fab38 a écrit :
Je l'ai fait, en partie. C'est toujours intéressant, ces émissions, car ça en dit autant sur ceux qui l'animent que sur les invités.
J'ai trouvé Mélenchon intelligent, comme d'habitude, et irritant, comme d'habitude.
Celà dit, je lirai son petit bouquin-programme.
Dans la foulée, j'ai zappé sur une chaîne quasi inconnue (LCP), je suis tombé sur une émission totalement inconnue avec un présentateur qui l'était encore plus. Et il y avait Besancenot et Bernard Debré parmi quatre invités, je ne me souviens plus du nom des deux autres.
Et bien il est très clair que seuls des émissions à faible couverture médiatique comme celle-ci me semblent capables de présenter un débat intelligent, parfois carrément brillant, sans fausse posture destinée à attirer le gogo. Besancenot a défendu ses positions de façon très intelligente et argumentée, idem pour Debré (et les deux autres). Et c'est là qu'on se rend compte que malgré tout ce qu'on tente de nous faire gober dans les grands médias à longueur de temps, le dialogue est tout à fait possible, des personnes comme Besancenot et Debré sont tout à fait capables d'admettre qu'elles sont d'accord sur un certain nombre de points, tout en expliquant pourquoi elles sont en désaccord sur d'autres.
Bref, un beau moment d'intelligence politique et médiatique, qui enterre totalement le grand barnum de DPEDA.
Pas sûr que ça intéresse tout le monde, celà dit...
Les dénonciations moralisantes de l'horreur économique s'adressent en premier lieu aux employés menacés par l'accélération de la modernisation, à cette classe moyenne salariée qui s'était rêvée bourgeoise et se réveille prolétarisée. Mais ses peurs et sa fausse conscience sont partagées par tous ceux qui ont quelque chose à perdre au dépérissement de l'ancien État national qu'organisent les pouvoirs qui contrôlent le marché mondial : travailleurs des secteurs industriels jusque là protégés, employés des services publics, gestionnaires divers du système de garanties sociales maintenant mis à la casse.
Tous ceux là forment la masse de manœuvre d'une espèce de front national-étatique, un informel "parti de Décembre" ou une sauce idéologique anti-mondialiste lierait toutes sortes de rebuts politiques avariés: républicains à la mode Chevènement, débris staliniens, écologistes socialisants, gauchos humanitaires en panne de militantisme et même néo-fascistes en mal de "projet social". Ce parti de la stabilisation n'a une vague apparence d'exister que pour fournir un exutoire aux récrimination contre les excès des partisans de l'accélération: il a pour raison d’être une protestation sans effet, et qui se sait elle même vaincue d'avance, n'ayant rien à opposer à la modernisation économique et sociale selon les exigences de l'économie unifiée.
Il n'est d'ailleurs pas un de ses soi-disant ennemis de l'unification du monde, jusqu'aux plus gauchistes, qui ne s'enthousiasme des possibilités de télédémocratie offertes par les "réseaux".
Une telle représentation des mécontentements sert surtout à intégrer la protestation dans des pseudos-luttes ou l'on se garde toujours de parler de l'essentiel et ou l'on revendique les conditions capitalistes de la période précédente, que la propagande désigne sous le nom d’État-providence; elle ne pourrait prendre quelques consistance, comme relève politique, qu'à l'occasion de troubles graves, mais ce serait alors pour étaler son impuissance à restaurer quoi que ce soi. En réalité le rôle historique de cette fraction national-étatique de la domination, et son seul avenir, est de préparer les populations- puisque tout le monde se résigne à ce qui est admis comme inévitable- à une dépendance et à une soumission plus profondes. Car le fond de tout cela, de toutes ces "luttes" pour le service public et le civisme, c'est la réclamation, présentée à la société administrée, de nous éviter les désordres que répand partout la loi du marché, pour laquelle "l’État coute trop cher". Et comment le pourrait-elle, sinon par de nouvelles coercitions, seules capable de tenir ensembles ces agrégations de folies que sont devenues les sociétés humaines civilisées? Qu'est-ce qui nous protège d'un genre de chaos à l'albanaise? Certainement pas la solidité des institutions financières, la rationalité des dirigeants, le civisme des dirigés, etc.
Jaime Semprun.
L’abîme se repeuple. Encyclopédie des nuisances, 1997.