le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants, Alain Marleix, a lui rappelé s'être rendu "au nom du président de la République" le 21 décembre auprès de M. de Cazenave pour lui "réaffirmer la reconnaissance de la France".
Parti en décembre 1916, à 19 ans, de Saint-Georges-d'Aurac (Haute-Loire), son village natal, M. de Cazenave avait intégré le 22e régiment d'infanterie coloniale, avant de combattre au Chemin des Dames avec le 5e bataillon de tirailleurs sénégalais.
Il a survécu, sans jamais oublier ses compagnons tués et blessés, comme il l'a écrit plus tard. Il était devenu un "pacifiste forcené", selon sa petite fille Alex.
Après la guerre, il s'était marié, était devenu cheminot et avait eu trois enfants. Sous le régime de Vichy, la police l'avait jeté quelques semaines en prison. Selon son fils Robert, il n'approuvait pas le régime de Pétain. Révoqué des Chemins de fer, il resta ensuite chez lui, jusqu'à sa mort.
En mars 2007, M. de Cazenave avait déclaré à La Montagne vouloir que ses obsèques se déroulent dans "la simplicité", après que Jacques Chirac eut promis des "obsèques solennelles de portée nationale" au dernier poilu.
M. Ponticelli, né en Italie avant d'en fuir la misère à neuf ans et demi, et qui habite chez sa fille Janine Desbaucheron, a appris la nouvelle en fin d'après-midi. "Il va réaliser dans les prochains jours" qu'il est devenu un symbole, a commenté celle-ci.
Franco-Italien naturalisé en 1939, lui-même avait fait savoir qu'il ne tenait pas à une telle cérémonie.
Sa fille a nuancé ce refus: "Je ne dis pas non mais on y mettra des restrictions. Il faudra que cette cérémonie se fasse en l'honneur de tous les poilus et de tous les hommes et les femmes qui sont tombés".