Un copain vient de commettre ceci dans un journal belge. On pourra dire que c'est orienté, mais ça me paraît pertinent au niveau du contenu politique (désolé pour la longueur, mais je ne sais pas si de France vous avez accès à l'article):
Citation:
Pour ceux qui nourrissaient encore des illusions, l’école gratuite, c’est terminé. Désormais, les familles sont invitées à augmenter leur budget scolaire de 20 euros par mois et par enfant pour s’acquitter des autotests de prévention contre le covid. Le politique souhaite-t-il rejeter sur les familles la surveillance de la pandémie ?
Dans un pays qui compte un enfant sur quatre vivant sous le seuil de pauvreté, ce coût supplémentaire approfondit les inégalités. Les réponses politiques ne se souciant pas des inégalités sont intenables pour de nombreuses familles. Et puisque de telles mesures ne peuvent être appliquées, elles sont souvent défaites dès qu’elles sont émises. Depuis quarante ans, le personnel politique en Belgique et dans de nombreux pays de l’OCDE se soucie fort peu de la praticabilité de ses lubies managériales empruntées souvent sans discernement au monde de l’entreprise. La fantaisie centrale qui fait partout l’unanimité est l’austérité, l’une des politiques les plus efficaces pour creuser les inégalités sans répondre aux enjeux sociétaux.
Deux ans après le début de la pandémie (1), il y a relativement peu de mesures structurelles qui ont été mises en place. En juin 2020, des spécialistes de la dynamique de transmission virale prédisaient des mesures de distanciation sociale épisodiques jusqu’en 2022 au moins (2). Et ils concluaient que pour réduire ces épisodes et assurer les soins critiques, il y avait lieu d’augmenter la capacité d’accueil des hôpitaux et d’effectuer des tests viraux à grande échelle. Partout le personnel politique a plutôt visé l’inverse en réduisant les dépenses, et se repose désormais sur les familles pour effectuer les tests coûteux. On ne badine pas avec le dogme de l’austérité.
Destruction des services publics
L’austérité a une histoire. Depuis quarante ans, les partis traditionnels se succèdent pour mettre en œuvre la destruction des services publics et alléger les contraintes fiscales sur les plus riches. L’évasion fiscale, qui est considérée légale bien qu’elle s’appuie sur les paradis fiscaux, s’élève à 11.000 milliards de dollars dans le monde. La fraude fiscale, illégale et opaque, s’y ajoute et s’élèverait, au bas mot, pour la seule Belgique, à 7 milliards d’euros par an (3). Pendant ce temps, les politiques libérales se sont acharnées à définancer l’école, l’hôpital, la poste et le rail, tout en privatisant ce qui pouvait l’être et en bloquant les salaires et les pensions. Ces mesures rendent la vie difficile à un nombre sans cesse croissant de familles, et elles hypothèquent de plus en plus les possibilités d’adaptation de nos sociétés aux crises économique, climatique, écologique ou sanitaire. L’impuissance, ça se construit jour après jour.
Mises en garde permanentes
Pour justifier son impéritie, le personnel politique assume cette impuissance délibérée et met en garde la plèbe. « Il n’y a plus d’argent dans les caisses ». « C’est de l’utopie ». « Ne cédons pas aux sirènes du populisme ». « Ce sont les traités ». Dans d’autres cas, l’impuissance peut être masquée à grand renfort d’euphémismes ou d’oxymores, comme lorsqu’on présente une diminution du niveau des pensions de retraite sous le seuil de pauvreté comme étant la meilleure option pour « sauver les retraites ».
Changer de paradigme
Le néolibéralisme s’appuie sur les théories discutables (et parfois, dogmatiques) des Chicago Boys de Milton Friedman, dont on connaît aujourd’hui les conséquences désastreuses. En revanche, le discours idéologique qui l’accompagne et qui interdit toute pensée récusant la marchandisation du monde est encore servi partout, il tient en un acronyme : TINA (pour « there is no alternative ») (4). Nous avons pourtant besoin d’un changement de paradigme car nous devons affronter non pas une crise mais un nexus de crises. La crise des inégalités, celle du climat et celle de l’écologie se conjuguent, en effet, de manière à se renforcer les unes les autres, exposant l’humanité à des impacts cumulatifs.
Pour faire face à cette situation, nous ne pouvons plus nous contenter de l’austérité et des postures d’impuissance. La priorité devrait, au contraire, viser à intensifier la lutte contre la criminalité financière pour refinancer les services publics et la solidarité. La pandémie qui nous assiège et les crises à venir nous obligent à effectuer ce virage au plus tôt.