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Obscènes et dangereux, les ultra-riches se gavent comme des porcs et renforcent les inégalités. On a parlé avec Nicolas Framont de sensibilité de classe, de langage et des raisons pour lesquelles les grandes fortunes de ce monde sont des nuisibles.
C’était l’une des grosses stats à retenir des deux premières années Covid : alors que pour beaucoup les revenus ont baissé à cause de la pandémie, la fortune des dix hommes les plus riches au monde avait plus que doublé. Autres observations, pour le plaisir : les riches polluent évidemment plus que les pauvres et les personnes qui subissent le plus les conséquences de la crise climatique en sont les moins responsables. Alors qu’on ne sait pas quoi faire de notre impuissance climatique et que l’augmentation du coût de la vie nous amène à bouffer moins (ou se soigner moins, se chauffer moins, s’amuser moins, la liste peut être longue), on voit les ultra-riches se gaver comme des porcs, plus que jamais.
La course à la rentabilité et la vision court-termiste des grosses fortunes et de leurs multinationales continuent de dérégler le monde. La balance est éclatée. Les privilèges des uns renforcent les inégalités que subissent d’autres. Pourtant, on s’évertue à justifier l’existence de ces inégalités et la domination de leur classe, à coups de discours prônant la méritocratie, pour ne citer que l’un des concepts les plus bancaux du monde moderne. Leur confort se construit pourtant sur un mode de production dont ils sont les seuls bénéficiaires, ainsi que sur le labeur d’une classe travailleuse dont les droits ne cessent d’être dégradés par leurs logiques néolibérales.
La notion de « réussite » est galvaudée, pervertie. On célèbre les mauvaises personnes, comme on fustige ceux qu’il ne faudrait pas. Qu’est ce que coûte la fraude aux prestations sociales à côté de l’évasion fiscale ? Pourtant, on ne parle jamais des évadés fiscaux comme des parasites. Au contraire, il est plutôt d’usage de pointer du doigt – pour leur prétendu « coût pour la société » – les personnes qui subissent le plus les mécanismes de domination : sans-papiers, sans-abri, chômeur·ses, etc.
Nicolas Framont (34 ans) est un sociologue français. En 2013, il a fondé la revue Frustration, un média d’opinion engagé, qui parle notamment de luttes sociales. Il a aussi publié plusieurs livres, et son quatrième vient de sortir. Parasites (Éditions Les Liens qui Libe?rent) pose d’entrée : « Les parasites ne sont pas ceux que l’on croit. » Dans le viseur : la classe bourgeoise, possédante, celle située au sommet du corps social, celle qui domine la classe travailleuse et la société en général. L’auteur développe en près de 300 pages pourquoi « cette classe ne nous apporte rien, nous coûte bien plus cher qu’elle ne nous rapporte et nous mène au désastre écologique. » Comme tout brûlot qui appelle à la révolte, Parasites donne envie de fracasser des crânes, mais il offre aussi des clés pour transformer la colère en action.
On a parlé avec lui de sensibilité de classe, de langage et des raisons pour lesquelles les grandes fortunes de ce monde sont les vrais nuisibles.