Salut copain tatouilleur de cordes ! On m'a dit que tu avais aimé mon article sur les amplis et on m'a instamment prié (l'orteil serré dans un étau) de faire d'autres articles de vulgarisation. Aujourd'hui et donc dans la continuité, je vais vous parler des overdrives, distortions, fuzz, boost et autre colorisateurs de son. T'es accroché copain ? On monte le gain !
Petit rappel théorique sur l'effet de saturation
Revenons sur ce que nous avons vu avec l'amplification à lampes, c'est à dire le principe de la saturation. Notre son est véhiculé sous la forme d'un signal électrique sinusoïdal (en réalité un ensemble de sinusoïdes et de leurs harmoniques, mais nous allons rester sur une vision simplifiée)
Ce signal sinusoïdal donc, nous allons l'amplifier, augmenter sa tension (en volts). Et à un moment, cette tension va dépasser la tension de travail de composants (tubes, transistors, diodes...) qui sont sur le chemin du signal audio. Alors, toute la partie du signal qui dépasse cette tension de travail va être affectée, c'est ce qu'on appelle la saturation, l'écrêtage ou en anglais le clipping. Cette partie du signal va être soit écrasée (soft clipping) soit carrément tranchée net (hard clipping). Dans le cas particulier de clipping à diodes, on va pouvoir aussi créer un clipping dit asymétrique en n'affectant que la partie positive de la sinusoïde.
Lorsque le niveau d'amplification du signal de base fait que seule une faible partie est écrêtée, on parle d'overdrive. Lorsque l'amplification est telle que la forme d'origine du signal est complètement modifiée et indiscernable, nous somme dans le domaine de la distortion (ou distorsion en français, mais pour des raisons de simplification, nous avons préféré le terme anglais qui colle d'avantage à l'utilisation que les guitaristes en font, NDLR).
Il est à noter qu'il n'existe pas vraiment de limites techniques définies entre overdrive et distortion et que du pur point de vue sonore, ce que certains appelleront un overdrive musclé sera pour certains une distortion légère.
Et les histoires de diode, de chip, tout ça ?
Alors pour faire simple, comme je l'évoque plus haut, on obtient une saturation (clipping) en envoyant un signal dans un semi-conducteur (diode ou transistor) ou une lampe, suffisamment amplifié (par un transistor ou un ampli OP) pour qu'il dépasse sa plage de fonctionnement nominale. Celui-ci va donc écrêter le signal (couper tout ce qui dépasse), créant donc un overdrive, une distortion ou une fuzz (selon le taux et le type de saturation).
(- Tu abuses un peu sur les parenthèses là)
(- Non moi j'aime bien)
*bruit de machette qui sort de son fourreau*
(- D'accord, d'accord, si on peut plus rigoler...)
Et donc un des moyens les plus simples de changer légèrement la couleur d'un circuit de saturation, c'est de modifier les semi-conducteurs en charge de ce travail, ou ceux en charge de l'amplification.
Ainsi, au sein d'un circuit de type Tube Screamer, il est courant de changer le fameux ampli OP JRC4558D pour obtenir une pédale au son plus clair, plus raide, plus sale, plus épais, avec des amplis OP comme le Burr Brown OPA2134, le Texas Instruments TL072....
Sur les circuits comme celui de la DS1, on pratique souvent un changement des diodes qui sont responsables de la saturation. Des diodes en silicium, en germanium ou des LED ont une manière différente de réagir, plus ou moins naturelle, plus ou moins agressive...
Sur les circuits de saturation à FET et certaines Fuzz à transistors, il est réputé que certains transistors soient d'une fabrication variable et certaines pédales exigent que les composants soient choisis à la main. On peut également noter que certains transistors vintage sont sensibles aux changements de température, créant des aléas de son sur les Fuzz vintage.
J'aimerais pouvoir te simplifier la vie à ce niveau-là copain, mais il n'y a pas vraiment de règles dans tout ça, genre « ca c'est plus cher mais ca sonne mieux ». C'est pour cela que les bidouilleurs comme les fabricants avancent très souvent à tâtons pour concevoir ou modifier une pédale de drive.
