Redstein a écrit :
J'ai effectivement très peur de l'idéalisation du passé, qui informe volens nolens le discours de tous nos néo-luddites. Cela dit, ils ne disent pas que des conneries, et j'aurais pu écrire une bonne partie de ce que tu as écrit ci-dessus (sauf le couplet sur les machines qui nous domineraient , et d'une manière générale tout ce qui tend à affirmer que "c'était mieux avant").
De mon point de vue, sans la technologie, (et pour rester dans l'esprit de clocher) nous autres Franscouillons serions tous des bouseux ignares, une très mince élite exceptée (dans laquelle, comme aujourd'hui, ne figurerait pas la classe dirigeante) - et ce jusqu'à l'extrême limite de nos 30 ans d'espérance de vie...
Donc on est d'accord, ce monde pue (faut juste éviter d'oublier que ça a
toujours été le cas), et il faut en changer - mais je note que tu t'es bien gardé de répondre à ma question
Bref, encore une fois, pour qui veut un autre monde, se cramponner au discours luddite revient à donner des armes à ses adversaires, qui n'en manquent déjà pas, vu l'apathie générale des télézombies.
Mais des solutions, il y en a, et elles passent toutes par l'autonomisation des personnes. J'ai parfois parlé ici d'un roman d'un auteur de SF inconnu en France : Copernick's Rebellion, de Leo Frankowski, qu'on aurait pu sous-titrer 'la libération par l'ingénierie génétique'... En v'là une idée qu'elle a l'air taillée pour faire hululer les luddites
Mais tant pis : l'idée de base, c'est précisément que si les populations disposaient d'habitats leur fournissant gratuitement sécurité et alimentation (les 'Tree Houses'), la fiction du travailler pour vivre tomberait d'elle-même, et le capitalisme avec (bon, il y a un sacré paquet de parasites qui freineraient des quatre fuseaux, et sans grand souci d'humanité, on est d'accord).
Ce bouquin était prémonitoire en 1987, et il est complètement d'actualité aujourd'hui, mais sans aller aussi loin, le concept d'habitation autonome n'est pas nouveau et il fonctionne déjà - pas trop en France vu la calcification mentale de la plupart des conseils municipaux et autres services de la DDE, etc., mais aux USA, par exemple, plus précisément en Arizona, au Nouveau-Mexique, etc. : fais une recherche sur 'Earthship', et tu comprendras de quoi j'cause.
Bref, ce n'est pas tellement la société (le système
) qui empêche les gens de tune in, turn on, drop out, mais bien un hallucinant manque d'imagination, qui leur fait préférer à tout coup ce qu'ils connaissent à ce qui pourrait être (y a qu'à voir la persistance du couple orthodoxe, pour en revenir à une de mes lubies : ce machin qui ne marche jamais, qui fait des dégât immenses, et auquel tant de gens croient pourtant mordicus...)
on ne peut pas critiquer le capitalisme sans critiquer la société industrielle et vice versa. tu simplifies à outrance les critiques anti-industrielles en les ramenant à une volonté d'arriération et de retour à des époques du passé alors qu'il s'agit d'inventer, de penser de nouvelles formes de vie débarassées des nuisances technologiques. je parlais de récupérer la notion d'artisanat, je ne vois pas en quoi cette notion serait liée à celle de patriarcat dont tu m'accuses de vouloir le retour.
tu affirmes que ce "monde pue" (c'est ton expression, et en effet, non seulement il pue, au sens propre comme au figuré, mais en plus il est laid et il est criminel) mais tu refuses d'aller au bout du raisonnement par peur d'une chute dans le passéisme... car enfin, si ce monde pue c'est bien par excès de machines en tout genre. et la laideur est une promesse de malheur (stendhal).
tu nous dis que l'éducation ne serait réservée qu'à une élite dans le cas d'une société sans technologie... mais de quelle éducation parle-t-on ? si c'est "l'enseignement de l'ignorance" dont parle jean-claude michéa se serait un bienfait de se passer d'elle car elle abruti l'humain et le sépare de la vie naturelle.
de nos jours les gens ne savent rien sur la nature, ne savent même pas distinguer le devant du derrière d'une vache ! une quantité énorme de savoirs ancéstraux se sont perdus au bénéfice d'un charlatanisme technologique qui nous a mené dans ce bourbier qui nous engloutit. les gens ne savent même plus parler. c'est là que les dégats de la société industrielle ont fait le plus de ravages, dans l'être humain. venir parler des bienfaits de l'éducation moderne alors que l'on voit les signes de la barbarie tout autour de soi, il y a de quoi rire.
encore une fois, il ne s'agit pas d'idéaliser le passé mais de récupérer certains savoir-faire du passé et de renouer avec le processus de l'humanisation dont nous sommes sorti il y a longtemps. c'est ce qu'explique rené riesel :
http://www.noslibertes.org/dot(...)3/520
la vie dans le passé n'a jamais été idyllique, je te l'accorde volontiers, elle était mieux que ça, elle vivait. lorsqu'on feuillette les vieux livres, difficile de ne pas être bouleversé, à moins d'être déjà complètement insensible, par la beauté des paysages des rives méditerranéennes (par exemple) avant qu'elles n'aient été dévastées par l'industrie touristique.
la dégradation irréversible de la vie terrestre due à l'industrialisation a été décrite depuis plus de 50 ans par des gens très divers (orwell, mumford, etc.), ce n'est donc pas un scoop, ce qui est intéressant c'est d'observer comment les masses endoctrinées refusent de s'en prendre aux machines et au capitalisme. tu as raison de dire que c'est la peur de l'inconnu qui fait que les gens se recroquevillent sur ce qu'ils connaissent déjà.
tu évoques l'espérance de vie, voilà encore un sujet très discutable lorsqu'on observe l'augmentation du nombre de cancers et de pathologies en tous genres...
tu évoques aussi les luddites... 200 ans après, difficile de leur donner tort, à moins d'être de mauvaise foi, ou d'être empêtré dans la fausse conscience. leurs intuitions se sont révélées fondamentalement vraies. mais c'est toujours le même problème avec ceux qui en sont encore à rêver de mettre l'organisation industrielle au service d'une "vie libre" dont ils ne s'aperçoivent même pas qu'elle serait ainsi vide de contenu...
des solutions, il n'y en a pas de toutes faites, il s'agit d'un chemin à faire, c'est en cheminant que de nouvelles idées et possibilités surgiront. ma sympathie va vers les expériences comme celles menées par les communistes libertaires de la colonne de fer (josé pellicer) ou les amis de durruti pendant la révolution espagnole de 1936. mais là aussi les illusions sur le progrès technologique avaient fait des ravages... sympathie pour eux donc, mais pas sans critique...
ps: pour chix4free qui doutait de l'existence d'une quelconque révolution en 1936
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http://fr.wikipedia.org/wiki/R(...)_1936