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Le topic philo de quantat et biosmog

Rappel du dernier message de la page précédente :
Invité
Je demanderai au beau frère de m'en conseiller un ... bien qu'il ne soit pas forcément de bon conseil (il est sartrien à mort )... tu m'en conseilles un (un petit ) ?
PP
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  • #31
  • Publié par
    PP
    le 30 Jun 17, 10:03
Un recueil d'essais ? La guerre du Goût, c'est gros mais ce sont des textes courts, à picorer dans le désordre, au gré des envies.
Pareil pour Eloge de l'infini.
Pour les romans, si tu t'intéresses à Lacan, Femmes semble incontournable.
Invité
PP a écrit :
Un recueil d'essais ? La guerre du Goût, c'est gros mais ce sont des textes courts, à picorer dans le désordre, au gré des envies.
Pareil pour Eloge de l'infini.
Pour les romans, si tu t'intéresses à Lacan, Femmes semble incontournable.


Merci de tes conseils ...
Je vais emprunter ça au beauf
jules_albert
ma contribution à ce superbe topique :

Généalogie de la pensée molle

Là où l'on n'aime pas l'utopie, la pensée dépérit. - Adorno

1848 marque la fin du cycle des révolutions bourgeoises et de la suprématie de la pensée hégélienne. Les États, pourvus de parlements et de constitutions, s'adaptèrent aux temps nouveaux tout en essayant de maintenir un équilibre entre les intérêts opposés des classes dominantes. La bourgeoisie ne s'occupa plus que d'accumuler des richesses, au détriment même du pouvoir politique. Elle devint conservatrice et donc peu intéressée par l'histoire ou par la connexion entre réalité et philosophie, "son temps compris par des idées", selon Hegel. La praxis philosophique se sépara de la politique et de la science, perdant unité et consistence. De nombreux systèmes optionnels apparurent : néokantisme, phénoménologie, utilitarisme, positivisme, vitalisme, darwinisme, existentialisme, etc.

Selon Günther Anders, la pensée philosophique posthégélienne fut un retour à une nature passive et élargie : l'homme, la morale, l'État, la société furent des concepts déshistoricisés et renaturalisés. Dans ses mutations contradictoires, la nouvelle réflexion philosophique devenait l'expression idéologique multiple de la réaction conservatrice au sein de la bourgeoisie. Malgré la part de vérité de certains de ses postulats qui révélaient les limites de l'idéalisme allemand, il s'agissait de la manifestation, dans le domaine spéculatif, du changement radical d'orientation de la classe bourgeoise.

Le développement du prolétariat apporta un nouveau type de conflit, déplaçant la scène de la révolution dans les ateliers et les fabriques. Le mouvement ouvrier prêta attention aux sciences sociales et naturelles, à l'évolution des espèces et à la santé, à la pédagogie et à la littérature, mais il ne vit pas la nécessité d'une pensée spécifique comme composante réelle du processus révolutionnaire. Le prolétariat conscient restait prisonnier d'une conception naturaliste du monde. Une croyance communément admise était que ni le marxisme, ni l'anarchisme n'avait de rapport avec la philosophie et personne n'abordait la necessité d'une philosophie "ouvrière". Bien que l'anarchisme se considérait comme "la conception la plus rationnelle et pratique d'une vie sociale libre et harmonieuse" (Berkman), et le marxisme plutôt comme une théorie scientifique de l'évolution sociale et une sociologie générale critique, pour ce qui est des principes philosophiques, les penseurs les plus éminents des deux camps n'allaient pas au-delà d'un matérialisme vulgaire, naturaliste et scientiste.

En ce qui concerne l'anarchisme, la défaite de la Commune et la dissolution de l'Internationale pesèrent sur son évolution, marquant des différences profondes entre la tendance ouvrière, bakouniste d'abord, puis communiste et syndicaliste ensuite, et la tendance individualiste, stirnerienne, qui rejettait le caractère ouvrier internationaliste et défendait la propriété privée. Du côté socialiste démocratique se profilaient aussi deux lignes principales, la réformiste et la révolutionnaire. Les deux se considéraient marxistes, mais pour l'une le marxisme était une théorie neutre de la connaissance des lois qui régissent la société, nécessaire pour développer les forces productives de façon rationnelle, tandis que pour l'autre ce n'était rien de moins que "l'expression théorique du mouvement révolutionnaire de la classe prolétaire" (Korsch). La Première guerre mondiale approfondit encore plus les différences entre les différents camps et, lorsqu'eut lieu la Révolution russe, la première révolution prétendument en accord avec les enseignements marxistes, la relation entre marxisme et philosophie fut mise sur la table.

La querelle philosophique de 1924 vit s'opposer les marxistes révolutionnaires, qui revendiquaient une méthodologie dialectique hégélo-marxiste, contre les marxistes sociaux-démocrates et les "marxiste-léninistes". Ces derniers, prennant appui sur le livre Matérialisme et empiriocriticisme, prétendaient instaurer une philosophie marxiste de parti avec des bases philosophiques bourgeoises semblables à celles proposées par les idéologues sociaux-démocrates. La défaite du prolétariat allemand en octobre et novembre 1923 ainsi que le développement rapide en Russie d'un capitalisme d'État mené d'une main de fer par une bureaucratie usurpatrice parlant au nom de la révolution, résolut la querelle en faveur du léninisme. Ainsi, avant même que la dictature bolchevique ne se transforme en un enfer totalitaire et que la bureaucratie soviétique devienne une classe exploiteuse, le "marxisme" se transforma par la voie léniniste en une espèce de matérialisme bourgeois, binaire et mécaniste, déterministe et positiviste, une idéologie saugrenue au service d'un État totalitaire comme sus futurs homologues italiens et allemands. Pannekoek et la gauche conseilliste néerlandaise et allemande bataillèrent contre cette conversion idéologique, mais Lukács, discipliné et obéissant au "Parti", fit son "autocritique" et renia son Histoire et conscience de classe. Les anarchistes furent aussi des perdants des révolutions russe et allemande et leur principal souci du moment fut de faire connaître leur rôle dans ces révolutions, qui avait été défiguré par les communistes de toutes les tendances. Ils laissèrent de côté la tâche de construire une philosophie qui reprenne leur héritage depuis Proudhon et l'Internationale dans une vision du monde cohérente.

Au contraire, le besoin d'exposés simples et systématiques de l'"Idée" se fit plus urgent, c'est pourquoi Alexander Berkman rédigea un b.a.-ba du communisme libertaire (Qu'est-ce que l'anarchisme ?). L'anarchosyndicalisme eut ses meilleures formulations entre 1930 et 1938 suite à la réorganisation du mouvement ouvrier dans la péninsule ibérique (Les syndicats ouvriers et la révolution sociale de Pierre Besnard) et pendant la Révolution espagnole (par exemple dans Théorie et pratique de l'anarchosyndicalisme de Rudolf Rocker). Ensuite, plus rien jusqu'à L'anarchisme. De la doctrine à l'action de Daniel Guérin et L'Increvable anarchisme de Louis Mercier-Vega, au début d'un nouveau cycle révolutionnaire inscrit dans la faillite du modèle fordiste de production. Mercier proposait une rénovation théorique à travers la confrontation de l'analyse anarchiste classique avec les nouvelles conditions de domination et d'exploitation capitalistes. Pour Guérin et d'autres, le dépassement de l'impasse philosophique anarchiste passait par une réconciliation entre Marx et Bakounine, qui pouvait partir de l'unité entre la conception matérialiste de l'histoire et la critique de l'État. En réalité, il passait, entre autres choses, par un retour à Bakounine - par une relecture à fond de son œuvre en tant que théoricien de la liberté et de la révolution. Après la disparition de l'Internationale, les fondements de sa pensée, la dialectique historique et la critique de Rousseau, Comte et Marx - du contrat social, de la science positiviste et de l'étatisme - furent dédaignés et ignorés. Cette déconsidération avait poussé la pensée anarchiste, selon le sens du vent, soit vers l'idéologie scientiste (individualisme doctrinal), soit vers l'aventure (le circonstancialisme).

Après la Première guerre mondiale, la crise sociale avait stimulé la capacité de penser aussi bien de la bourgeoisie occidentale que de la bureaucratie stalinienne, chose qui se manifestait de deux manières : deux idéalismes, un subjectif et un autre objectif. La bourgeoisie, de plus en plus tentée par des sauveurs providentiels, dictatures et aventures nazies, avait perdu tout l'optimisme libéral et démocratique du début. Elle ne contemplait pas le monde comme étant sien mais comme quelque chose d'extérieur et neutre face auquel l'individu se constituait comme "être", sans intérêt pour la politique, la morale ou l'action sociale. La fugacité de l'expérience vitale de cet être empêchait la possibilité de transcender le temps historique. La catégorie de l'action - la praxis - fut abandonnée définitivement par la philosophie révisionniste de l'entre-deux-guerres, soit pour s'enfermer dans une position pessimiste et défaitiste, soit pour applaudir inconditionnellement le pouvoir établi. Heidegger fut le philosophe le plus représentatif de cette époque. Le prolétariat ne bougeait guère.