Bon, maintenant que (presque) tout le monde a compris de quoi nous parlons, voyons quelles boiboites font quoi !
Le début de l'histoire avec l'effet Fuzz
L'histoire des processeurs de drive commence donc avec l'industrialisation des semi-conducteurs (diode, transistor) dans les années 50.
Petit aparté et pour ceusses qui l'ignoreraient, le semi-conducteur est le composant qui a vraiment révolutionné l'électronique et sans qui rien, et je dis bien RIEN de ce que nous utilisons aujourd'hui n'existerait. Un circuit intégré est un bloc composé de transistors, et un microprocesseur est un circuit intégré ultra compressé et miniaturisé (dans un core I7 moderne, il y a plus de 2 milliards de transistors... owtch.)
Le transistor donc, petit objet en silicone ou germanium remplissant les mêmes fonctions que la lampe d'amplification, s'avère très petit, solide, sans temps de chauffe et d'une consommation électrique minimale. Or, puisque le transistor peut amplifier et donc saturer le signal lui aussi, pourquoi ne pas faire de petites boites à graouh ?
Deux boutons, même pas dix composants dedans, les mamies faisaient dans le simple.
La pédale qui a défriché le terrain pour toutes les autres est la Gibson Maestro FZ-1 Fuzz Tone sortie au début des années 60 et rendue célèbre en 1965 par Keith Richards sur le riff de "satisfaction". D'autres pédales de légende suivront sur le même modèle comme la Tonebender ou la Fuzz Face, mais il faudra attendre la fin années 70 pour voir apparaître des conceptions un peu différentes du circuit rudimentaire de la Fuzz et son rendu plutôt, disons, sale. (mais tu aimes quand c'est sale, hein, coquinou!)
La distortion
(A ne pas confondre avec l'Adidas Tortion, ni avec la distortion spatio-temporelle, encore qu'on puisse possiblement jouer de la disto en remontant le temps chaussé d'une paire de running, mais je m'égare.)
Si techniquement, la distortion fait la même chose que la Fuzz c'est à dire allègrement saturer le signal jusqu'à lui faire perdre sa dynamique et son grain d'origine, elle le fait d'une manière plus respectueuse du jeu du guitariste, plus propre. Les deux pionnières de la disto, la Boss DS1 et la Proco RAT, apparues toutes les deux en 1978, plutôt que de saturer des transistors conventionnels comme les Fuzz, utilisent des circuits à base de circuit intégré d'amplification (appelé aussi amplificateur opérationnel ou ampli OP) faisant saturer des étages de diodes. La diode est « l'autre » composant semi-conducteur indispensable à l'électronique moderne, de fonctionnement plus simple que le transistor et ayant d'autres applications.
L'overdrive et la naissance d'une légende
Un an après nos pionnières de la distortion, Nisshin, compagnie japonaise fabriquant des pédales pour Ibanez mais les commercialisant également sous le nom de Maxon, prend le parti de réaliser une pédale sur ce même principe d'ampli OP et de saturation à diode, mais au gain beaucoup moins élevé pour laisser la couleur sonore de la guitare s'exprimer, et à l'égalisation focalisée sur les médiums. L'idée était que le rendu de cette pédale soit beaucoup plus proche de la saturation d'un étage d'amplificateur à lampes, ce qui lui donnera son nom : la TS-808 Tube Screamer.
Il est à noter que deux ans avant, Boss sortaient son overdrive OD1 dont le schéma était quasi identique mais qui utilisait un clipping à diode asymétrique, pour lequel la maison mère Roland avait déposé le brevet à l'époque. Parmi ces deux sœurs ennemies, c'est la petite verte qui verra son nom rentrer dans les annales, popularisée d'abord par Stevie Ray Vaughan puis par des centaines d'autres artistes. A la OD1, se verra succéder la SD1 plus polyvalente.
Les overdrives qui suivront seront pléthore de par leur utilité multiple (boost ou crunch) et la variété de couleurs sonores qu'ils offriront au guitariste sans sacrifier à la dynamique.
Et après ? Juste des variations de distortion ?
