Yazoo! a écrit :
heureusement que le secteur privé est capable de générer du profit sinon on serait très mal.
Elle est bien bonne.
Sinon pour revenir au thème de l'anti-communisme, nombre de témoignages nous montrent qu'il fut un temps où être communiste était un mode de vie, un temps où le parti communiste était une contre-société. Les communistes français vivaient au sein de la société bourgeoise autrement que ceux qui acceptaient la société bourgeoise. Il existait une véritable fraternité entre militants, fraternité qui ne concernait pas le sommet du parti (fraternité virile qui sera ensuite dévoyée par les fascistes, comme tout ce que la droite vole à la gauche). L'appareil, au sommet, n'était préoccupé que de politique au sens étroit et luttait contre le moindre signe de trotskysme et contre le moindre signe de spontanéisme. A l'affût de toutes les déviations, toujours vigilant, l'appareil se consolidait ainsi pour se confirmer à ses propres yeux et devant la base. Mais parmi les militants, à la base, il n'y avait rien de tel. Il y avait dans le Parti des gens de toutes sortes même des anarchisants et des trotskystes. Donc au début, le communisme est une manière de vivre, un style qui s'orientait vers le grand style. Ce n'est que plus tard qu'apparaît le mythe du communisme, sa mystification. Avec dans le même temps l'apparition d'une autre mystification : l'anticommunisme. Ces deux mythes s'entretennaient l'un l'autre et bouchaient l'horizon.
L'anticommunisme était une mystification politique servant de couverture au fonctionnement du capitalisme. Quant au communisme, il n'a jamais pleinement existé. Le communisme selon Marx ? On sait ce qu'il en dit... Ses conceptions étaient bien plus proches de celles de Bakounine que de celles de Staline. D'ailleurs les "théoriciens" soviétiques renvoyaient le communisme à une date indeterminée. Dans le communisme, bien sûr, concédaient-ils, il n'y a plus d'Etat ; en attendant, nous renforçons l'Etat pour préparer le bond final au cours duquel nous passerons de l'Etat à l'absence d'Etat. Comme si le renforcement stalinien de l'Etat pouvait un beau matin s'effacer, sans révolution, sans discontinuité radicale...
Mais le mouvement communiste a quitté son terrain et s'est installé sur celui de l'adversaire le jour où l'Etat stalinien a pris en charge la croissance économique. Il a servi de modèle non seulement aux divers partis communistes mais aux Etats et aux partis bourgeois. C'est là que le parti communiste cesse d'être une contre-société pour devenir un contre-Etat. Pas en parti destructeur de l'Etat mais en parti candidat à la direction de l'Etat pour relayer la bourgeoisie. La contre-société a échoué, notamment en Allemagne (événements de 1928-1933). Des témoignages nous décrivent cette contre-société dans laquelle vivent des camarades ayant les uns pour les autres des sentiments de fraternité, de solidarité étroite, d'affection réciproque et profonde dans la lutte. Cette contre-société communiste échoue avec le fascisme et le stalinisme (cf. également la Révolution espagnole et le témoignage d'Orwell).
La façon d'être qui a disparu comportait une critique et un dépassement du politique comme tel. Cette façon d'être ne se vouait pas à l'activité politique en tant qu'activité spécialisée.
Il fallut beaucoup de temps pour que les militants communistes, à la base, s'intéresssent à la croissance économique en URSS, au nombre de tonnes de blé et d'acier produites, à la croissance come critère du socialisme. Ce n'était pas cela qu'ils cherchaient et désiraient. Les surréalistes (André Breton) furent parmi les premiers à dénoncer cette transformation du mouvement communiste : la transformation de la contre-société en contre-Etat et de la spontanéité en appareil. Ainsi en URSS, le marxisme s'est transformé en son contraire : de critique des idéologies il est devenu idéologie; de critique de l'Etat il est devenu idéologie de l'Etat.