Quant à la bureaucratie soviétique, elle conservait l'optimisme d'une classe ascendante bien qu'elle était aussi incapable que sa concurrente et alliée - la bourgeoisie décadente - de connaître la réalité au-delà de ses intérêts de classe. Elle se considérait l'interprète exclusif de l'intérêt des classes opprimées et, par conséquent, dirigeante de la révolution et timonier de l'histoire. La philosophie stalinienne non seulement ne se contentait pas d'occulter la vérité - l'essence des choses exprimée en idées - mais elle produisait ses rituels, ses héros et ses mythes propres, appuyés par un jargon scientifique et deterministe. Dans ce contexte, elle ne se distinguait pas de la religion. Le Parti, le Politburo, l'État, le Leader suprême, la Science, la Révolution, le Socialisme... tout un cortège de figures gonflées et vides - éléments d'un spectacle concentré comme dirait Debord - destinées à consolider son pouvoir avec des prétentions d'objectivité et d'universalité. L'attaque contre la Raison s'effectuait sur deux fronts et de deux façons distinctes : depuis l'irrationalité subjective, en dissolvant les concepts d'aliénation, de sujet, de classe, de vérité, d'idéologie, d'histoire, de mémoire, d'humanité, etc. dans ceux de l'être, de volonté, d'élan vital, d'existence, de nature, de race, de patrie et autres; et depuis l'irrationalité objective, avec un hypermarxisme jargonnant et manichéen. L'idée de liberté était ainsi radicalement transformée n'ayant plus rien en commun avec l'autodetermination sans frein de la communauté, mais plutôt avec un être-là de l'individu à l'intérieur d'un chaos amoral et asocial se laissant mener avec indifférence, ou même obéissant aveuglément à ceux qui s'autoproclamaient représentants du destin et agents de la nécessité historique.

Toutefois, la pensée rationnelle ne recula pas face aux assauts existentiels, pragmatistes, nazis ou marxo-staliniens de la déraison, ni face aux propres contradictions du rationnalisme. L'idolâtrie envers la science et le progrès fut questionnée en tant qu'idéologie bourgeoise, son caractère instrumental fut dénoncé tandis que l'art et la littérature d'avant-garde s'en remettaient à l'obscur, à l'infantilité, au primitif, au crépusculaire, comme contre-point à la banalité et au mesurable. Finalement, face aux attaques que Nietzsche porta aux valeurs bourgeoises, la critique de la Raison au nom de la Raison n'aboutit pas à une nouvelle métaphysique de l'existence nue située "au-delà du bien et du mal", ni ne dériva vers l'esthéticisme. Cependant, le triomphe des puissances capitalistes et du totalitarisme soviétique lui ôta des possibilités d'expansion et de diffusion, restant confinée aux cercles intellectuels, maisons d'édition marginales, facultés de province et des projets avec plus ou moins de succès comme l'Institut de Recherche sociale (les auteurs de l'École de Francfort et ceux liés à elle), le Collège de sociologie (Bataille), les revues Politics (Dwight Macdonald) et Le Contrat social (Souvarine, Papaïoannou), la Regional Planning Association of America (Mumford), etc. Protégée par la faible répercussion initiale de leurs travaux, séparée de milieux sociaux et éloignée des conflits politiques quotidiens, sans relation dialectique avec la totalité du processus social et par conséquent sans emploi, l'importance de la critique sociale théorique prit un nouvel élan avec l'irruption d'un nouveau cycle révolutionnaire dans les pays capitalistes développés au cours des années 1960. Elle servait de pont entre deux époques ; les protagonistes des révoltes et les nouveaux contestataires auraient à l'assimiler et à la mettre en pratique. La route était semée d'embuches, non seulement de la part des forces répressives policières, mais aussi de la part des gardiens staliniens qui sous diverses apparences, tiers-mondistes principalement, séduisirent une bonne partie de la jeunesse révoltée de l'époque. Mais la critique sociale avançait et accompagnait le mouvement réel. La révolte de Mai 68 en France fut le point culminant du "second assaut prolétarien contre la société de classe", ainsi qu'il serait défini par l'Internationale situationniste, le seul collectif qui capta le potentiel révolutionnaire de cette époque et qui signala les points où appliquer le levier de la révolte. La critique situationniste constitua une synthèse extraordinaire de raison et d'imagination. Même si elle n'assimilait pas la totalité de la pensée critique formulée antérieurement et tombait parfois dans l'historicisme et le progressisme, elle fut la plus cohérente et la plus novatrice, formulant des exigences radicales qui, étant donné la profondeur de la crise, pouvaient être posées à grande échelle. Mais elle ne trouva son prolétariat que brièvement car la recherche de la conscience théorique de la part de la classe ouvrière des années 60 ne dura que peu de temps et la création de conseils ouvriers ne se produisit nulle part. L'I.S. donna le coup de grâce au stalinisme et posa les bases d'une critique radicale véritablement subversive où le désir allait de la main de la connaissance rationnelle. Mais ses victoires profitèrent aux nouvelles générations amorphes et soumises, rétives à quitter le refuge capitaliste pour appuyer des projets révolutionnaires, piliers d'une classe triomphante qui sut phagocyter et intégrer les contributions situationnistes.

Le Pouvoir veut être contemplé comme une chose naturelle, comme s'il avait toujours été là, c'est pourquoi il déteste l'Histoire, l'histoire de la lutte des opprimés, car celle-ci lui rappelle son origine récente, sa condition d'usurpateur et la durée éphémère de son existence. Une fois obtenue la victoire sur le prolétariat autonome, son objectif stratégique fut l'erradication de l'idée même d'autonomie, ceci en procédant à un désarmement théorique qui mette l'histoire hors la loi. Avec la dévalorisation de la connaissance historique objective, le but était d'effacer de l'imaginaire social tout ce que la pensée révolutionnaire avait rendu conscient et qui pour le bien de la domination devait tomber dans l'oubli, après une dernière mystification. Pour une tâche d'une telle envergure, le vieux marxisme positiviste n'était pas efficace, pas plus que le structuralisme. La pensée académique pseudo-radicale devint alors l'instrument idéal pour pousser l'histoire dans la clandestinité et rétablir l'ordre sur le terrain des idées grâce à la récupération de fragments critiques convenablement désactivés, falsification facilitée par l'état de dégradation intellectuelle qui règne dans les milieux universitaires. Ainsi, les penseurs de la classe dirigeante se protégeaient de la subversion en menant les évènements hors de l'histoire, en les intégrant dans leur vision du monde en tant que métarécits, c'est-à-dire, comme des catégories littéraires atemporelles. Le fait historique, chargé d'expérience humaine, était désormais considéré comme une exception dénuée de sens précis, une interruption condamnable de la norme, une fissure réparable dans les structures immuables. La phobie bien compréhensible de la domination envers les révolutions amenait ses penseurs à qualifier de mythes trompeurs toutes les idées qui poussaient les individus vers la réalisation collective dans l'histoire de sa propre liberté, de sorte qu'ils ne leur restait plus qu'à se soumettre face à l'oppression et à s'évader dans leur petit monde privé.

Les vedettes de la récupération acquirent une notoriété impensable peu d'années auparavant, car un des aspects les plus significatifs de la destruction de l'histoire fut la facilité avec laquelle se fabriquent des réputations quand la mystification maligne a les mains libres. Ainsi donc, les penseurs-fonctionnaires campèrent un temps entre les décombres théoriques des luttes antérieures - rendus inoffensifs par le reflux du mouvement -, suffisamment pour que la soumission progresse et que les illusions révolutionnaires cessent d'être nécessaires. Avec un prolétariat se vautrant dans la misère modernisée, les idées n'étaient plus dangereuses : n'importe quel professeur médiocre pouvait remettre en question l'orthodoxie antérieure et proposer une alternative fictive et bâclée. Le truc consistait à être extrêmement critique sur les détails et s'abstenir d'en tirer une conclusion. L'excuse était de dire que tout était trop "complexe" pour en venir à accepter des solutions simples comme l'abolition de l'État et des classes. La psychanalyse pouvait servir d'alibi à la radicalité en papier. Par exemple, pour un comique comme Guattari, il ne fallait pas chercher la lutte des classes dans les lieux habituels du combat social, dans les antagonismes générés par l'exploitation, mais plutôt "dans la peau des exploités", dans la famille, chez le médecin, dans le groupuscule, dans le couple, dans le "moi", etc., c'est-à-dire, partout où le capital et l'État n'étaient pas trop remis en cause. Toutes ces théories sonnaient très radicales, même très anarchistes, mais on pouvait passer sa vie à regarder son sexe ou son intériorité, se culpabiliser et chercher la lutte des classes sans être certain de la trouver. Une pensée soumise qui gardait l'apparence de la subversion était la plus indiquée pour un pouvoir qui s'appuyait sur des classes moyennes salariées et sur un prolétariat qui reculait dans le désordre, tous sous le coup des secousses du passé, rêvant de révolutions qu'en réalité ils ne désiraient pas, en tout cas, incapables de réaliser même s'ils le voulaient. Consommateurs d'idéologie, ils voulaient en même temps le prestige de la révolte et la tranquilité de l'ordre. Néanmoins, la phase "révolutionnaire" de l'idéologie dominante cessa aussitôt que partit en fumée la perspective d'une guerre des classes en Occident. En peu de temps, la plongée dans la vie privée, la prépondérance des intérêts particuliers et la satisfaction immédiate de faux besoins produisirent une telle inconscience générale et un tel degré d'ignorance que la voie pour la pensée molle était définitivement ouverte. La rupture entre la vie sociale et publique permettait que l'abondance de marchandises comble les désirs manipulés des masses et que son esprit se contente d'ersatz de plus en plus simples.

En 1979, année qui vit l'apparition de l'adjectif "postmoderne" dans son acception actuelle, le concept de révolution pouvait être facilement démoli : le prolétariat endormi, l'histoire pouvait être redéfinie comme "narration" ou "récit", c'est-à-dire, comme berceuse, un genre littéraire mineur dans lequel la révolution était réduite à un simple "évènement" digne d'une fable. La révolution n'était pas vraiment un objet du désir. La bande des "néo-philosophes" - d'anciens maoïstes pour la plupart - condamnaient la révolution et l'universalité en tant qu'antichambre du totalitarisme. Ils affirmaient que "l'histoire n'existe pas" ou que "l'individu n'existe pas" avec le même naturel que les négationnistes niant l'évidence des chambres à gaz et des crématoires nazis. La classe intellectuelle dépendante était enfin en mesure d'affronter idéalement la subversion presque éteinte. La société retournait à l'ordre, on inaugurait un marché d'idées inutiles pour les masses analphabétisées et les néo-penseurs étaient à la mode, cessant la dissimulation pour proclamer ouvertement dans les médias leurs objectifs de liquidation. Fin de l'utopie : nombreux furent ceux qui abominèrent Mai 68 comme révolution mais l'applaudirent comme modernisation. Les idées à la mode se montrèrent comme ce qu'elles étaient, des idées de la domination. La classe dominante qui surgit transformée après la décomposition du mouvement ouvrier et de la restructuration du capitalisme trouvait enfin une pensée qui lui correspondait, une philosophie qui reflétait à la perfection son caractère et la nouvelle condition de sa domination, la condition postmoderne. Dans les départements bien rémunérés de l'enseignement, pourvus d'un arsenal de catégories ambigües et brumeuses exprimées dans un argot confus autoréférentiel, les récupérateurs post-structuralistes et autres sémiologues travaillent à leur "thématisation".

