jules_albert a écrit :
skynet a écrit :
Ou tout simplement nous terroriser, nous désorganiser, diviser.
c'est dans la prolifération cancéreuse de la tyrannie qu'il faut situer le terrorisme : cette tyrannie d’aujourd’hui, si insolemment surdéveloppée qu’elle peut même assez souvent se faire reconnaître le titre de "protecteur de la liberté", si minutieusement impersonnelle ; cette tyrannie qui choisit à la fois comment ses sujets devront se soigner et pourquoi ils seront malades ; qui fixe le triste modèle de leur habitat et le degré exact de la température qui devra y régner ; l’apparence et le goût qui devront plaire dans un fruit, et la dose convenable de chimie qu’il lui faudra contenir ; et qui enfin s’est donné la puissance de défier une vérité aussi éclatante que le soleil lui-même, et le témoignage de vos pauvres yeux, en vous faisant admettre qu’il est bel et bien midi à dix heures du matin.
cette tyrannie fondamentaliste qui contamine l'air, l'eau et le sol, qui est responsable de la radioactivité environnementale, des catastrophes climatiques, de la destruction des forêts et des terres cultivables, de l'accumulation de résidus, de l'augmentation des maladies cardio-vasculaires, de l'augmentation des cancers et des maladies mentales, d'épidémies diverses toujours renouvellées, à quoi s'ajoutent les crises financières, immobilières, d'endettement, le chômage et la précariété, les crises énergétiques et les guerres pour le pétrole, sont les indicateurs de la tyrannie fondamentaliste qui gouverne le monde, ils indiquent la tournure démentielle qu'ont pris l'alliance de l'économie et de la technologie, cette tyrannie que l'on appelle industrialisation et croissance, et qui impose son mode de vie mortifère sur toute la surface de la terre.
la croissance économique à tout prix est devenue une foi et un destin. les consommateurs sont des croyants fanatiques d'une religion dont les églises sont les centres commerciaux, et les évêchés les banques. dans les parlements une nouvelle sorte de prêtres (l'élite politico-économique) met en scène la foi dans le marché.
foi est d'ailleurs un terme qui à l'origine signifie confiance, crédit (creditum). le fait est que cette élite est en guerre : la libre circulation des capitaux et l'approvisionnement en énergie dépendent en grande mesure d'une guerre en cours au moyen-orient qu'une horde de croyants d'une religion rivale tente de déplacer dans les capitales européennes.
ces attentats annoncent que l'heure de la souffrance est arrivée pour les populations occidentales, victimes d'une guerre déclarée unilatéralement par leur élites. des personnes au hasard payent de leur vie l'irresponsabilité de leurs élites et l'infâme dynamique de la croissance. ce sont les dommages collatéraux d'une guerre considérée comme laïque en occident mais qui a été déclarée guerre sainte par les fondamentalistes de l'autre bord.
cette tyranie économique produit la société de masse dans laquelle des individus déracinés, en quête d'une identité et qui ont grandi dans des environnements déstructurés (produits d'un urbanisme démentiel), sont attirés par le fanatisme jihadiste, alors qu'à d'autres époques ils seraient allés renforcer les rangs du prolétariat révolutionnaire. aujourd'hui, ils cheminent vers la mort en commettant des atrocités avec enthousiasme. ce ne sont pas des ignorants, ni de simples nihilistes : le fanatisme wahabite leur a donné une identité, il a rempli leur vide moral et existentiel donnant un sens rédempteur à leur mort qui sera récompensée dans l'au-delà.
il n'y a pas de solution militaire, car le problème est d'ordre moral et civilisationnnel. la société de masse réunit les meilleures conditions pour que le culte de la mort se perpétue : sans issue révolutionnaire (dans le sens d'abolition du capital et de l'état), l'occident ne sait répondre à la crise que par des replis nationalistes, l'apparition de partis identitaires, la haine psychotique de l'autre, l'autoritarisme, etc. l'europe n'a jamais été une terre d'asile ni d'accueil, et la faible natalité de sa population salariée se conjugue mal avec la force de travail venue pour compenser ce déficit.
dans une société de consommateurs angoissés, les travailleurs qui viennent d'ailleurs constituent un corps étranger, difficilement intégrable (cf. mezioud ouldamer, "le cauchemar immigré dans la décomposition de la france").
face au "terrorisme", il ne reste que l'adhésion au consensus et la résignation nous assènent les porte-paroles de l'état car "notre mode de vie", "la démocratie" et "la liberté" sont en danger... mais de quel mode de vie s'agit-il ? de quelle démocratie ? et de quelle liberté ? ces expressions peinent à dissimuler ce qu'elles signifient de nos jours : la vie sous la violence économique, la soumission à la démagogie politique, le contrôle social et la menace d'exclusion.
l'élite politico-économique souhaite le status quo qui ne favorise que le secteur dominant qui en tire profit. pour être heureux, il suffirait de s'adapter aux changements permanents que l'on nous impose, voter, être à la mode et acheter tous les gadgets que la publicité nous inflige... est-ce que ça vaut la peine de se faire massacrer pour ça ? voilà ce que les holding de la communication s'efforcent de cacher, aidés par la crainte du prochain attentat.
la guerre se déroule entre barbares (êtres éloignés de la raison pour lesquels la fin justifie tous les moyens). entre d'une part, ceux qui veulent imposer "notre mode de vie" au moyen de bombardements et d'autre part, ceux qui tirent de façon aveugle ou se font exploser au milieu de la foule.
la religion - celle du marché, celle du paradis au ciel - est une preuve de barbarie. peu importe que le paradis promis soit à l'ombre des sabres comme l'affirme le hadith du prophète, ou sur la bande magnétique d'une carte de crédit. la religion définit une communauté de fidèles, abstraite et illusoire, en fonction d'un ennemi, "le pêcheur infidèle" ; en ceci, elle n'est pas différente de la politique où le concept d'"ennemi" est d'une grande utilité pour justifier la fonction policière de l'état. l'ennemi est désormais la menace diabolique qui pèse sur "la civilisation" et "les institutions démocratiques que nous nous sommes données".
la communauté des "citoyens" - version moderne de l'ancienne "chrétienté" - doit se prononcer obligatoirement. les contradictions et les antagonismes sociaux sont sublimés et déplacés à l'extérieur, opération idéologique qui transforme les guerres offensives en guerres de légitime défense, et les consommateurs pacifiques et angoissés en nationalistes xénophobes.
l'administration de l'anxiété et de l'insécurité, la peur généralisée, autorisent des mesures de contrôle, des états d'exception et la suspension des droits beaucoup plus facilement si elles sont accompagnées d'images d'attentats. ces mesures d'exception pourront être utilisées contre n'importe quel genre de contestataires comme on l'a vu récemment à paris lors du sommet sur le climat (cop21).
la société avance à grands pas vers le fascisme (un fascisme sans führer, anonyme, technocratique, convivial, comme notre époque). la mort suscite dans la société de masse une décharge émotionelle plus puissante que celle de la vie et, sous le capitalisme actuel, les religions et les nationalismes mortifères attirent davantage que la lutte pour l'égalité, la justice et la liberté.