J'ai répondu "oui" mais vraiment parce qu'il y a un contexte derrière cette réponse et que ça correspond à une phase dans mon évolution...
En fait j'ai vu Steve à Patrimonio en Corse cet été (dernier concert de la tournée mondiale du G3) et j'ai été vraiment impressioné.
Ce n'est pas tellement que ce qu'il joue soit beau ou laid (les affaires de goût et de couleur...) ou qu'il soit un virtuose aux capacités techniques extraordinaires ou non... ça a plus à voir avec l'expression, la communication, la générosité, ce qu'il donne au public.
Steve a mon sens utilise sa guitare comme si c'était une extension de lui-même, un membre de son propre corps. Un ami qui connait un peu Zappa me disait qu'il avait été très influencé par Frank durant sa route avec lui.
Il me faisait remarquer aussi que Steve avait été le "shyboy" (premier titre sur le concert Live at astoria et un des morceaux clés pour comprendre la personnalité de Vai) devenu totalement megalo et jouant avec sa bite...
Effectivement, il y a une dimension éminemment sexuelle dans le jeu de Vai. Mais ce que j'ai remarqué avant tout c'est sa volonté de communication avec le public qu'il arrangue et cherche à provoquer avec ses déhanchements, ses jeux de jambes, ses tirages de langue, les expressions faciales qu'il prend comme pour s'impressioner lui-même autant que le public, les mediators qu'il jette dans la fosse... les jeux de tourniquet avec son vibrato... Vai cherche à mon sens à sortir de son enveloppe corporelle pour devenir pur esprit, et il utilise la musique avec plus ou moins de succès pour y parvenir.
J'ai vu pendant ce concert quelqu'un qui jouait un personnage sur scène (il change souvent de costume). On peut dire que c'est un "entertainer", un show-man, un acteur, d'ailleurs il a bien fait remarquer qu'il pouvait se moquer de lui-même ("have you seen my rock star style ?" lançait-il au public à Patrimonio). Que sa guitare soit une extension de son phallus où l'outil de sa volonté de puissance, ce n'est pas aller bien loin que de penser cela, c'est vraiement réducteur et insultant. Steve joue aussi avec le coeur et les tripes, alternant moments de frénésie, de grâce, de sauvagerie, toute une palette d'émotions...
Il a également le défaut de presque tous les grands solistes : il en colle partout, il fait de la "guitar music" (comparé aux branlettes en penta legato de Satriani sans intérêt, je préfère encore les démanchés de Vai au langage harmonique un peu plus élaboré/savant).
Autre défaut, il écrase par son brio et son énergie les musiciens prestigieux qu'il a autour de lui (Sheehan, Bissonette, Warner, Mac Alpine) pour faire de la musique très centrée autour de sa guitare... on sent que les autres s'éclatent quand même de jouer avec lui mais qu'ils restent avant tout au service du maître...
Alors on peut être réceptif ou hermétique à son jeu (son art). Personne ne cherche à ressentir les mêmes émotions à travers la musique. On peut y chercher la joie, la colère, la fête, la folie, la branlette cérébrale... cela dépend tellement de nos humeurs et du temps...
Toujours est-il qu'à mes yeux Steve dégage quelque chose de singulier, on peut appeler cela charisme ; on sent qu'il a sur scène une grande confiance en lui (qui est probablement née de sa volonté de compenser sa timidité étant enfant). Et pourtant ce mec culmine à une taille que j'estime autour du mètre 95...
Bref chez nombre de grand artiste reconnus (je pense qu'on peut parler de génie pour Vai) il y a une fêlure originelle... un don, et un travail acharné, une volonté de prouver quelque chose au monde, une prise de conscience de ce don et une capacité à se focaliser sur cela jusqu'aux limites de l'obsession.
Pour toutes ces raisons je pense que Vai dans une certaine mesure peut être considéré comme le meilleur guitariste du monde encore que ce terme de "meilleur" ne soit pas vraiment approprié... disons qu'il est l'un des phares de ce monde de la guitare (et de la musique)...