Sans doute, la pensée réactionnaire postmoderne s'est construite à partir d'interprétations unilatérales principalement de Nietzsche, bien qu'elle puisa aussi chez Heidegger, Kant, Husserl, Lacan, Lévi-Strauss et Freud dans la mesure où ils étaient utiles à la destruction de la Raison et de l'Histoire. La philosophie rationnaliste avait créé des valeurs universelles, postulant une progressive prise de conscience qui à son stade final rendrait l'humanité capable de s'autogouverner librement. La catégorie d'universalité mettait fin aux différences de naissance, de destin, de sexe, de richesse, de classe, de nation... Sa réalisation était un processus conflictuel : de là l'importance accordée à l'histoire en tant qu'histoire des luttes de libération. Dans ses formulations les plus radicales, les révolutions constituaient de violentes sorties d'urgence. Nietzsche questionna la réalité de ce processus émancipateur, niant le telos ou la finalité de l'histoire et soulevant la question de la dimension inconsciente et obscure - dyonisiaque - des sociétés humaines. Il voulut démontrer que les fondements de la raison n'étaient pas rationnels et que l'histoire n'évoluait pas selon des plans déterminés. L'astuce de la raison qui déduisait des fins générales à partir de passions particulières était donc une illusion hégélienne. De plus, la raison en s'appropriant de la "Vie", la détruisait, donc pour le bien de cette dernière il fallait se débarasser de la première. Telle serait, à grands traits, la tâche qui inspirerait les premiers artisans de la philosophie molle de la postmodernité, Foucault et Deleuze, leurs procédés généalogiques et modèles rhizomatiques. Nous ne pouvons nier l'énigme théorique surgie de la matérialisation cruelle de l'idée de Progrès, de l'expérience totalitaire et du triomphe du capitalisme qu'Adorno, Benjamin, Bataille et d'autres, chacun à leur façon, tentèrent de résoudre sans besoin de renoncer à la Raison, ni de faire des concessions à l'irrationalisme. Mais les critiques raisonnées de la raison et leur sens historique étaient condamnées à languir dans des cercles éclairés, à moins qu'un sujet agent prenne en charge ses résultats et les mettent en pratique.

Malheureusement, ce sujet, la classe ouvrière révolutionnaire, avait cessé d'exister dans les années 1980. La grande réussite du capitalisme fut précisément celle-ci : la dissolution des liens qui unissaient les individus à leurs semblables, à leur voisinage et à leur classe grâce à la privatisation absolue de la vie, c'est-à-dire, grâce à la désintégration du tissu social par la colonisation techno-économique de la vie quotidienne. D'un point de vue conservateur, l'histoire n'était pas le théâtre où se recréait l'humanité consciente pour s'autolibérer. Dans la pratique, pour un défenseur de ce qui existe, l'histoire s'immolait dans un présent éternel où personne n'était ni devenait, mais se contentait simplement d'exister. Par conséquent, la destruction théorique du sujet de la conscience fut un des premiers objectifs de la pensée soumise. Il fallait compléter la victoire capitaliste dans le champ des idées, mais non au moyen de l'outil de falsification habituel, le marxisme universitaire, mais en innovant dans l'art de dissoudre la vérité dans le mensonge et la réalité dans le spectacle. Les conditions mentales du capitalisme tardif - déconnexion avec le passé, absence de mémoire, dévalorisation de l'expérience, anomie, pseudo-identité - favorisaient l'opération lui donnant en plus les airs prestigieux de la rupture.

En supprimant la catégorie de totalité, le commentaire apologétique détruit la vérité et la transforme en doxa, opinion, interprétation, boucle. Pour un apologiste, les systèmes philosophique ne sont rien d'autre. Les jalons de la pensée n'étaient plus considérés comme des moments du développement de la vérité, mais comme un tas de ruines, plus ou moins exploitables. Un travail de récupération plus proche de celui d'un archéologue avec sa "boîte à outil" que d'un historien de la philosophie compilant informations et données. N'importe quel enoncé peut être questionné (et "déconstruit") afin d'en démontrer l'inanité à la carte. Pour Derrida, les catégories de classe, communauté, liberté, relation sociale, antagonisme, révolution, etc., sont de simples fantasmagories du langage, et par conséquent, de pures conventions : "logocentrisme". Elles ne sont pas réelles; la réalité étant ce qui reste à la fin de la déconstruction, c'est-à-dire, pratiquement rien. Ce sont de simples expressions de langage. L'objectivité se perd, l'essence se dilue et le contenu se vide : le vrai ne se distingue pas du faux, ni le concret de l'abstrait. Politiquement, le relativisme d'un tel délire d'interprétation conduit à se soumettre à l'ordre établi, laissant aux experts le contrôle des conditions d'existence de la majorité : si rien n'est vrai, n'importe quelle forme d'adhésion est permise. Voilà donc un nihilisme de bric et de broc dont les aspects les plus tapageusement négateurs pénètrent dans toutes les idéologies, du marxisme à l'anarchisme, du nationalisme au fascisme, s'hybridant dans une certaine mesure avec elles. Dans les œuvres les plus représentatives de la conscience servile, le Pouvoir n'apparaît pas à une extrémité de la hiérarchie sociale comme un produit de relations déséquilibrées par le capital et l'État, mais comme la substance qui imprègne la vie depuis la strate sociale la plus élevée à la plus basse. Le Pouvoir, comme Dieu et la libido, est partout, mais tout particulièrement dans les assemblées de travailleurs, dans la vie quotidienne, au lit, dans l'âme individuelle et dans les racines de cette fameuse vérité, qui pour peu qu'elle parvienne à voir le jour se verra qualifiée de conventionnelle et totalitaire. Il n'est guère surprenant qu'un futé comme Foucault ait trouvé son bio-idéal successivement dans l'Iran de Khomeini et dans les États-Unis de Ronald Reagan. D'autres, comme Guattari-la-machine, revendiquaient la révolte de Mai comme si en réalité ils n'étaient pas restés tranquillement chez eux pendant les journées des barricades. La plupart, comme Derrida, se déclaraient vaguement "de gauche" face à un public académique politiquement correct, tout en se distanciant beaucoup plus de Mai 68 que du stalinisme et de l'antisémitisme de leurs maîtres.

Les postmodernes de deuxième zone comme Baudrillard - encore un renégat maoïste - allèrent jusqu'à affirmer que la réalité n'existait pas, que c'était un simulacre. Plusieurs la qualifiait de "discours"; d'autres, de "chaos". Curieuse façon d'"interpréter" Debord. Cependant, le concept de spectacle, dérivé de celui d'aliénation, faisait référence à des réalités très palpables comme la relation entre les personnes médiatisée par des images, forme ultime du fétichisme de la marchandise. Contrairement à ce qu'affirmait Lipovetsky - renégat de Socialisme ou Barbarie - l'aliénation n'était pas sympa. Le vide n'était pas une option librement choisie. Les individus étaient aliénés en tant que spectateurs passifs d'une représentation d'eux-mêmes faite par d'autres, les agents de la domination. Ainsi donc, toute leur activité, qu'elle soit productive, pensante ou ludique n'était pas proprement à eux car elle était conçue et determinée par des règles établies au bénéfice économique exclusif de la classe dominante. Néanmoins, l'aliénation n'était pas une fatalité mais un phénomène historique, qui de la même façon qu'il avait commencé pouvait se terminer. À chacun de s'en délecter comme un crétin ou d'y mettre fin brusquement. Il n'est pas étonnant que pour les postmodernes - aliénés satisfaits - l'aliénation ait été le principal concept à supprimer après ceux de révolution et d'histoire. Sans lui, le rejet frontal au régime dominant perdait sa justification. Si la réalité était quelque chose de plus que le spectacle, la copie n'était pas aussi légitime que l'original. La vérité définissait a contrario la fausseté.

Au fur et à mesure que le capitalisme prolétarisait le monde avec l'aide inestimable de la technologie, les conditions industrielles d'existence se généralisaient et la mentalité postmoderne s'étendait. Les réfléxions de la postmodernité étaient les plus indiquées pour le confort intellectuel des strates moyennes en phase de croissance économique. Nous faisons référence aux classes moyennes salariées, avec des études et hyperconnectées. Les caractéristiques les plus communes de la vie quotidienne sous le régime turbocapitaliste se rencontraient pleinement chez cette classe : narcissisme, vide existentiel, frivolité, consumérisme, manque d'engagement solide, peur, solitude, problèmes émotionnels et relationnels, suivisme, culte du succès, "réalisme" politique, etc., toutes choses qui en faisaient le public idéal de la postmodernité. L'"idéologie française" - comme l'appelait Castoriadis -, malgré son obscurité et sa vacuité, ou précisément à cause d'elles, s'adaptait à merveille à la nature triviale de ces secteurs de la population qui est la base sociale de la domination. Mais la fonction de la spéculation postmoderne ne finit pas là : tous les mouvements anti-capitalistes réels la trouveraient sur leur route en compagnie du citoyennisme et du progressisme, difficultant ainsi l'avènement d'une pratique véritablement antagoniste et d'une véritable pensée critique antiproductiviste. La critique de la postmodernité occupe la place qui correspondait naguère à la critique de la religion marxiste-léniniste, à un moment où la société technologique de masse occupe celle de l'ancienne société de classes.