Alors après, on va pas y aller par quatre chemins : depuis la Big Muff, la Fuzz Face, la DS1, la Rat et la Tube Screamer, très peu de circuits entièrement originaux ont été créés, et une grande majorité des pédales que l'on peut trouver sont des variations de ces circuits, avec plus de gain, moins de gain, une égalisation différente, un buffer, des composants de marque ou de matière choisie différemment... Même si le résultat final peut être radicalement différent, le squelette reste le même, depuis des pédales comme la Ibanez Jemini qui ne se cache pas d'être une Tube Screamer et une DS1 modifiées et collées ensemble, jusqu'à des monstres comme la Cornish G2 dont on pourrait calquer 80% du schéma sur la Big Muff, alors que le rendu n'a rien à voir du tout !
Cherche pas, je suis trop chère pour toi baby.
Par ailleurs, même les concepteurs et fabricants de circuits cultes comme la Big Muff et la Tube Screamer ont décliné leurs produits de mille et une façons différentes, modifiant subtilement le circuit, rajoutant des options, changeant le packaging...
Fifty shades of green...
Cependant, l'évolution de la technologie a permis deux choses : d'une part, la création de vraies pédales de saturation à lampes, grâce à des systèmes de multiplication de tension permettant d'alimenter une lampe de préampli à des tensions correctes grâce à un transformateur de taille raisonnable.
Et d'autre part, les transistors à effet de champ ou MOSFET dont je vous ai déjà parlé dans l'article sur l'amplification, ont permis de s'inspirer de la structure d'étages de saturation d'amplis à lampe en remplaçant ces dernières par ces fameux transistors.
AMT, une marque devenue spécialiste des pédales « amp in a box ».
La AMT B1 s'inspire de la saturation d'un ampli Bogner.
C'est bien beau tout ça mais quelle pédale de disto choisir ?
Alors là si tu veux, copain, voir juste au-dessus, le problème est un peu insoluble... Si tu vas sur ton site de VPC préféré, tu trouveras plus de 500 références en pédales de drive, de 18€ à presque 500. Et le souci, c'est qu'à part sur des détails comme l'alimentation, il n'y a ni élément de choix pragmatique, ni assurance que plus tu montes dans le prix plus ça va te plaire. Et si tu commences à écumer internet, tu t'apercevras que parmi tous les éléments de ton son, la pédale de drive fait partie des choses qui subissent le plus la « hype », la psychoacoustique ou l'intégrisme du vintage... et certaines machines frisent l'arnaque la plus totale ou sont victimes d'une spéculation assez démentielle...
Et autre problème spécifique aux drives : leur couleur sonore s'additionne à celle de l'amplificateur auquel ils sont branchés. Ce qui veut dire que cette machine qui sonne de folie sur la démo qui a été enregistrée avec un Marshall, peut s'avérer catastrophique dans ton Vox.
Tu l'auras compris, tu n'as pas le choix (grrrrr) que d'en essayer un maximum. Au moins les classiques du genre afin de pouvoir catégoriser ton choix et de constater de quelle manière réagissent les différents types de circuits. Pour exemple, la Tube Screamer de base est très médium voire nasillarde et cette caractéristique sonore que beaucoup adorent peut être rédhibitoire pour certains...
Voilà copain, tu peux considérer cet article comme un point de départ, pas comme quelque chose d'exhaustif. Les pédales de drive, il y a eu des milliers de références sur le marché depuis les années 60, de la petite Aria en plastique des années 80 jusqu'à la mythique Klon pour laquelle certains tueraient leur mère avec un cheval d’arçons. On pourrait faire une encyclopédie, ou un annuaire. Ou une encyclopédie sur les annuaires, tiens, c'est une idée ça... hum...
C'est un peu une jungle où chacun trouvera son chemin en étant curieux mais aussi en se rappelant que parfois le mieux est l'ennemi du bien, et que si ce que tu as sous le pied te plaît, il est temps d'arrêter de chercher... et de jouer :)
(Je te laisse, y a un mec à qui je dois faire ravaler sa machette. LIBERONS LES PARENTHESES! )
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