Steve Vai a été tellement occupé ces dernières années qu’il a juste oublié d’écrire un successeur à Real Illusions : Reflections. Sept ans que cela a duré ! Mais le virtuose américain revient à l’exercice dans lequel il excelle avec The Story Of Light, album lumineux où bouillonnent ses idées les plus variées, vocales et instrumentales. Cela valait bien un coup de fil aux Etats-Unis, en attendant le prochain passage à Paris du maestro.

Tu avais hâte de revenir à un exercice plus « classique » comme sur The Story Of Light, un album dans la tradition de tes meilleures productions ?
Steve Vai : J’adore la situation du musicien. J’adore pouvoir faire différents types de projets. Parfois des projets arrivent et ils m’excitent énormément. Souvent, ils me prennent beaucoup de temps. Les gens pensent la plupart du temps qu’il « suffit » de faire des disques mais c’est plus compliqué que cela (rires). J’ai été très occupé depuis Real Illusions. La tournée fut longue et j’ai enchaîné avec la composition de deux heures de musique pour un orchestre. Il y a eu des concerts et la sortie d’un live. L’ensemble de ce projet m’a occupé au bas mot deux années complètes. J’ai ensuite formé un line-up autour de deux violons pour quelques concerts qui ont eux aussi donné lieu à un DVD. On m’a enfin demandé de composer une symphonie, Expanding The Universe. Cela m’a pris des journées de quinze heures pendant cinq mois. J’ai aussi donné quelques concerts de Zappa Plays Zappa et de reprises de Jimi Hendrix. Et puis il fallait aussi que je pense à mes rôles de père, de mari et d’ami ! J’oubliais presque une horde de masterclasses et l’écriture d’une autre symphonie pendant quatre mois. C’est là que je me suis dit qu’il fallait faire un album (rires).

Du coup, tu as eu le temps d’y penser depuis longtemps même si tu savais que tu n’allais pas travailler dessus immédiatement…
S. V. : Exactement. C’est un album qui a mûri en moi. Il est passé par différentes phases mais je savais ce qu’il devait devenir. Je fais différents types de disques. Certains sont très simples comme Alien Love Secrets, d’autres sont plus compliqués. Le but sur The Story Of Light était d’aller plus loin que sur Real Illusions.

Est-ce que tu sens un engouement plus prononcé sur The Story Of Light que sur certains autres projets qui ne sont suivis que par une frange un peu plus réduite de ton public habituel ?
S. V. : Il y a un engouement pour tout à différents degrés. Certains de mes fans n’aiment quasiment que mes projets de musique classique, d’autres préfèrent lorsque je fais une masterclass. Mais c’est vrai que pour la plupart, ce sont les albums studio « traditionnels » qui suscitent le plus leur intérêt. Je tiens donc à m’excuser auprès de tout le monde si j’ai passé trop de temps à faire d’autres trucs depuis 2005. Je ne pense pas qu’il se passera sept nouvelles années avant que je compose et enregistre un successeur à cet album.

The Story Of Light est marqué par une grande diversité, comme c'est souvent le cas dans tes albums. Il y a un morceau totalement inattendu avec un duo au chant avec Aimee Mann, No More Amsterdam. Comment as-tu connu Aimee et comment est née l’idée de cette chanson, elle aussi lumineuse ?

S. V. : Merci de ta remarque. Beaucoup de gens semblent apprécier cette chanson. Aimee et moi avons été à la fac ensemble et nous habitions seulement à quelques mètres l’un de l’autre. J’allais chez elle pour téléphoner (rires). Ma copine, qui est devenue ma femme, était amie avec Aimee. Elles faisaient d’ailleurs partie d’un groupe à la fac. Ma femme écoute souvent les disques d’Aimee à la maison, donc j’étais très familier avec sa voix et son style. Il y a quelque chose de véritablement incroyable dans sa voix et sa tessiture. J’y perçois une forme de vulnérabilité et un mélange étrange de faiblesse et de confiance. C’est également une parolière de talent qui manie la poésie. No More Amsterdam devait être un morceau instrumental mais comme cela arrive parfois il réclamait des pistes de chant. J’avais un concept en tête pour les paroles mais je n’arrivais à les écrire de façon convaincante. J’ai transformé le titre en duo et ma femme a suggéré Aimee. Celle-ci s’est chargée d’écrire les paroles suivant mes « instructions » et le résultat est bluffant. Ca marche super bien malgré nos univers totalement différents. C’est une fusion sidérante.

Personnellement, j'étais déjà fan d'Aimee Mann, notamment des chansons que l'on entend dans le film Magnolia de Paul Thomas Anderson. As-tu vu ce film ? Sa musique allait si bien avec le film, en particulier dans la scène finale.

S. V. : J'ai tous les disques d'Aimee. J'avais vu Magnolia à sa sortie, il y a des années. Je sais que le réalisateur avait construit une grande partie de son film sur les chansons d'Aimee.



Pour ta part, as-tu déjà entendu un de tes propres chansons dans un film où tu t'es dit que ça fonctionnait bien ?

S. V. : Non ! Je ne pense pas en avoir déjà entendu une seule. J'ai composé des trucs pour des films. Je pense que ma musique est singulière. Elle a déjà son propre univers. Pour être utilisée dans un film, la musique doit être très pop ou alors écrite spécifiquement pour le long métrage en question. Je n'appartiens à aucune de ces catégories. J'ai composé de la musique pour des films mais je n'ai pas envie de refaire cela.

Qu'est-ce qui ne t'a pas plu ?

S. V. : (il réfléchit) C'est très... J'aime bien l'industrie musicale, globalement, mais l'industrie cinématographique est horrible. Tout est calculé, l'honnêteté est absente et tout le monde veut se mettre en avant au détriment des autres. Et puis pour faire de la bonne musique, il faut être lié à celle-ci par des connections émotionnelles. Je ne trouvais pas cela dans le cinéma où il faut être capable de tout recommencer tout simplement parce que le réalisateur en a décidé ainsi... Je préfère faire ce que MOI je veux. Si on me laisse le choix entre faire la bande-son de Miami Vice ou composer et enregistrer The Story Of Light, je ne me pose pas longtemps la question ! Et puis, il faut reconnaître que des types sont hyper doués pour l'écriture de scores. Je peux dépanner et sans doute faire quelques coups d'éclat mais globalement je suis un artiste d'un autre genre et je trouve ma motivation dans mes propres projets que je peux réaliser à ma façon.


Steve Vai – The Story Of Light

Favored Nations
www.vai.com
Steve Vai – The Story Of Light