"Le monde n'a jamais été si méprisable, il n'a jamais été moins critiqué. Toute distance critique est si bien éliminée par le spectacle présent qu'il n'est rien d'insoutenable qui ne puisse s'y soutenir." (Encyclopédie des Nuisances, nº 7). La première grande difficulté de la critique radicale est de trouver un sujet capable de rétablir ladite distance, c'est-à-dire, capable de penser, car les communautés de combat nées des conflits ne sont presque jamais assez fortes et stables. Elles ne sont guère enclines au débat avec une volonté de conclure. La présence des classes moyennes les transforme en "communautés de carnaval" ou "communautés garde-robes", selon l'expression de Zygmunt Bauman, c'est-à-dire, des masses réunies dans des spectacles sans intérêts communs mais partageant une illusion de courte durée, une identité momentanée, qui sert à canaliser la tension accumulée lors des journées routinières. Dans ce type de pseudo-communauté, dès la fin des protestations festivalières, tout reste en l'état. L'effet le plus néfaste des spectacles contestataires des derniers temps est qu'en dispersant l'énergie des conflits sociaux véritables en des salves cérémonielles, ils avortent les véritables communautés combattantes. L'invasion par l'affectivité insatisfaite annule toute tentative de communication rationnelle, c'est pourquoi les assemblées évitent les débats définitifs et lâchent leurs émotions, attirant une pléthore de personnages névrotiques et caractériels. Il est évident que si les crises ne sont pas suffisamment profondes pour générer des antagonismes irréconciliable et menacer sérieusement la survie d'une des parties, la peste émotionnelle désactivera toujours les conflits réels et les fragments postmodernes contamineront toute réflexion bien intentionnée. La tâche immédiate de la critique consistera alors à dénoncer les mécanismes psycho-politiques de contention et la mentalité bourgeoise conformiste où elle est ancrée. Mais la réflexion ne chemine pas séparée de la passion : le désir de raison part de la raison du désir. Kafka, Anders, Marcuse, Reich, Sade et les surréalistes peuvent être d'un grand secours. Cependant, la tâche de plus grande portée est celle d'affronter la crise de l'idée de Progrès, de l'idée d'Histoire et de la Raison même - la crise de la société capitaliste - en évitant de retomber dans l'irrationnalité, dans la fuite esthétisante ou ruralisante, dans un antihumanisme naturaliste et sociophobe... Il est nécessaire d'expliquer les symptômes de la crise sociale historique sans jamais abdiquer la Raison qui est, comme le dit Horkheimer, "la catégorie fondamentale de la pensée philosophique, la seule capable de l'unir au destin de l'humanité". En définitive, il faut continuer l'utopie qui n'est rien d'autre qu'une raison sui generis, une raison imaginative.

La suppression radicale de la raison et de la mémoire à laquelle travaillent les postmodernes obéit à un impératif de l'État contemporain, de même que le remplacement du désir et de la volonté par le caprice et l'engagement frivole. La domination veut cacher sa nature et son histoire, comme si elle avait toujours été raisonnable et plaisante, même si l'irrationnalité et la répression lui sont inhérentes. Néanmoins, un État de ce genre-là, tellement contraire à la raison, à la mémoire et à la vie, "et dans la gestion duquel s'installe durablement un grand déficit de connaissances historiques, ne peut plus être conduit stratégiquement" (Debord). Il est par conséquent condamné à l'aberration et à l'effondrement.

Miguel Amorós

Filosofía en el tocador, Argelaga, 2016.
Sans valeur marchande : https://debord-encore.blogspot(...).html

La peste citoyenne. La classe moyenne et ses angoisses : http://parolesdesjours.free.fr(...)e.pdf
Invité
Dis moi Jules, toi qui possède des "perles" (G. Manset )... est-ce que par chance tu aurais dans tes archives l'article de Camus dans lequel il dénonce l'insensibilité des marxistes et des hégéliens à l'égard des victimes de la guerre ?

Impossible de remettre la main dessus
Kandide
A propos d'inconscient, je n'ai jamais bien compris...
Je m'explique, le conscient, je pense savoir un peu de quoi il s'agit...car comme la plupart des personnes dites "normales" (encore que, qu'est-ce que la normalité ? ) j'ai connaissance de ma conscience. Par contre comment puis-je accéder à mon inconscient ?
Car il y a plein de choses que l'on fait, sans s'en rendre compte, mais dictées par l'inconscient... Donc c'est important de le "connaitre",...
Notre inconscient a-t-il un dessein ?
Comment comprendre ou bien entrer en communication avec son inconscient ?

Je ne suis pas certain que mes questions ai du sens, mais j'ai de grandes interrogations sur cela.
Le but étant d'être en harmonieux avec son inconscient,...
Faisant du yoga et de la méditation, je voudrais comprendre cet inconscient qui fait partie de moi mais qui semble cependant assez hermétique... Qu'est-ce qui me prouve que je suis en total harmonie avec cet inconscient si j'ignore son contenu?

Si vous avez des suggestions ou bouquins sur le sujet, je suis preneur...
Sans doute cela n'est plus de la philo (encore que quand on parle de chercher un sens à sa vie), plus de la psycho...
PEACE & LOVE
skynet
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jules_albert a écrit :
ma contribution à ce superbe topique :

Généalogie de la pensée molle

Là où l'on n'aime pas l'utopie, la pensée dépérit. - Adorno

1848 marque la fin du cycle des révolutions bourgeoises et de la suprématie de la pensée hégélienne. Les États, pourvus de parlements et de constitutions, s'adaptèrent aux temps nouveaux tout en essayant de maintenir un équilibre entre les intérêts opposés des classes dominantes. La bourgeoisie ne s'occupa plus que d'accumuler des richesses, au détriment même du pouvoir politique. Elle devint conservatrice et donc peu intéressée par l'histoire ou par la connexion entre réalité et philosophie, "son temps compris par des idées", selon Hegel. La praxis philosophique se sépara de la politique et de la science, perdant unité et consistence. De nombreux systèmes optionnels apparurent : néokantisme, phénoménologie, utilitarisme, positivisme, vitalisme, darwinisme, existentialisme, etc.

Selon Günther Anders, la pensée philosophique posthégélienne fut un retour à une nature passive et élargie : l'homme, la morale, l'État, la société furent des concepts déshistoricisés et renaturalisés. Dans ses mutations contradictoires, la nouvelle réflexion philosophique devenait l'expression idéologique multiple de la réaction conservatrice au sein de la bourgeoisie. Malgré la part de vérité de certains de ses postulats qui révélaient les limites de l'idéalisme allemand, il s'agissait de la manifestation, dans le domaine spéculatif, du changement radical d'orientation de la classe bourgeoise.

Le développement du prolétariat apporta un nouveau type de conflit, déplaçant la scène de la révolution dans les ateliers et les fabriques. Le mouvement ouvrier prêta attention aux sciences sociales et naturelles, à l'évolution des espèces et à la santé, à la pédagogie et à la littérature, mais il ne vit pas la nécessité d'une pensée spécifique comme composante réelle du processus révolutionnaire. Le prolétariat conscient restait prisonnier d'une conception naturaliste du monde. Une croyance communément admise était que ni le marxisme, ni l'anarchisme n'avait de rapport avec la philosophie et personne n'abordait la necessité d'une philosophie "ouvrière". Bien que l'anarchisme se considérait comme "la conception la plus rationnelle et pratique d'une vie sociale libre et harmonieuse" (Berkman), et le marxisme plutôt comme une théorie scientifique de l'évolution sociale et une sociologie générale critique, pour ce qui est des principes philosophiques, les penseurs les plus éminents des deux camps n'allaient pas au-delà d'un matérialisme vulgaire, naturaliste et scientiste.

En ce qui concerne l'anarchisme, la défaite de la Commune et la dissolution de l'Internationale pesèrent sur son évolution, marquant des différences profondes entre la tendance ouvrière, bakouniste d'abord, puis communiste et syndicaliste ensuite, et la tendance individualiste, stirnerienne, qui rejettait le caractère ouvrier internationaliste et défendait la propriété privée. Du côté socialiste démocratique se profilaient aussi deux lignes principales, la réformiste et la révolutionnaire. Les deux se considéraient marxistes, mais pour l'une le marxisme était une théorie neutre de la connaissance des lois qui régissent la société, nécessaire pour développer les forces productives de façon rationnelle, tandis que pour l'autre ce n'était rien de moins que "l'expression théorique du mouvement révolutionnaire de la classe prolétaire" (Korsch). La Première guerre mondiale approfondit encore plus les différences entre les différents camps et, lorsqu'eut lieu la Révolution russe, la première révolution prétendument en accord avec les enseignements marxistes, la relation entre marxisme et philosophie fut mise sur la table.

La querelle philosophique de 1924 vit s'opposer les marxistes révolutionnaires, qui revendiquaient une méthodologie dialectique hégélo-marxiste, contre les marxistes sociaux-démocrates et les "marxiste-léninistes". Ces derniers, prennant appui sur le livre Matérialisme et empiriocriticisme, prétendaient instaurer une philosophie marxiste de parti avec des bases philosophiques bourgeoises semblables à celles proposées par les idéologues sociaux-démocrates. La défaite du prolétariat allemand en octobre et novembre 1923 ainsi que le développement rapide en Russie d'un capitalisme d'État mené d'une main de fer par une bureaucratie usurpatrice parlant au nom de la révolution, résolut la querelle en faveur du léninisme. Ainsi, avant même que la dictature bolchevique ne se transforme en un enfer totalitaire et que la bureaucratie soviétique devienne une classe exploiteuse, le "marxisme" se transforma par la voie léniniste en une espèce de matérialisme bourgeois, binaire et mécaniste, déterministe et positiviste, une idéologie saugrenue au service d'un État totalitaire comme sus futurs homologues italiens et allemands. Pannekoek et la gauche conseilliste néerlandaise et allemande bataillèrent contre cette conversion idéologique, mais Lukács, discipliné et obéissant au "Parti", fit son "autocritique" et renia son Histoire et conscience de classe. Les anarchistes furent aussi des perdants des révolutions russe et allemande et leur principal souci du moment fut de faire connaître leur rôle dans ces révolutions, qui avait été défiguré par les communistes de toutes les tendances. Ils laissèrent de côté la tâche de construire une philosophie qui reprenne leur héritage depuis Proudhon et l'Internationale dans une vision du monde cohérente.

