Doc Loco a écrit :
C'est l'éternel dilemme de la dissociation de l'oeuvre et de celui qui l'a produite - s'il ne faut admirer que les oeuvres de saints, on va vite s'emmerder. Céline était un parfait salaud, mais un écrivain de génie, Polanski (certainement) ou Woody Allen (probablement) sont des mecs puants dans leurs relations aux adolescentes - mais certains de leurs films sont des chef d'oeuvres. Cantat est un salopard de cogneur de femmes, mais c'est aussi un chanteur-parolier- bête de scène exceptionnel. Ted Nugent est un réactionnaire absolu fan de guns et de chasse jusqu'à l'absurde, mais c'est aussi un grand guitariste. Harvey Weinstein est un abuseur industriel, mais il a produit de grands films et permit à de grands réalisateurs d'émerger.
Et la liste est sans fin (sans compter tout ce qu'on ignore).
En aucun cas leurs oeuvres n'excusent leurs actes. Mais l'oeuvre est là, et sa qualité ne change pas lorsqu'on apprend que celui/celle qui l'a produite est un être ignoble sur d'autres plans. Peut-être même que l'oeuvre est parfois en partie sublime PARCE QUE son auteur a des failles béantes. Telle est la création, elle ne se nourrit pas uniquement du meilleur de nous.
Bon, dans le cas de Noir Désir, il y'a évidemment en plus le fait qu'il s'agissait d'un groupe de trois innocents et un coupable, et que ces trois personnes n'ont pas à payer pour le quatrième. Qui
pourrait nous faire la grâce de se suicider d'un poing dans la gueule quand même.
J'ai une lecture différente, qui n'est pas celle de la dissociation de l'oeuvre et de l'artiste. En bref, je pourrais admettre que Cantat produise n'importe quelle oeuvre, mais pas celle de chanter.
Cela m'a sauté ...non, même pas aux oreilles, mais au ventre pendant un concert de Detroit. Chanter n'est pas une production artistique comme une autre. Un chanteur est plus proche de l'orateur que de l'acteur. Il y a une dimension de vérité ou de je ne sais quoi d'irréductiblement authentique dans le chant. Un exemple: tu as peut-être écrit des chansons pour autrui, et tu as peut-être remarqué que cela n'a rien à voir avec écrire de la musique pour autrui. Chanter, c'est aussi prétendre à un éclat, c'est se magnifier devant l'absolu: «moi, misérable humain, je brille quand même, face à l'univers infini».
C'est difficile à expliquer et je reconnais que c'est une position fascisante, je l'assume: un meurtrier peut se racheter une conduite, se réintégrer, rire, faire preuve de sagesse et être à nouveau écouté. Mais jamais plus, à mes yeux, il n'aura le droit de chanter!
Vous battez pas, je vous aime tous