Leeroy a écrit :
Ohlala votre débat est déprimant ( au sens propre pour moi, c'est pas péjoratif car j'ai trouvé tout cela très intéressant )
Mais je suis vraiment très intéressé et axé pour l'instant sur l'idée de devenir chercheur, alors si vous pouviez évoquer les aspects positifs aussi ? ( raconter votre passion en somme ) Ca serait super sympa et je suis certain que vous avez également beaucoup à dire sur le sujet !
Ben le plus grand point positif, c'est de faire ce qui nous plait... Je pense qu'une grande partie de chercheurs le sont parce qu'ils ont une curiosité intellectuelle insatiable...
Beaucoup de gens se posent souvent les questions : "Comment ça se fait que...?", "Pourquoi est ce que...?" "Si on faisait ça, qu'est ce qui se passerait...?" Nous on est payés pour se poser des questions de ce genre, et pour tenter (réussire si possible) d'y répondre. C'est franchement exaltant quand tu trouves enfin une réponse à une question qui te travaillait depuis un bout de temps. Encore plus si c'est une question que des tas de gens se posaient
Autre point positif, et non des moindres... LA LIBERTE.
OK quand comme moi tu es aussi enseignant, tu as des cours à donner, à des horaires fixes. Mais le contenu des cours, contrairement à un prof du secondaire ou du primaire, c'est toi qui le détermine (avec le responsable de la formation dans laquelle est ce cours, mais bon...). Tu as quand même un bonne part de souplesse sur les horaires de ces cours, et de toutes façon la charge d'enseignement théorique pour un maître de conf, c'est 192 h, équivalent TD.
Sinon pour ta recherche, ben dans certaines disciplines tu es contraint par l'équipement et les axes du labo au sein duquel tu travailles. Mais hors cela, tu bosses sur le sujet qui te chante, aux heures où ça te chante, de la façon dont ça te chante. La seule contrainte (malheureusement souvent théorique) c'est que ça débouche sur un article à présenter à des conférences, colloques etc. puis à publier dans une revue scientifique, à comité de lecture.
Mais honnêtement, pour moi qui suis sur un domaine qui se situe à l'intersection des maths appliquées, des sciences économiques et des sciences de gestion, avec pour ce qui est des maths appliquées des possiblités d'applications en physique, métérologie, traitement du signal et biologie, le champs dans lequel je choisis ce sur quoi je travaille est franchement immense. Et bien qu'il y ait une 'hiérarchie' dans les labos, elle n'a aucune incidence sur mes choix. Cette hiérarchie est théorique, et n'a pour rôle principal que la gestion des financements et des cours, ainsi que des recrutements. Donc pour résumer, hormis les cours, on travaille sur ce qu'on veut, avec qui on veut, de la façon dont on veut... Et ça aussi il n'y a pas beaucoup de métiers où on peut en dire autant.
Leeroy a écrit :
Allez faites de la promo, parce que dans 10 15 ans j'arrive moi ^^ ( pas dans les maths ni la physique mais bon ... )
Pourquoi pas? honnêtement la France manque de chercheurs, surtout dans les disciplines scientifiques. Le problème c'est qu'il n'y a pas forcément les budgets pour recruter tous ceux dont on aurait besoin... Donc le taux de chomage des jeunes docteurs est super important (genre dans les 30-35% un an après la soutenance de la thèse). Mais pour les bons, on s'arrange toujours pour pouvoir les recruter.
Leeroy a écrit :
Au passage, je ne suis pas très renseigné, mais j'ai lu qu'en France les labos ( type CNRS ) avaient peu de moyens financiers et qu'il était intéressant de partir plutôt à l'étranger, est-ce vrai et si vous pouviez développer aussi un peu s'il vous plait...
C'est très vrai... les moyens sont super restreints. Le budget de la recherche est plutôt faible, mais surtout très mal réparti... Presque tout va aux domaines médiatisables et qui parlent aux politiques (recherche médicale, aérospatial, nucléaire...) pour les autres, c'est gestion de la pénurie permanente. A l'étranger les budgets sont mieux répartis (c'est en gros fait suivant la loi du marché, les bons ont plus, les mauvais ont moins, ce qui est possible parce qu'il y a une réelle évaluation des labos)
Et les financements privés sont beaucoup plus importants, les entreprises US voyant très bien l'intéret de financer la recherche, même fondamentale et sans rapports avec leur activité, ce qui n'est pas du tout le cas en France.
L'autre grande différence, c'est qu'en France le système universitaire et de recherche n'est pas organisé autour des chercheurs, ni même des étudiants, mais plutôt autour des administratifs et de leurs syndicats. A l'étranger, surtout dans les pays anglo saxons, tout est organisé autour de la recherche et des chercheurs. La partie enseignement suit naturellement, et l'administration doit se démerder pour que ça marche. Ca change tout... Surtout en matière d'état d'esprit... Quand tu as un truc dont tu a besoin, en France, tu vas mendier auprès d'une secrétaire, qui te traite comme une merde (parfois, il y en a quand même quelques unes de très bien) et demande que tu lui fournisse moult documents. Dans les facs anglo saxonnes, tu fait ta demande et la secrétaire se démerde pour que tout marche...
En plus comme il y a évaluation (digne de ce nom parce que l'égalitarisme n'est pas la doctrine dominante, plutôt l'élitisme), tu es poussé à donner le meilleur de toi même, tous tes collègues font tout pour publier le plus possible et dans les meilleurs revues possibles, donc tu es entrainé...
En France, bien des chercheurs se relachent complètement dès qu'ils ont l'HDR (habilitation à diriger des recherches) où qu'il sont profs ou directeurs de recherche. Bien d'autres font de la recherche a minimum (ils sont découragés et en ont marre de se battre comme des damnés pour des bourses de recherche miséreuses) et ceux qui veulent vraiment bosser sont limite regardés comme de dangereux perturbateurs... C'est moins motivant comme ambiance déjà...
Ca je l'ai constaté de mes yeux. J'ai été pendant un an dans un labo en Angleterre... Et pourtant les anglais se plaignent du manque de moyen et de motivation par rapport aux américains.
Et les américains que je rencontre à des conférences... Ben ça dégoute un poil. Même les doctorants sont mieux payés que les profs en France... Tu rencontre un thésard qui gagne deux fois plus que toi qui a fini ta thèse et qui a dix fois plus de publis que lui... ça fait un peu mal...
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