Au contraire, le besoin d'exposés simples et systématiques de l'"Idée" se fit plus urgent, c'est pourquoi Alexander Berkman rédigea un b.a.-ba du communisme libertaire (Qu'est-ce que l'anarchisme ?). L'anarchosyndicalisme eut ses meilleures formulations entre 1930 et 1938 suite à la réorganisation du mouvement ouvrier dans la péninsule ibérique (Les syndicats ouvriers et la révolution sociale de Pierre Besnard) et pendant la Révolution espagnole (par exemple dans Théorie et pratique de l'anarchosyndicalisme de Rudolf Rocker). Ensuite, plus rien jusqu'à L'anarchisme. De la doctrine à l'action de Daniel Guérin et L'Increvable anarchisme de Louis Mercier-Vega, au début d'un nouveau cycle révolutionnaire inscrit dans la faillite du modèle fordiste de production. Mercier proposait une rénovation théorique à travers la confrontation de l'analyse anarchiste classique avec les nouvelles conditions de domination et d'exploitation capitalistes. Pour Guérin et d'autres, le dépassement de l'impasse philosophique anarchiste passait par une réconciliation entre Marx et Bakounine, qui pouvait partir de l'unité entre la conception matérialiste de l'histoire et la critique de l'État. En réalité, il passait, entre autres choses, par un retour à Bakounine - par une relecture à fond de son œuvre en tant que théoricien de la liberté et de la révolution. Après la disparition de l'Internationale, les fondements de sa pensée, la dialectique historique et la critique de Rousseau, Comte et Marx - du contrat social, de la science positiviste et de l'étatisme - furent dédaignés et ignorés. Cette déconsidération avait poussé la pensée anarchiste, selon le sens du vent, soit vers l'idéologie scientiste (individualisme doctrinal), soit vers l'aventure (le circonstancialisme).

Après la Première guerre mondiale, la crise sociale avait stimulé la capacité de penser aussi bien de la bourgeoisie occidentale que de la bureaucratie stalinienne, chose qui se manifestait de deux manières : deux idéalismes, un subjectif et un autre objectif. La bourgeoisie, de plus en plus tentée par des sauveurs providentiels, dictatures et aventures nazies, avait perdu tout l'optimisme libéral et démocratique du début. Elle ne contemplait pas le monde comme étant sien mais comme quelque chose d'extérieur et neutre face auquel l'individu se constituait comme "être", sans intérêt pour la politique, la morale ou l'action sociale. La fugacité de l'expérience vitale de cet être empêchait la possibilité de transcender le temps historique. La catégorie de l'action - la praxis - fut abandonnée définitivement par la philosophie révisionniste de l'entre-deux-guerres, soit pour s'enfermer dans une position pessimiste et défaitiste, soit pour applaudir inconditionnellement le pouvoir établi. Heidegger fut le philosophe le plus représentatif de cette époque. Le prolétariat ne bougeait guère.

Quant à la bureaucratie soviétique, elle conservait l'optimisme d'une classe ascendante bien qu'elle était aussi incapable que sa concurrente et alliée - la bourgeoisie décadente - de connaître la réalité au-delà de ses intérêts de classe. Elle se considérait l'interprète exclusif de l'intérêt des classes opprimées et, par conséquent, dirigeante de la révolution et timonier de l'histoire. La philosophie stalinienne non seulement ne se contentait pas d'occulter la vérité - l'essence des choses exprimée en idées - mais elle produisait ses rituels, ses héros et ses mythes propres, appuyés par un jargon scientifique et deterministe. Dans ce contexte, elle ne se distinguait pas de la religion. Le Parti, le Politburo, l'État, le Leader suprême, la Science, la Révolution, le Socialisme... tout un cortège de figures gonflées et vides - éléments d'un spectacle concentré comme dirait Debord - destinées à consolider son pouvoir avec des prétentions d'objectivité et d'universalité. L'attaque contre la Raison s'effectuait sur deux fronts et de deux façons distinctes : depuis l'irrationalité subjective, en dissolvant les concepts d'aliénation, de sujet, de classe, de vérité, d'idéologie, d'histoire, de mémoire, d'humanité, etc. dans ceux de l'être, de volonté, d'élan vital, d'existence, de nature, de race, de patrie et autres; et depuis l'irrationalité objective, avec un hypermarxisme jargonnant et manichéen. L'idée de liberté était ainsi radicalement transformée n'ayant plus rien en commun avec l'autodetermination sans frein de la communauté, mais plutôt avec un être-là de l'individu à l'intérieur d'un chaos amoral et asocial se laissant mener avec indifférence, ou même obéissant aveuglément à ceux qui s'autoproclamaient représentants du destin et agents de la nécessité historique.

Toutefois, la pensée rationnelle ne recula pas face aux assauts existentiels, pragmatistes, nazis ou marxo-staliniens de la déraison, ni face aux propres contradictions du rationnalisme. L'idolâtrie envers la science et le progrès fut questionnée en tant qu'idéologie bourgeoise, son caractère instrumental fut dénoncé tandis que l'art et la littérature d'avant-garde s'en remettaient à l'obscur, à l'infantilité, au primitif, au crépusculaire, comme contre-point à la banalité et au mesurable. Finalement, face aux attaques que Nietzsche porta aux valeurs bourgeoises, la critique de la Raison au nom de la Raison n'aboutit pas à une nouvelle métaphysique de l'existence nue située "au-delà du bien et du mal", ni ne dériva vers l'esthéticisme. Cependant, le triomphe des puissances capitalistes et du totalitarisme soviétique lui ôta des possibilités d'expansion et de diffusion, restant confinée aux cercles intellectuels, maisons d'édition marginales, facultés de province et des projets avec plus ou moins de succès comme l'Institut de Recherche sociale (les auteurs de l'École de Francfort et ceux liés à elle), le Collège de sociologie (Bataille), les revues Politics (Dwight Macdonald) et Le Contrat social (Souvarine, Papaïoannou), la Regional Planning Association of America (Mumford), etc. Protégée par la faible répercussion initiale de leurs travaux, séparée de milieux sociaux et éloignée des conflits politiques quotidiens, sans relation dialectique avec la totalité du processus social et par conséquent sans emploi, l'importance de la critique sociale théorique prit un nouvel élan avec l'irruption d'un nouveau cycle révolutionnaire dans les pays capitalistes développés au cours des années 1960. Elle servait de pont entre deux époques ; les protagonistes des révoltes et les nouveaux contestataires auraient à l'assimiler et à la mettre en pratique. La route était semée d'embuches, non seulement de la part des forces répressives policières, mais aussi de la part des gardiens staliniens qui sous diverses apparences, tiers-mondistes principalement, séduisirent une bonne partie de la jeunesse révoltée de l'époque. Mais la critique sociale avançait et accompagnait le mouvement réel. La révolte de Mai 68 en France fut le point culminant du "second assaut prolétarien contre la société de classe", ainsi qu'il serait défini par l'Internationale situationniste, le seul collectif qui capta le potentiel révolutionnaire de cette époque et qui signala les points où appliquer le levier de la révolte. La critique situationniste constitua une synthèse extraordinaire de raison et d'imagination. Même si elle n'assimilait pas la totalité de la pensée critique formulée antérieurement et tombait parfois dans l'historicisme et le progressisme, elle fut la plus cohérente et la plus novatrice, formulant des exigences radicales qui, étant donné la profondeur de la crise, pouvaient être posées à grande échelle. Mais elle ne trouva son prolétariat que brièvement car la recherche de la conscience théorique de la part de la classe ouvrière des années 60 ne dura que peu de temps et la création de conseils ouvriers ne se produisit nulle part. L'I.S. donna le coup de grâce au stalinisme et posa les bases d'une critique radicale véritablement subversive où le désir allait de la main de la connaissance rationnelle. Mais ses victoires profitèrent aux nouvelles générations amorphes et soumises, rétives à quitter le refuge capitaliste pour appuyer des projets révolutionnaires, piliers d'une classe triomphante qui sut phagocyter et intégrer les contributions situationnistes.

Le Pouvoir veut être contemplé comme une chose naturelle, comme s'il avait toujours été là, c'est pourquoi il déteste l'Histoire, l'histoire de la lutte des opprimés, car celle-ci lui rappelle son origine récente, sa condition d'usurpateur et la durée éphémère de son existence. Une fois obtenue la victoire sur le prolétariat autonome, son objectif stratégique fut l'erradication de l'idée même d'autonomie, ceci en procédant à un désarmement théorique qui mette l'histoire hors la loi. Avec la dévalorisation de la connaissance historique objective, le but était d'effacer de l'imaginaire social tout ce que la pensée révolutionnaire avait rendu conscient et qui pour le bien de la domination devait tomber dans l'oubli, après une dernière mystification. Pour une tâche d'une telle envergure, le vieux marxisme positiviste n'était pas efficace, pas plus que le structuralisme. La pensée académique pseudo-radicale devint alors l'instrument idéal pour pousser l'histoire dans la clandestinité et rétablir l'ordre sur le terrain des idées grâce à la récupération de fragments critiques convenablement désactivés, falsification facilitée par l'état de dégradation intellectuelle qui règne dans les milieux universitaires. Ainsi, les penseurs de la classe dirigeante se protégeaient de la subversion en menant les évènements hors de l'histoire, en les intégrant dans leur vision du monde en tant que métarécits, c'est-à-dire, comme des catégories littéraires atemporelles. Le fait historique, chargé d'expérience humaine, était désormais considéré comme une exception dénuée de sens précis, une interruption condamnable de la norme, une fissure réparable dans les structures immuables. La phobie bien compréhensible de la domination envers les révolutions amenait ses penseurs à qualifier de mythes trompeurs toutes les idées qui poussaient les individus vers la réalisation collective dans l'histoire de sa propre liberté, de sorte qu'ils ne leur restait plus qu'à se soumettre face à l'oppression et à s'évader dans leur petit monde privé.

Les vedettes de la récupération acquirent une notoriété impensable peu d'années auparavant, car un des aspects les plus significatifs de la destruction de l'histoire fut la facilité avec laquelle se fabriquent des réputations quand la mystification maligne a les mains libres. Ainsi donc, les penseurs-fonctionnaires campèrent un temps entre les décombres théoriques des luttes antérieures - rendus inoffensifs par le reflux du mouvement -, suffisamment pour que la soumission progresse et que les illusions révolutionnaires cessent d'être nécessaires. Avec un prolétariat se vautrant dans la misère modernisée, les idées n'étaient plus dangereuses : n'importe quel professeur médiocre pouvait remettre en question l'orthodoxie antérieure et proposer une alternative fictive et bâclée. Le truc consistait à être extrêmement critique sur les détails et s'abstenir d'en tirer une conclusion. L'excuse était de dire que tout était trop "complexe" pour en venir à accepter des solutions simples comme l'abolition de l'État et des classes. La psychanalyse pouvait servir d'alibi à la radicalité en papier. Par exemple, pour un comique comme Guattari, il ne fallait pas chercher la lutte des classes dans les lieux habituels du combat social, dans les antagonismes générés par l'exploitation, mais plutôt "dans la peau des exploités", dans la famille, chez le médecin, dans le groupuscule, dans le couple, dans le "moi", etc., c'est-à-dire, partout où le capital et l'État n'étaient pas trop remis en cause. Toutes ces théories sonnaient très radicales, même très anarchistes, mais on pouvait passer sa vie à regarder son sexe ou son intériorité, se culpabiliser et chercher la lutte des classes sans être certain de la trouver. Une pensée soumise qui gardait l'apparence de la subversion était la plus indiquée pour un pouvoir qui s'appuyait sur des classes moyennes salariées et sur un prolétariat qui reculait dans le désordre, tous sous le coup des secousses du passé, rêvant de révolutions qu'en réalité ils ne désiraient pas, en tout cas, incapables de réaliser même s'ils le voulaient. Consommateurs d'idéologie, ils voulaient en même temps le prestige de la révolte et la tranquilité de l'ordre. Néanmoins, la phase "révolutionnaire" de l'idéologie dominante cessa aussitôt que partit en fumée la perspective d'une guerre des classes en Occident. En peu de temps, la plongée dans la vie privée, la prépondérance des intérêts particuliers et la satisfaction immédiate de faux besoins produisirent une telle inconscience générale et un tel degré d'ignorance que la voie pour la pensée molle était définitivement ouverte. La rupture entre la vie sociale et publique permettait que l'abondance de marchandises comble les désirs manipulés des masses et que son esprit se contente d'ersatz de plus en plus simples.

En 1979, année qui vit l'apparition de l'adjectif "postmoderne" dans son acception actuelle, le concept de révolution pouvait être facilement démoli : le prolétariat endormi, l'histoire pouvait être redéfinie comme "narration" ou "récit", c'est-à-dire, comme berceuse, un genre littéraire mineur dans lequel la révolution était réduite à un simple "évènement" digne d'une fable. La révolution n'était pas vraiment un objet du désir. La bande des "néo-philosophes" - d'anciens maoïstes pour la plupart - condamnaient la révolution et l'universalité en tant qu'antichambre du totalitarisme. Ils affirmaient que "l'histoire n'existe pas" ou que "l'individu n'existe pas" avec le même naturel que les négationnistes niant l'évidence des chambres à gaz et des crématoires nazis. La classe intellectuelle dépendante était enfin en mesure d'affronter idéalement la subversion presque éteinte. La société retournait à l'ordre, on inaugurait un marché d'idées inutiles pour les masses analphabétisées et les néo-penseurs étaient à la mode, cessant la dissimulation pour proclamer ouvertement dans les médias leurs objectifs de liquidation. Fin de l'utopie : nombreux furent ceux qui abominèrent Mai 68 comme révolution mais l'applaudirent comme modernisation. Les idées à la mode se montrèrent comme ce qu'elles étaient, des idées de la domination. La classe dominante qui surgit transformée après la décomposition du mouvement ouvrier et de la restructuration du capitalisme trouvait enfin une pensée qui lui correspondait, une philosophie qui reflétait à la perfection son caractère et la nouvelle condition de sa domination, la condition postmoderne. Dans les départements bien rémunérés de l'enseignement, pourvus d'un arsenal de catégories ambigües et brumeuses exprimées dans un argot confus autoréférentiel, les récupérateurs post-structuralistes et autres sémiologues travaillent à leur "thématisation".

Sans doute, la pensée réactionnaire postmoderne s'est construite à partir d'interprétations unilatérales principalement de Nietzsche, bien qu'elle puisa aussi chez Heidegger, Kant, Husserl, Lacan, Lévi-Strauss et Freud dans la mesure où ils étaient utiles à la destruction de la Raison et de l'Histoire. La philosophie rationnaliste avait créé des va leurs universelles, postulant une progressive prise de conscience qui à son stade final rendrait l'humanité capable de s'autogouverner librement. La catégorie d'universalité mettait fin aux différences de naissance, de destin, de sexe, de richesse, de classe, de nation... Sa réalisation était un processus conflictuel : de là l'importance accordée à l'histoire en tant qu'histoire des luttes de libération. Dans ses formulations les plus radicales, les révolutions constituaient de violentes sorties d'urgence. Nietzsche questionna la réalité de ce processus émancipateur, niant le telos ou la finalité de l'histoire et soulevant la question de la dimension inconsciente et obscure - dyonisiaque - des sociétés humaines. Il voulut démontrer que les fondements de la raison n'étaient pas rationnels et que l'histoire n'évoluait pas selon des plans déterminés. L'astuce de la raison qui déduisait des fins générales à partir de passions particulières était donc une illusion hégélienne. De plus, la raison en s'appropriant de la "Vie", la détruisait, donc pour le bien de cette dernière il fallait se débarasser de la première. Telle serait, à grands traits, la tâche qui inspirerait les premiers artisans de la philosophie molle de la postmodernité, Foucault et Deleuze, leurs procédés généalogiques et modèles rhizomatiques. Nous ne pouvons nier l'énigme théorique surgie de la matérialisation cruelle de l'idée de Progrès, de l'expérience totalitaire et du triomphe du capitalisme qu'Adorno, Benjamin, Bataille et d'autres, chacun à leur façon, tentèrent de résoudre sans besoin de renoncer à la Raison, ni de faire des concessions à l'irrationalisme. Mais les critiques raisonnées de la raison et leur sens historique étaient condamnées à languir dans des cercles éclairés, à moins qu'un sujet agent prenne en charge ses résultats et les mettent en pratique.

Malheureusement, ce sujet, la classe ouvrière révolutionnaire, avait cessé d'exister dans les années 1980. La grande réussite du capitalisme fut précisément celle-ci : la dissolution des liens qui unissaient les individus à leurs semblables, à leur voisinage et à leur classe grâce à la privatisation absolue de la vie, c'est-à-dire, grâce à la désintégration du tissu social par la colonisation techno-économique de la vie quotidienne. D'un point de vue conservateur, l'histoire n'était pas le théâtre où se recréait l'humanité consciente pour s'autolibérer. Dans la pratique, pour un défenseur de ce qui existe, l'histoire s'immolait dans un présent éternel où personne n'était ni devenait, mais se contentait simplement d'exister. Par conséquent, la destruction théorique du sujet de la conscience fut un des premiers objectifs de la pensée soumise. Il fallait compléter la victoire capitaliste dans le champ des idées, mais non au moyen de l'outil de falsification habituel, le marxisme universitaire, mais en innovant dans l'art de dissoudre la vérité dans le mensonge et la réalité dans le spectacle. Les conditions mentales du capitalisme tardif - déconnexion avec le passé, absence de mémoire, dévalorisation de l'expérience, anomie, pseudo-identité - favorisaient l'opération lui donnant en plus les airs prestigieux de la rupture.

En supprimant la catégorie de totalité, le commentaire apologétique détruit la vérité et la transforme en doxa, opinion, interprétation, boucle. Pour un apologiste, les systèmes philosophique ne sont rien d'autre. Les jalons de la pensée n'étaient plus considérés comme des moments du développement de la vérité, mais comme un tas de ruines, plus ou moins exploitables. Un travail de récupération plus proche de celui d'un archéologue avec sa "boîte à outil" que d'un historien de la philosophie compilant informations et données. N'importe quel enoncé peut être questionné (et "déconstruit") afin d'en démontrer l'inanité à la carte. Pour Derrida, les catégories de classe, communauté, liberté, relation sociale, antagonisme, révolution, etc., sont de simples fantasmagories du langage, et par conséquent, de pures conventions : "logocentrisme". Elles ne sont pas réelles; la réalité étant ce qui reste à la fin de la déconstruction, c'est-à-dire, pratiquement rien. Ce sont de simples expressions de langage. L'objectivité se perd, l'essence se dilue et le contenu se vide : le vrai ne se distingue pas du faux, ni le concret de l'abstrait. Politiquement, le relativisme d'un tel délire d'interprétation conduit à se soumettre à l'ordre établi, laissant aux experts le contrôle des conditions d'existence de la majorité : si rien n'est vrai, n'importe quelle forme d'adhésion est permise. Voilà donc un nihilisme de bric et de broc dont les aspects les plus tapageusement négateurs pénètrent dans toutes les idéologies, du marxisme à l'anarchisme, du nationalisme au fascisme, s'hybridant dans une certaine mesure avec elles. Dans les œuvres les plus représentatives de la conscience servile, le Pouvoir n'apparaît pas à une extrémité de la hiérarchie sociale comme un produit de relations déséquilibrées par le capital et l'État, mais comme la substance qui imprègne la vie depuis la strate sociale la plus élevée à la plus basse. Le Pouvoir, comme Dieu et la libido, est partout, mais tout particulièrement dans les assemblées de travailleurs, dans la vie quotidienne, au lit, dans l'âme individuelle et dans les racines de cette fameuse vérité, qui pour peu qu'elle parvienne à voir le jour se verra qualifiée de conventionnelle et totalitaire. Il n'est guère surprenant qu'un futé comme Foucault ait trouvé son bio-idéal successivement dans l'Iran de Khomeini et dans les États-Unis de Ronald Reagan. D'autres, comme Guattari-la-machine, revendiquaient la révolte de Mai comme si en réalité ils n'étaient pas restés tranquillement chez eux pendant les journées des barricades. La plupart, comme Derrida, se déclaraient vaguement "de gauche" face à un public académique politiquement correct, tout en se distanciant beaucoup plus de Mai 68 que du stalinisme et de l'antisémitisme de leurs maîtres.

Les postmodernes de deuxième zone comme Baudrillard - encore un renégat maoïste - allèrent jusqu'à affirmer que la réalité n'existait pas, que c'était un simulacre. Plusieurs la qualifiait de "discours"; d'autres, de "chaos". Curieuse façon d'"interpréter" Debord. Cependant, le concept de spectacle, dérivé de celui d'aliénation, faisait référence à des réalités très palpables comme la relation entre les personnes médiatisée par des images, forme ultime du fétichisme de la marchandise. Contrairement à ce qu'affirmait Lipovetsky - renégat de Socialisme ou Barbarie - l'aliénation n'était pas sympa. Le vide n'était pas une option librement choisie. Les individus étaient aliénés en tant que spectateurs passifs d'une représentation d'eux-mêmes faite par d'autres, les agents de la domination. Ainsi donc, toute leur activité, qu'elle soit productive, pensante ou ludique n'était pas proprement à eux car elle était conçue et determinée par des règles établies au bénéfice économique exclusif de la classe dominante. Néanmoins, l'aliénation n'était pas une fatalité mais un phénomène historique, qui de la même façon qu'il avait commencé pouvait se terminer. À chacun de s'en délecter comme un crétin ou d'y mettre fin brusquement. Il n'est pas étonnant que pour les postmodernes - aliénés satisfaits - l'aliénation ait été le principal concept à supprimer après ceux de révolution et d'histoire. Sans lui, le rejet frontal au régime dominant perdait sa justification. Si la réalité était quelque chose de plus que le spectacle, la copie n'était pas aussi légitime que l'original. La vérité définissait a contrario la fausseté.

Au fur et à mesure que le capitalisme prolétarisait le monde avec l'aide inestimable de la technologie, les conditions industrielles d'existence se généralisaient et la mentalité postmoderne s'étendait. Les réfléxions de la postmodernité étaient les plus indiquées pour le confort intellectuel des strates moyennes en phase de croissance économique. Nous faisons référence aux classes moyennes salariées, avec des études et hyperconnectées. Les caractéristiques les plus communes de la vie quotidienne sous le régime turbocapitaliste se rencontraient pleinement chez cette classe : narcissisme, vide existentiel, frivolité, consumérisme, manque d'engagement solide, peur, solitude, problèmes émotionnels et relationnels, suivisme, culte du succès, "réalisme" politique, etc., toutes choses qui en faisaient le public idéal de la postmodernité. L'"idéologie française" - comme l'appelait Castoriadis -, malgré son obscurité et sa vacuité, ou précisément à cause d'elles, s'adaptait à merveille à la nature triviale de ces secteurs de la population qui est la base sociale de la domination. Mais la fonction de la spéculation postmoderne ne finit pas là : tous les mouvements anti-capitalistes réels la trouveraient sur leur route en compagnie du citoyennisme et du progressisme, difficultant ainsi l'avènement d'une pratique véritablement antagoniste et d'une véritable pensée critique antiproductiviste. La critique de la postmodernité occupe la place qui correspondait naguère à la critique de la religion marxiste-léniniste, à un moment où la société technologique de masse occupe celle de l'ancienne société de classes.

"Le monde n'a jamais été si méprisable, il n'a jamais été moins critiqué. Toute distance critique est si bien éliminée par le spectacle présent qu'il n'est rien d'insoutenable qui ne puisse s'y soutenir." (Encyclopédie des Nuisances, nº 7). La première grande difficulté de la critique radicale est de trouver un sujet capable de rétablir ladite distance, c'est-à-dire, capable de penser, car les communautés de combat nées des conflits ne sont presque jamais assez fortes et stables. Elles ne sont guère enclines au débat avec une volonté de conclure. La présence des classes moyennes les transforme en "communautés de carnaval" ou "communautés garde-robes", selon l'expression de Zygmunt Bauman, c'est-à-dire, des masses réunies dans des spectacles sans intérêts communs mais partageant une illusion de courte durée, une identité momentanée, qui sert à canaliser la tension accumulée lors des journées routinières. Dans ce type de pseudo-communauté, dès la fin des protestations festivalières, tout reste en l'état. L'effet le plus néfaste des spectacles contestataires des derniers temps est qu'en dispersant l'énergie des conflits sociaux véritables en des salves cérémonielles, ils avortent les véritables communautés combattantes. L'invasion par l'affectivité insatisfaite annule toute tentative de communication rationnelle, c'est pourquoi les assemblées évitent les débats définitifs et lâchent leurs émotions, attirant une pléthore de personnages névrotiques et caractériels. Il est évident que si les crises ne sont pas suffisamment profondes pour générer des antagonismes irréconciliable et menacer sérieusement la survie d'une des parties, la peste émotionnelle désactivera toujours les conflits réels et les fragments postmodernes contamineront toute réflexion bien intentionnée. La tâche immédiate de la critique consistera alors à dénoncer les mécanismes psycho-politiques de contention et la mentalité bourgeoise conformiste où elle est ancrée. Mais la réflexion ne chemine pas séparée de la passion : le désir de raison part de la raison du désir. Kafka, Anders, Marcuse, Reich, Sade et les surréalistes peuvent être d'un grand secours. Cependant, la tâche de plus grande portée est celle d'affronter la crise de l'idée de Progrès, de l'idée d'Histoire et de la Raison même - la crise de la société capitaliste - en évitant de retomber dans l'irrationnalité, dans la fuite esthétisante ou ruralisante, dans un antihumanisme naturaliste et sociophobe... Il est nécessaire d'expliquer les symptômes de la crise sociale historique sans jamais abdiquer la Raison qui est, comme le dit Horkheimer, "la catégorie fondamentale de la pensée philosophique, la seule capable de l'unir au destin de l'humanité". En définitive, il faut continuer l'utopie qui n'est rien d'autre qu'une raison sui generis, une raison imaginative.

La suppression radicale de la raison et de la mémoire à laquelle travaillent les postmodernes obéit à un impératif de l'État contemporain, de même que le remplacement du désir et de la volonté par le caprice et l'engagement frivole. La domination veut cacher sa nature et son histoire, comme si elle avait toujours été raisonnable et plaisante, même si l'irrationnalité et la répression lui sont inhérentes. Néanmoins, un État de ce genre-là, tellement contraire à la raison, à la mémoire et à la vie, "et dans la gestion duquel s'installe durablement un grand déficit de connaissances historiques, ne peut plus être conduit stratégiquement" (Debord). Il est par conséquent condamné à l'aberration et à l'effondrement.

Miguel Amorós

Filosofía en el tocador, Argelaga, 2016.



J'ai pas lu mais suis fort impressionné. J'espère qu'il n'y a rien d'illicite.

Bon, ça me rappelle ceci:

https://www.guitariste.com/for(...).html
Bonjour les trolls
Invité
Kandide a écrit :
A propos d'inconscient, je n'ai jamais bien compris...
Je m'explique, le conscient, je pense savoir un peu de quoi il s'agit...car comme la plupart des personnes dites "normales" (encore que, qu'est-ce que la normalité ? ) j'ai connaissance de ma conscience. Par contre comment puis-je accéder à mon inconscient ?
Car il y a plein de choses que l'on fait, sans s'en rendre compte, mais dictées par l'inconscient... Donc c'est important de le "connaitre",...
Notre inconscient a-t-il un dessein ?
Comment comprendre ou bien entrer en communication avec son inconscient ?

Je ne suis pas certain que mes questions ai du sens, mais j'ai de grandes interrogation sur cela.
Le but étant d'être en harmonieux avec son inconscient,...
Faisant du yoga et de la méditation, je voudrais comprendre cet inconscient qui fait partie de moi mais qui semble cependant assez hermétique... Qu'est-ce qui me prouve que je suis en total harmonie avec cet inconscient si j'ignore son contenu?

Si vous avez des suggestions ou bouquins sur le sujet, je suis preneur...
Sans doute cela n'est plus de la philo (encore que quand on parle de chercher un sens à sa vie), plus de la psycho...


Il n'y a pas un seul inconscient ... chaque discipline qui étudie l'esprit humain détermine un inconscient spécifique ... par exemple, pour la psychologie cognitive, l'inconscient peut désigner l'ignorance dans laquelle nous sommes des procédés que nous employons dans la cognition ...

Pour la psychanalyse de Lacan, l'inconscient (terme que je n'emploie quasiment jamais d'ailleurs) renvoie à l'insu des effets du signifiants sur notre pensée, nos affects etc...

Il ne peut pas être question d'harmonie avec cet inconscient là (mais pour d'autres formes d'inconscient, pourquoi pas) -l'idée n'aurait même pas de sens ...

En revanche l'idée d'une sorte d'"harmonie" avec l'inconscient dont parle Jung, c'est pas forcément insensé

Tu as raison, ce n'est pas de philo (la philo "pure" me gonfle) mais bien de la psychologie (au sens général du terme)...

Vu ta tournure d'esprit, je crois que tu pourrais apprécier le bouquin de Jung "sur l'interprétation des rêves" ... bouquin qu'il a écrit pour les "profanes" (il est très accessible) et qui est pas mal ( méfie toi toutefois des jungiens: ils sont encore plus tarés que les lacaniens )
Biosmog
Kandide a écrit :
A propos d'inconscient, je n'ai jamais bien compris...
Je m'explique, le conscient, je pense savoir un peu de quoi il s'agit...car comme la plupart des personnes dites "normales" (encore que, qu'est-ce que la normalité ? ) j'ai connaissance de ma conscience. Par contre comment puis-je accéder à mon inconscient ?
Car il y a plein de choses que l'on fait, sans s'en rendre compte, mais dictées par l'inconscient... Donc c'est important de le "connaitre",...
Notre inconscient a-t-il un dessein ?
Comment comprendre ou bien entrer en communication avec son inconscient ?

Je ne suis pas certain que mes questions ai du sens, mais j'ai de grandes interrogation sur cela.
Le but étant d'être en harmonieux avec son inconscient,...
Faisant du yoga et de la méditation, je voudrais comprendre cet inconscient qui fait partie de moi mais qui semble cependant assez hermétique... Qu'est-ce qui me prouve que je suis en total harmonie avec cet inconscient si j'ignore son contenu?

Si vous avez des suggestions ou bouquins sur le sujet, je suis preneur...
Sans doute cela n'est plus de la philo (encore que quand on parle de chercher un sens à sa vie), plus de la psycho...


C'est assez simple, mais il y a un protocole, comme disait le Jacques:
Tu pars en apéro dès maintenant. Tu sautes le repas et tu te finis à la caipirina dans une discothèque brésilienne. Ensuite tu rentres à la maison et après avpir consulté le topic sex symbol ter tu écris un long message dans n'importe quel topic de backstage. Tu prends note de quel topic c'est et tu vas te coucher. Demain après-midi, au réveil, tu relis ce que tu as écrit.

Voilà, tu as communiqué avec ton inconscient
Vous battez pas, je vous aime tous
Kandide
quantat a écrit :
Kandide a écrit :
A propos d'inconscient, je n'ai jamais bien compris...
Je m'explique, le conscient, je pense savoir un peu de quoi il s'agit...car comme la plupart des personnes dites "normales" (encore que, qu'est-ce que la normalité ? ) j'ai connaissance de ma conscience. Par contre comment puis-je accéder à mon inconscient ?
Car il y a plein de choses que l'on fait, sans s'en rendre compte, mais dictées par l'inconscient... Donc c'est important de le "connaitre",...
Notre inconscient a-t-il un dessein ?
Comment comprendre ou bien entrer en communication avec son inconscient ?

Je ne suis pas certain que mes questions ai du sens, mais j'ai de grandes interrogations sur cela.
Le but étant d'être en harmonieux avec son inconscient,...
Faisant du yoga et de la méditation, je voudrais comprendre cet inconscient qui fait partie de moi mais qui semble cependant assez hermétique... Qu'est-ce qui me prouve que je suis en total harmonie avec cet inconscient si j'ignore son contenu?

Si vous avez des suggestions ou bouquins sur le sujet, je suis preneur...
Sans doute cela n'est plus de la philo (encore que quand on parle de chercher un sens à sa vie), plus de la psycho...


Il n'y a pas un seul inconscient ... chaque discipline qui étudie l'esprit humain détermine un inconscient spécifique ... par exemple, pour la psychologie cognitive, l'inconscient peut désigner l'ignorance dans laquelle nous sommes des procédés que nous employons dans la cognition ...

Pour la psychanalyse de Lacan, l'inconscient (terme que je n'emploie quasiment jamais d'ailleurs) renvoie à l'insu des effets du signifiants sur notre pensée, nos affects etc...

Il ne peut pas être question d'harmonie avec cet inconscient là (mais pour d'autres formes d'inconscient, pourquoi pas) -l'idée n'aurait même pas de sens ...

En revanche l'idée d'une sorte d'"harmonie" avec l'inconscient dont parle Jung, c'est pas forcément insensé

Tu as raison, ce n'est pas de philo (la philo "pure" me gonfle) mais bien de la psychologie (au sens général du terme)...

Vu ta tournure d'esprit, je crois que tu pourrais apprécier le bouquin de Jung "sur l'interprétation des rêves" ... bouquin qu'il a écrit pour les "profanes" (il est très accessible) et qui est pas mal ( méfie toi toutefois des jungiens: ils sont encore plus tarés que les lacaniens )


Merci !
PEACE & LOVE
Invité
Biosmog a écrit :
Kandide a écrit :
A propos d'inconscient, je n'ai jamais bien compris...
Je m'explique, le conscient, je pense savoir un peu de quoi il s'agit...car comme la plupart des personnes dites "normales" (encore que, qu'est-ce que la normalité ? ) j'ai connaissance de ma conscience. Par contre comment puis-je accéder à mon inconscient ?
Car il y a plein de choses que l'on fait, sans s'en rendre compte, mais dictées par l'inconscient... Donc c'est important de le "connaitre",...
Notre inconscient a-t-il un dessein ?
Comment comprendre ou bien entrer en communication avec son inconscient ?

Je ne suis pas certain que mes questions ai du sens, mais j'ai de grandes interrogation sur cela.
Le but étant d'être en harmonieux avec son inconscient,...
Faisant du yoga et de la méditation, je voudrais comprendre cet inconscient qui fait partie de moi mais qui semble cependant assez hermétique... Qu'est-ce qui me prouve que je suis en total harmonie avec cet inconscient si j'ignore son contenu?

Si vous avez des suggestions ou bouquins sur le sujet, je suis preneur...
Sans doute cela n'est plus de la philo (encore que quand on parle de chercher un sens à sa vie), plus de la psycho...


C'est assez simple, mais il y a un protocole, comme disait le Jacques:
Tu pars en apéro dès maintenant. Tu sautes le repas et tu te finis à la caipirina dans une discothèque brésilienne. Ensuite tu rentres à la maison et après avpir consulté le topic sex symbol ter tu écris un long message dans n'importe quel topic de backstage. Tu prends note de quel topic c'est et tu vas te coucher. Demain après-midi, au réveil, tu relis ce que tu as écrit.

Voilà, tu as communiqué avec ton inconscient


Ce que tu dis là en déconnant, un abruti a osé le dire sérieusement

Rodolphe Adam dans son bouquin "Lacan et Kierkegaard" évoque le banquet de Platon et explique que les gars commencent à être bourrés, ce qui leur permet d'exprimer leur inconscient ... j'ai failli jeter le bouquin à la poubelle (je l'ai finalement donné à mon beauf')
Kandide
Biosmog a écrit :
Kandide a écrit :
A propos d'inconscient, je n'ai jamais bien compris...
Je m'explique, le conscient, je pense savoir un peu de quoi il s'agit...car comme la plupart des personnes dites "normales" (encore que, qu'est-ce que la normalité ? ) j'ai connaissance de ma conscience. Par contre comment puis-je accéder à mon inconscient ?
Car il y a plein de choses que l'on fait, sans s'en rendre compte, mais dictées par l'inconscient... Donc c'est important de le "connaitre",...
Notre inconscient a-t-il un dessein ?
Comment comprendre ou bien entrer en communication avec son inconscient ?

Je ne suis pas certain que mes questions ai du sens, mais j'ai de grandes interrogations sur cela.
Le but étant d'être en harmonieux avec son inconscient,...
Faisant du yoga et de la méditation, je voudrais comprendre cet inconscient qui fait partie de moi mais qui semble cependant assez hermétique... Qu'est-ce qui me prouve que je suis en total harmonie avec cet inconscient si j'ignore son contenu?

Si vous avez des suggestions ou bouquins sur le sujet, je suis preneur...
Sans doute cela n'est plus de la philo (encore que quand on parle de chercher un sens à sa vie), plus de la psycho...


C'est assez simple, mais il y a un protocole, comme disait le Jacques:
Tu pars en apéro dès maintenant. Tu sautes le repas et tu te finis à la caipirina dans une discothèque brésilienne. Ensuite tu rentres à la maison et après avpir consulté le topic sex symbol ter tu écris un long message dans n'importe quel topic de backstage. Tu prends note de quel topic c'est et tu vas te coucher. Demain après-midi, au réveil, tu relis ce que tu as écrit.

Voilà, tu as communiqué avec ton inconscient


J'ai droit à une brésilienne aussi... J'espère ?


En fait, écrire en étant complètement bourré, c'est proche de l'écriture automatique...
Une manière pour avoir accès à cet inconscient ou à ces inconscients (si l'on se réfère à Quantat... )

ça semble pas simple tout cela, d'autant que je n'aime pas me bourrer la gueule...
Faut que je trouve un moyen plus simple...
Je vais écouter le sieur Quantat et lire du Jung

Par contre faire la numba avec une brésilienne, pourquoi ?
Si ça se trouve mon inconscient approuvera...
PEACE & LOVE
Kandide
quantat a écrit :
... j'ai failli jeter le bouquin à la poubelle (je l'ai finalement donné à mon beauf')



Tu as l'air de bien apprécié ton beauf !
PEACE & LOVE
Biosmog
Kandide a écrit :

Par contre faire la numba avec une brésilienne, pourquoi ?
Si ça se trouve mon inconscient approuvera...


La Brésilienne, c'est pour t'aider à franchir les dernières barrières
ça ne marche pas avec toutes les catholiques!
Vous battez pas, je vous aime tous

En ce moment sur backstage...